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Polémique sur les « nervis du pouvoir » de Macky SALL

La présence de civils armés aux côtés des forces de l’ordre lors des émeutes qui ont suivi la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko interroge dans le pays.

L’exercice de communication a viré au fiasco. Dimanche 4 juin, plusieurs sommités de la police nationale sénégalaise se présentent pour une conférence de presse aussi inhabituelle que leurs visages. Une fois les lumières éteintes dans la salle, le commissaire Mamadou Gueye du bureau des relations publiques de la police expose aux journalistes une série de vidéos issues des récentes manifestations.

« Il tient une arme que ceux qui sont dans le maintien de l’ordre n’ont pas », commente-t-il en faisant projeter une vidéo d’un homme courant sur l’autoroute à péage de la capitale. « Celui-là tire de manière différente, c’est un professionnel (…). Il maîtrise ce qu’il fait », explique le commissaire au sujet d’un autre individu en tee-shirt rouge au milieu d’une rue de Dakar.

« Leur but, c’est de faire porter le chapeau [de la violence] aux forces de défense et de sécurité », conclut M. Gueye après son exposé sur ces individus « infiltrés » qui « tirent sur la population » lors des manifestations. Au moins vingt-trois personnes ont été tuées dans des émeutes suite à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme le 1er juin selon Amnesty International.

La présentation du policier est contestée à peine quelques minutes plus tard sur les réseaux sociaux, malgré la restriction d’Internet décidée par les autorités. De tous angles, des images de ces civils armés sont rapidement relayées par les internautes pour démentir les arguments de la police nationale. On y voit des hommes en civil débarquant sur des lieux d’émeutes en convois de pick-up, blancs pour la majorité. Ils agissent, certains armés de fusil ou d’armes de poing, aux côtés des forces de l’ordre et affrontent visiblement les manifestants.

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Une polémique déjà présente en mars 2021
Jeudi 8 juin, le Pastef, parti de l’opposant Ousmane Sonko, a répliqué. En conférence de presse, les journalistes ont de nouveau eu droit au spectacle d’une vidéo de plusieurs minutes intitulée : « Les nervis en toute complicité avec les forces de police. »

« S’il s’agit de forces de l’ordre en civil, alors qu’ils [les autorités] nous disent qui tire. S’il s’agit de nervis ou d’étrangers infiltrés, il faudra qu’ils nous disent pourquoi ils sont mêlés à la police sans qu’il ne leur soit rien dit », interpelle El Malick Ndiaye, le porte-parole du Pastef.

L’ONG Amnesty International a confirmé avoir constaté la présence d’« hommes armés, habillés en civil, aux côtés des forces de l’ordre » et a demandé que les agents déployés face aux manifestants arborent des moyens « visibles » d’identification individuelle.

Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty Sénégal espère des enquêtes sur « le rôle et la fonction » de ces personnes ainsi que des poursuites pour les « violations commises ».

Cette polémique sur la présence éventuelle de nervis du pouvoir avait déjà éclaté en mars 2021, lors des heurts qui avaient suivi la brève interpellation d’Ousmane Sonko. Le gouvernement du Sénégal avait alors promis de faire la lumière sur l’identité de ces hommes armés.

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A l’époque, des hommes casqués avaient été filmés roulant dans des pick-up dans différentes artères de Dakar, armés principalement de gourdins et de battes de baseball, affrontant des manifestants en colère après la mise en détention d’Ousmane Sonko.

Aujourd’hui, plusieurs vidéos montrent des véhicules similaires et des images montrent leurs passagers entrant au siège du parti au pouvoir, l’APR, où des jeunes gens ont été vus par des journalistes touchant de l’argent. Certains de ces véhicules étaient toujours stationnés jeudi, a constaté Le Monde.

Pour le Pastef, il n’y a pas de doutes sur les commanditaires de l’action des hommes armés : « C’est l’ultime méfait du régime de Macky Sall qui recrute impunément une milice privée », affirme Marie Rose Faye, porte-parole adjointe du Pastef. Une accusation que rejette le porte-parole adjoint de la coalition au pouvoir, interpellé sur la chaîne privée TFM. « L’APR n’a recruté aucun nervi, aucun jeune pour aucune exaction que ce soit », a réagi Abdou Mbow.

Moussa Ngom avec Le Monde

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