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A Chypre, la musique comme échappatoire pour des migrants africains

Elle « fait tomber les barrières »: à Nicosie, capitale de Chypre, la musique aide des demandeurs d’asile africains à s’intégrer et oublier leur situation précaire le temps d’une chanson.

Ibrahim Kamara, un Gambien de 29 ans, est arrivé il y a cinq ans sur l’île méditerranéenne. Un matin, il voit un djembé dans un magasin, un instrument de percussion africain qui lui rappelle immédiatement son pays d’origine.

« Comme moi, il venait de Brikama », la deuxième plus grande ville de Gambie, confie à l’AFP le musicien, qui s’est vu offrir, quelque temps après, un instrument semblable.

Jouer du djembé a alors constitué « une bouffée d’air frais » pour Ibrahim qui, après son arrivé dans l’île, a vécu avec une dizaine de personnes sous une tente dans un parc de Nicosie, parfois avec une chaleur étouffante.

« C’était vraiment difficile, nous n’avions pas de nourriture » et « (nous devions) faire la queue pour boire à une fontaine », se souvient-t-il.

Outre les privations, il dit avoir souffert du racisme dans un pays où près de 5% des 915.000 habitants sont des demandeurs d’asile et où 1.500 demandes sont déposées chaque mois, d’après le gouvernement chypriote.

« Une humanité commune »
« Un jour, à la banque, alors que je me tenais à côté de quelqu’un dans une file d’attente, cette personne s’est éloignée de moi et a mis un masque », raconte Ibrahim, toujours en attente de la réponse à sa demande d’asile.

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Mais petit à petit, il dit avoir pu, « grâce aux tambours, créer du lien » avec la population chypriote. Djembé signifie « rassembler les gens » en bambara, une langue très utilisée en Afrique de l’Ouest, aime-t-il d’ailleurs rappeler.

Il anime aujourd’hui des ateliers de musique tous les lundis après avoir reçu le soutien de l’association européenne Project Phoenix, qui a aidé depuis 2018 une dizaine de personnes en situation irrégulière à s’insérer professionnellement sur l’île.

Et mine de rien, le revenu de ces cours, additionné à un autre petit boulot, lui a permis de se trouver un « joli » trois pièces en colocation.

Mais surtout, ces ateliers permettent de faire découvrir son univers aux Chypriotes.

Il faut « que notre pays découvre leur culture » africaine afin de pouvoir mieux « les accueillir », estime Panayiota Constanti, qui a rejoint les cours du percussionniste il y a un an et demi, lors d’une session dans un parc de Nicosie.

Tout comme Ibrahim, Isaac Yossi, un Camerounais qui se fait appeler « Big Yoss », a voulu rassembler migrants et Chypriotes autour d’un projet commun. Il y a trois ans, il a fondé le groupe de musique Skyband.

Avec six autres demandeurs d’asile africains, ils jouent dans des restaurants, à des mariages ou des soirées privées chypriotes, fusionnant rythmes africains et musique grecque pour rendre hommage à « une humanité commune ».

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« Des êtres humains »
Au début sceptiques, les Chypriotes « changent leur regard » quand « je commence à chanter en grec », affirme lors d’une répétition Isaac, guitare acoustique en mains, après avoir joué « Tha Mai Edo », du célèbre chanteur grec Konstantinos Argiros.

Pour s’intégrer, il a appris le grec, langue parlée dans la partie sud de l’île qui est administrée par le gouvernement chypriote, reconnu par l’ONU. Le turc est la langue utilisée dans la partie nord, envahie en 1974 par la Turquie.

L’île n’offre pas assez « d’opportunités » aux migrants pour qu’ils puissent montrer leurs talents, déplore Maria Demosthenous, professeure de piano et manager du groupe d’Isaac.

« Lorsqu’on pense aux migrants, on n’imagine pas qu’ils puissent nous divertir ou faire de la bonne musique », déclare cette Chypriote de 43 ans qui milite pour qu’ils se produisent davantage sur scène.

« Nous devons les voir comme des êtres humains, comme les personnes qu’ils étaient avant de devenir des migrants. »

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