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Dans un foyer parisien, l’inquiétude des « anciens » face aux « nouveaux »

residant dans un foyer parisien

Les « anciens » résidents du foyer voient parfois l’arrivée de nouveaux migrants comme une menace.

La crise migratoire qui secoue l’Europe inquiète dans un foyer parisien du centre de la capitale. Dans ce bâtiment sans âme construit au début des années 1980, les résidents s’entassent à 600 au lieu des 300 locataires réglementaires. Pas de femmes ici. On vit en chambrée de deux, entre vieux célibataires, depuis dix à quinze ans en moyenne.

Les parties communes sont malgré tout entretenues comme un intérieur de ménagère au prix d’une discipline collective de fer. Mais à ce prix, autant dire qu’on regarde d’un œil méfiant tous les nouveaux qui longent discrètement les murs pour profiter des douches.

Les « nouveaux », ce sont surtout des Soudanais. Des recalés du passage en Angleterre via Calais devenus demandeurs d’asile. Pas de Syriens ni d’Irakiens ici. Les Soudanais ont commencé à arriver il y a environ un an. Tous dorment dehors, dans des squats le long de la Seine.

Autre concession qui leur est faite : l’accès au « bar » pour prendre un café ou un petit déjeuner. Certains y passent parfois la journée, pour tuer le temps et rester au chaud.

La nouvelle crise migratoire est un sujet « sensible » au foyer. Ne s’exprime pas qui veut sur la question. « Y en a des pour, Y en a des contre » [l’arrivée de nouveaux migrants], résume ainsi, aussi neutre que possible, Mohamed, un Sénégalais sans papier de 51 ans. Titulaire de deux masters en gestion et ingénierie financière, il est considéré comme un « éduqué », soit un homme à la parole « respectable ». « Il faut positiver. Les Syriens peuvent aider à notre régularisation, ça peut changer la politique française, ajoute-t-il, en se voulant mesuré. Il faut seulement que la France fasse quelque chose pour ceux qui sont déjà là, sinon viendra un jour où ça va exploser. »

Rancœurs

Les tensions ne sont toutefois pas rares entre « anciens » — surtout Maliens et Sénégalais — et « nouveaux », au foyer. Deux mondes se toisent en fait, se redoutent. Il suffit d’un rien pour allumer la mèche. « Jamais on a connu ça ici ! Prenez le café et après cassez-vous ! », hurle à trois Soudanais, qui gênent un peu le passage, un Malien en France depuis trente-cinq ans. « Vous êtes de la même peau que nous, vous êtes noirs, mais il faut que vous repreniez la route ! », poursuit le vieux Malien.

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L’objet de toutes les attentions au foyer depuis l’aube : un article de Direct Matin sur les arrivées de Syriens et d’Irakiens en France intitulé : « Mobilisation pour les exilés ». L’article passe de mains en mains, discrètement, sans un mot. Mais les rancœurs sont là. Y compris chez les Soudanais : « Eux, on leur donne l’asile en trois mois, nous, ça fait un an qu’on attend. Pourtant, il y a la guerre et des morts partout aussi chez nous ! », s’agace Ali, un grand costaud de 38 ans en veste de jogging. « Entre nous, on se dit parfois que c’est parce qu’eux sont blancs et que nous, nous sommes noirs… »

Une inquiétude partagée même par ceux qui ont obtenu, à l’usure, leurs papiers, après dix ans passés sur le territoire. Bien qu’il soit naturalisé français depuis 2005, Bamba, 41 ans, galère toujours. Il fait de l’intérim comme agent d’entretien mais a rarement son quota de 35 heures. « C’est la merde, c’est la merde, les nouveaux ne travaillent pas encore, mais ça va rajouter de la compétition et de la tension », lâche-t-il. « Le boulot, c’est fini en fait en France. »Et d’interroger : « Vous savez comment on peut aller au Canada ? »

 

Source : Le Monde

 

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