ECONOMIE – Nous sommes en train de faire du Sénégal le premier hub technologique d’Afrique francophone. Depuis quelques années, un vent entrepreneurial puissant souffle sur Dakar et fait pousser des ailes à de plus en plus de jeunes Sénégalais.
Lors de mon passage à Dakar, un entrepreneur du web m’expliquait qu’au Sénégal
l’on créé une startup d’abord pour se prendre en main, ensuite pour résoudre les problèmes du quotidien et donc au final aider son pays
Car au pays de la Teranga, les problèmes ne manquent pas, à commencer par le défi du chômage qui pèse fortement sur l’ensemble de la société: un phénomène qui frappe officiellement 13% des jeunes sénégalais et qui pousse à l’exil les talents les mieux formés.
Multiplier la création de startups pour inverser la tendance? Un défi ambitieux que l’écosystème sénégalais dans son ensemble a décidé de relever, en l’inscrivant dans une vision globale: faire du Sénégal le premier hub technologique d’Afrique francophone.
Un écosystème en pleine expansion et qui s’internationalise malgré les obstacles
Depuis quelques années, un vent entrepreneurial puissant souffle sur Dakar et fait pousser des ailes à de plus en plus de jeunes sénégalais. Dakar est ainsi officiellement la première capitale d’Afrique francophone à avoir organisé un Startup Weekend en 2012, permettant à des centaines de jeunes sénégalais de découvrir l’univers de l’entrepreneuriat et de l’innovation technologique.
Deux années plus tôt en 2010, l’espace de co-working Jokkolabs ouvrait ses portes à Dakar pour fédérer de nombreuses communautés sénégalaises passionnées par le numérique et l’Open innovation. Le succès sera immédiat et dépassera rapidement les frontières du pays: Jokkolabs est aujourd’hui présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et dispose même d’une antenne en région parisienne, à Nanterre.
Un nouveau coup d’accélérateur sera donné en 2011 avec la création du CTIC Dakar, le premier incubateur technologique sénégalais, qui verra le jour avec le soutien des autorités publiques et du secteur privé. L’objectif du CTIC Dakar ? Aider les jeunes pousses locales à devenir des champions numériques régionaux. Une quinzaine de startups sont aujourd’hui accompagnées par le CTIC Dakar. L’incubateur organise également des dizaines d’événements consacrés au numérique et à l’entrepreneuriat à Dakar, Saint Louis ou encore Ziguinchor, en Casamance. Un modèle pour l’Afrique francophone: en 2014, le Niger a fait sortir de terre un incubateur TIC s’inspirant directement de l’expérience du CTIC Dakar tandis que le Mali serait prêt à suivre.
La multiplication de ces acteurs amplifie l’attractivité économique du pays vis-à-vis des investisseurs internationaux: Google, Microsoft ou encore IBM n’ont pas tardé à ouvrir leurs centres régionaux à Dakar. Aujourd’hui, la pénétration mobile au Sénégal dépasse les 100% tandis que l’Internet contribue à hauteur de 3,3% de la richesse nationale produite en 2013 selon McKinsey.
Mais si l’écosystème est en ébullition, l’un des principaux obstacles demeure le manque de financement. La culture du capital-risque est encore inexistante au Sénégal et il demeure très difficile pour une jeune pousse technologique de trouver des fonds pour décoller.
Une montée en puissance facilitée par le retour de la Diaspora Tech sénégalaise
Autre obstacle important, l’insuffisance des talents. Si les universités sénégalaises comptent parmi les plus réputées d’Afrique, les compétences manquent comme me l’expliquait Jimmy Kumako, un startupeur spécialisé dans les applications mobiles avec sa société sénégalaise Dev Engine Labs. « Aujourd’hui le Sénégal ne possède pas suffisamment de développeurs et de designers, en particulier dans le mobile. Mais cela peut changer dans les prochaines années. Bientôt il sera possible de développer au Sénégal et en Afrique des solutions mobiles de qualité équivalente à ce qui se fait en Asie ou en Europe ».
Le retour des talents de la diaspora technique et entrepreneuriale sénégalaise devrait rapidement donner raison à cet entrepreneur. Car en apportant expertise, connaissance des marchés internationaux et financement, ces talents expatriés peuvent bouleverser la donne. A l’image de Baobab Entrepreneurship, une startup créé par des compétences de la diaspora et qui travaille à améliorer l’écosystème entrepreneurial sénégalais par du coaching et de l’incubation en ligne. Dernier étage de la fusée, la diaspora sénégalaise est aujourd’hui prête à faire décoller les jeunes pousses « Made in Senegal ».
Par Samir Abdelkrim
Entrepreneur, consultant