Senef.fr : Le site des Sénégalais de France
Le site des Sénégalais de France

Lire et écrire, un défi pour des nouveaux arrivants

migrant apprenant

Lire et écrire, un défi pour des nouveaux arrivants. Apprendre la langue française, s’intégrer, tels sont les objectifs que se fixent les apprenants en alphabétisation et en Français langue étrangère de l’association Atouts Cours à Paris. Rencontre avec une classe de débutant et leur enseignant.

A la limite de la Seine-Saint-Denis, le périphérique sépare Saint-Ouen du 18eme arrondissement de Paris où se situe Clignancourt. Sur l’avenue de la porte de Montmartre, le centre d’animation René Binet. À l’intérieur on dispense des formations de Français langue étrangère (FLE) niveau débutant crée par l’association « Atouts Cours ». Cette association consacre ses actions à l’apprentissage de la langue et offre des formations d’alphabétisation aux personnes défavorisées. L’organisation compte 75 ateliers linguistiques par semaine sur une vingtaine de sites à Paris, dispensés par 60 bénévoles et totalise 1200 apprenants chaque année. « Atouts Cours représente la plus grande association bénévole d’apprentissage du Français pour les populations migrantes en France » souligne Robert-Charles Chemoul le fondateur de l’association.

Immersion en plein cours d’un petit groupe de FLE débutant un jeudi matin. Sept apprenants sont présents dans une petite salle de classe. Originaires de Somalie, du Sri Lanka, du Sénégal, de Guinée, du Bangladesh et de l’Afghanistan, de tout âge, ces immigrés ou réfugiés politiques, habitent le 18ième arrondissement de Paris.

Atoucours2

Les apprenants en cours

Les apprenants viennent essentiellement d’Afrique et d’Asie, la plupart ont la vingtaine. Parmi eux, Maimouna, 32 ans, Sénégalaise, installée depuis huit mois en France; Surues, 32 ans, Sri Lankais (réfugié politique), habite à Paris depuis quatre ans; Mohamad, 29 ans, réfugié Afghan, installé à Paris depuis un an, il a connu les cours par le biais de son assistante sociale et souhaite maîtriser la langue française pour effectuer une demande d’asile afin ode régulariser sa situation et avoir la possibilité de travailler légalement (les réfugiés politiques doivent avoir un certain niveau de Français).

Il y a aussi Rahim, un jeune homme de 22 ans, réfugié politique Afghan. Il est arrivé à Paris il y a six mois et a également connu les cours auprès de son assistante sociale. Près de lui, Brahim, un Somalien de 29 ans, installé dans la capitale depuis un an et six mois, il a appris l’existence de l’association par un ami. Fatoumata quant à elle est à la recherche d’un emploi. Cette Guinéenne de 28 ans vit à Paris depuis huit mois. Elle a connu les cours par le biais de Pôle Emploi et dit que travailler dans le ménage lui suffirait pour gagner de l’argent. Enfin, il y a Shanta. Cette jeune femme de 28 ans, Bangladaise, est  installée à Paris depuis 3 mois et vit près du local de l’association. Elle souhaite devenir esthéticienne.

Christiane, enseignante bénévole, est d’origine béninoise. Debout devant le tableau, elle fait face aux apprenants, leur pose des questions sur des exercices réalisés en classe afin d’encourager leur participation. Les apprenants sont sages et concentrés. Un échange se créé entre l’enseignante et ses élèves qui à tour de rôle prennent la parole. Après des exercices sur les prépositions, ils passent à l’étude de l’arbre généalogique, à l’exercice des paires où ils apprennent les relations entre les membres de la famille. Leur lecture est assez fluide pour un cours de débutant, l’expression orale est assez avancée, certains ont plus de facilité que d’autres. Pour certains la difficulté se fait au niveau de la compréhension du vocabulaire de la famille, ils apprennent à distinguer les homonymes par exemple le mari de la mairie, le père de la paire etc.

A LIRE  Webdocumentaire le Grand Écart : Portrait de ALMAMY SOUMARE

Lorsqu’il est demandé aux apprenants débutants ce qu’est Atouts Cours, c’est le silence total. Ils s’interrogent, dès lors qu’ils apprennent de quoi il s’agit, les réactions se font attendre. Maimouna, assise au dernier rang se met à noter « Atou cou » afin de garder en mémoire ce nom qu’elle vient de découvrir. À vrai dire, l’information principale qu’ils ont est qu’ils sont tout simplement venus assister à leurs cours de français. Cela leur coûtent 60 euros l’année pour 3 cours de deux heures par semaine.  « Les 60 euros sont nécessaires aux frais de dossier. Si les cours étaient gratuits les apprenants seraient moins assidus, ils se permettraient de ne pas venir en cours. Le fait de payer au moins le strict minimum les encourage à venir. Et puis c’est payant et il y a toujours du monde cela veut donc dire qu’il y a toujours un réel besoin » explique Christiane.

Revenons au cours. Brahim intervient de manière réactive après avoir fait un calcul de tête en disant avec humour que cela équivaudrait à 5 euros par mois et donc 1,25 euros la semaine. Le sourire aux lèvres, les apprenants reconnaissent le faible coût de la prestation.

Pour Christiane, l’objectif final pour ce groupe de débutant est que chaque élève doit pouvoir, à la fin de l’année, se présenter, aborder les gens dans la rue, présenter les autres, savoir téléphoner, prendre rendez-vous, envoyer un texto, pouvoir lire le courrier et y répondre, se rendre seul d’un endroit à un autre. Mais aussi « savoir gérer les actions de la vie quotidienne, pouvoir communiquer avec les administrations, la mairie, la préfecture, le Pôle Emploi car les apprenants y vont tout le temps » précise l’enseignante.

Ainsi, les bénévoles apportent les outils nécessaires aux apprenants afin de les accompagner pour qu’ils réussissent à s’en sortir dans leur vie quotidienne en France. « La médiatrice socioculturel est une salarié de l’association qui se charge de l’accompagnement social des apprenants. Elle leur apporte des renseignements, les adresses nécessaires à avoir. En plus de cela, les apprenants disposent de l’atelier des écrivains public qui les aide pour les démarches administratives. Ils apprennent à rédiger le courrier pour être totalement autonome. Enfin, depuis un an seulement nous avons créé l’atelier d’accueil, le niveau premier avant d’accéder aux différents niveaux de Français, afin de mettre à niveaux certains des nouveaux apprenants. Car avant la création de cet atelier, les enseignants bénévoles reconnaîtraient une difficulté à enseigner face à des personnes du même groupe qui n’avaient pas le même niveau de Français. Il y avait du désordre, une perte de temps et de l’ennuie pour certains, ce n’était motivant pour personne. Puis depuis seulement 2-3 ans l’association a commencé à recruter des spécialistes pour revoir le fonctionnement des cours. Ils ont participé à reconstituer l’association et créer un certain nombre de projets » conclue Christiane.

A LIRE  Rokia Traoré : « Les immigrés ne partiraient pas s’ils avaient l’impression que les politiques étaient là pour eux »

Maimouna, apprenante et photographe de formation

Maimouna

« J’ai travaillé en tant que photographe pour l’ancien ministre de l’Agriculture du Sénégal »

 

 

 

 

 

 

 

 

1m65, coquette, assise sur sa chaise, Maimouna se distingue par son sourire et son sérieux. La jeune femme de 32 ans, s’exprime dans un français relativement correct. Calme, à l’aise, elle semble heureuse d’être ici.

D’origine sénégalaise, plus particulièrement issue d’une famille peule, elle s’est installée à la capitale française il y a huit mois. Arrivée en France, elle décide d’aller à la mairie à la recherche de cours « pour apprendre à lire, écrire et mieux s’exprimer pour mieux m’intégrer en France et surtout apprendre la culture du pays ».

Elle se sent obligée de suivre un apprentissage, car elle dit manquer de scolarisation, elle n’a pas eu cette chance d’aller à l’école. « Lorsque que j’étais plus jeune, au Sénégal mon père m’interdisait d’aller à l’école car on avait besoin de moi à la maison » raconte t-elle. Aujourd’hui adulte, responsable, elle désire rattraper le temps perdu, « intéressée par la télévision, mon objectif est d’arriver à un certain niveau de français pour aboutir à mon ambition professionnelle qui est de travailler dans l’audiovisuel, devenir cadreuse, travailler l’image ». Elle dit en avoir les capacités cependant, Maimouna doit faire face à la barrière de langue.

Au Sénégal elle a obtenu un diplôme grâce à des formations qu’elle a passé dans l’audiovisuel. Mais, elle n’a pas essayé de voir si ces diplômes étaient reconnu en France. « J’ai travaillé en tant que photographe pour l’ancien ministre de l’Agriculture du Sénégal » dit-elle. Grâce à lui elle a découvert la France, car depuis 2006, elle effectue deux déplacements par an à Paris. C’est comme ça que lui est venue l’envie de retourner dans l’hexagone pour s’y installer et tenter sa chance. Sa situation professionnelle au Sénégal était précaire, Maimouna avait du mal à trouver un emploi fixe.

Cette trentenaire est pleine d’ambitions et souhaite à exercer sa passion « pour l’instant, je me débrouille pour avoir de quoi vivre. Je suis photographe indépendante pour les mariages, les cérémonies avec ma caméra personnelle, pour des particuliers qui me contactent directement par téléphone grâce au bouche à oreille ». Elle souhaite trouver en France une formation dans l’audiovisuel qui lui permettrait de lui ouvrir des portes, de trouver un emploi stable qui concorde avec ses objectifs.

Mais avant tout, sa priorité reste la maîtrise de la langue française. Pour le moment, une seule contrainte s’impose à elle et fragilise son insertion sociale et professionnelle, ses « problèmes de papiers ».

Aminata Sy

 

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *