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Drogue dans le métro parisien: le ras-le-bol des usagers et des conducteurs

Drogue dans le métro parisien: le ras-le-bol des usagers et des conducteurs

L’association «SOS Usagers» et le syndicat Unsa RATP fustigent les agressions liées au trafic de drogue en «constante augmentation» dans le métro parisien. Certains conducteurs reconnaissent même parfois ne plus s’arrêter à certaines stations.

Les conducteurs du métro parisien et certains usagers tirent le signal d’alarme. Vendredi dernier, l’association «SOS Usagers» et le syndicat Unsa RATP ont dénoncé l’insécurité dans le métro due au trafic de drogue.

«Depuis des années, le métro est envahi par des groupes de dealers qui attirent des toxicomanes souvent agressifs et dangereux. Après avoir séjourné sur la ligne 4, actuellement en travaux, ces groupes d’individus se sont déplacés en masse, sur la ligne 12 et ses environs», indiquent SOS Usagers et l’Unsa RATP dans un communiqué commun. «Le nombre d’agressions sur les voyageurs et sur le personnel RATP est en constante augmentation et prend des proportions de plus en plus dramatiques», est-il précisé.

Les deux organisations ont interpellé par courrier le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, la maire de Paris Anne Hidalgo, ainsi que la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse. Un mouvement de grève est par ailleurs d’ores et déjà prévu sur la ligne 12 du métro parisien ce vendredi afin de protester contre l’insécurité.

 Bagarres, agressions et traversée des voies
Damien Villette, 29 ans, est conducteur de métro sur la ligne 12 et délégué syndical FO. Contacté par Le Figaro, il évoque la présence d’une «quarantaine de SDF toxicomanes essentiellement installés aux stations Marx Dormoy, Marcadet-Poissonniers et porte de la Chapelle», au nord de Paris.

Ces toxicomanes sont «très mobiles» car ils vont régulièrement se «ravitailler» auprès de dealers de crack et «font de nombreux allers-retours», nous précise un policier de la brigade des réseaux franciliens (BRF). Ces dealers, que ce policier qualifie de «modous» (un mot d’origine sénégalaise, NLDR), sont très présents aux stations Saint-Lazare, Strasbourg Saint-Denis, gare du Nord et gare de l’Est.

Mais que se passe-t-il concrètement au quotidien sur la ligne 12? «Les toxicomanes se piquent avec des seringues et fument du crack sur le quai ou dans les rames», explique Damien Villette. Le conducteur évoque également des bagarres sur les quais entre eux, des agressions verbales ou physiques envers les passagers, des malaises nécessitant l’intervention des secours ou encore la traversée intempestive des voies, ce qui oblige les machinistes à «couper le courant» et provoque de nombreux retards sur la ligne.

«Lorsqu’il y a 15 ou 20 toxicomanes sur le quai, il arrive qu’on ne s’arrête pas», Damien Villette (conducteur de métro sur la ligne 12)

Ce n’est pas tout. Parfois, les conducteurs de métro ne marquent même plus l’arrêt à certaines stations. «Lorsqu’il y a 15 ou 20 toxicomanes sur le quai, il arrive qu’on ne s’arrête pas», poursuit Damien Villette. Avant de préciser: «Le collègue précédent nous informe de la situation et on dit aux passagers que la station suivante ne sera pas desservie: ça se fait de plus en plus, notamment en journée». L’objectif est de «préserver l’intégrité physique des voyageurs».

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Quant aux usagers que nous avons rencontrés au nord de la ligne 12, ils ne sont pas avares en anecdotes. Il y a tout d’abord Cécile, une mère de famille de 36 ans, qui vit dans le quartier de Château Rouge depuis 2015. «J’évite la ligne 12 au maximum, notamment avec mes enfants», nous confie-t-elle.

Avant d’enchaîner sur un ton fataliste: «Je suis dégoûtée car l’an dernier j’étais avec ma fille de 4 ans et nous avons vu un mec avec une seringue dans le bras à la station Marcadet-Poissonniers». C’était à 16h, en plein après-midi. Elle évoque aussi ce trajet ubuesque – toujours sur la ligne 12 – au cours duquel elle a vu «un mec préparer tranquillement sa pipe à crack juste à côté de moi sur son strapontin».

Cécile se dit aujourd’hui «choquée»: «Cela fait des mois que les usagers sont face à ce problème et que personne ne réagit», s’indigne-t-elle. Il y a aussi Emma, 23 ans, qui habite près de la station Jules Joffrin et «prend la 12 tous les matins». Si elle estime que «les toxicomanes ne sont pas méchants», elle raconte tout de même avoir dû un jour tirer le signal d’alarme du métro car l’un d’entre eux «était en train de faire une overdose dans la rame».

D’autres se montrent un peu moins alarmistes. C’est le cas de Robert, 70 ans, qui sort tout juste du métro Marcadet-Poissonniers et évoque «un quartier calme». Le retraité, qui vit là depuis 35 ans, concède toutefois un «afflux de gens en provenance de la Chapelle» et explique qu’il ne «passe plus par le tunnel souterrain qui relie la ligne 4 à la ligne 12 le soir».

Ce tunnel – devenu un véritable terrain de jeu pour les dealers -, beaucoup nous diront le craindre. Quant à Yvonne, 65 ans, elle nous explique que «le quartier a toujours été un peu ‘craignos’ mais qu’elle n’a rien vu de particulier dans le métro concernant les dealers». Ce qui la préoccupe davantage, ce sont les «vols de portable».

«Toi, je vais te tuer», Un toxicomane s’adressant à un voyageur (station «Grands Boulevards»)

Lors de nos déplacements sur la ligne 12, nous n’avons pas pu constater la non-desserte de certaines stations par les conducteurs de métro. En revanche, nous avons observé la présence de nombreux toxicomanes, en particulier à la station Marcadet-Poissonniers. Une dizaine d’individus – les yeux injectés de sang – occupent le quai. Certains sont assis tandis que d’autres arpentent les lieux en fouillant dans les poubelles ou en demandant de l’argent aux voyageurs.

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Plus ou moins agressifs – certains se mettent parfois à hurler sans raison -, ils ont tous une pipe à crack à la main. Ces toxicomanes sont également présents à d’autres stations. Nous avons notamment pu en apercevoir une petite dizaine sur le quai de la ligne 9, à la station Grands Boulevards (en direction de Pont de Sèvres). Lors de notre passage, l’un d’eux a hurlé – sans motif apparent – «Toi, je vais te tuer» en s’adressant à un usager qui attendait son métro. Plus loin, une agent de la RATP nous confiait: «Ça craint ici, ça fait un moment. Pourtant, on fait remonter les informations».

La RATP «partage l’inquiétude de ses agents»
De son côté, la direction de la RATP semble pleinement consciente de la présence de toxicomanes sur certains quais du métro. «On partage l’inquiétude de nos agents et on se mobilise depuis plusieurs mois», explique au Figaro Stéphane Gouaud, directeur de la sécurité à la RATP. «On a un axe répressif avec la présence accrue du GPSR (groupe de protection et de sécurisation des réseaux, NLDR) aux stations les plus sensibles, en lien avec la préfecture de police», détaille-t-il.

Au total, la RATP compte 1.000 agents de sûreté pour tout le réseau. Quant à l’aspect préventif, «la RATP a signé une convention en décembre 2017 avec la préfecture d’Île-de-France pour une meilleure prise en charge des toxicomanes». Le dispositif prévoit notamment des maraudes dans les stations avec des acteurs associatifs.

Afin de répondre aux inquiétudes grandissantes des agents de la RATP et des usagers, une table ronde aura lieu vendredi avec les syndicats, la direction et la police pour «avancer des pistes». La réponse de la préfecture de police, contactée par Le Figaro, se faisait pour l’heure toujours attendre.

Guillaume Poingt avec Le Figaro

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