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Revenus du rêve européen, des Sénégalais misent sur la culture du riz ou des légumes

Revenus du rêve européen, des Sénégalais misent sur la culture du riz ou des légumes

« Je croyais pouvoir avoir mieux en Europe »: après cinq ans passés en Italie comme saisonnier agricole et ouvrier en usine, Pape Samba Diane, 45 ans, revenu au Sénégal, dirige aujourd’hui l’association des producteurs de riz de sa localité.

Au Sénégal, l’agriculture et ses nouvelles promesses font revenir à la terre certains jeunes migrants issus de l’exode rural comme lui, partis tenter leur chance à la capitale, Dakar, ou sur les dangereuses routes de l’exil vers l’Europe.

Mbaye Touré, lui, a quitté fin 2014 son village de la vallée de Ndederling, à l’est du parc national du delta du Saloum, dans une région qui a longtemps peiné à parvenir à l’autosuffisance alimentaire malgré plusieurs plans de développement.

« Je suis d’abord allé à Dakar, où j’ai travaillé dans le commerce avec d’autres jeunes » jusqu’au jour où un passeur est venu proposer ses services pour franchir la frontière mauritanienne, raconte cet homme de 33 ans, bonnet noir et T-shirt rouge aux couleurs du club de football Manchester United.

Debout au milieu d’un champ d’oignons, il mise désormais sur les revenus du maraîchage.

Dans cette zone, un projet de culture de légumes par quelque 120 jeunes sur une trentaine d’hectares a été lancé par le gouvernement, soutenu financièrement par le Fonds international de développement de l’agriculture (Fida), une agence de l’ONU qui a invité au début du mois quelques journalistes sur le terrain.

Mbaye Touré se souvient avec amertume de son émigration ratée via la route du désert. En Mauritanie, il s’est retrouvé abandonné par les passeurs, sans nourriture. « On nous a trompés, nous sommes restés avec la faim qui nous tenaillait pendant plusieurs jours ». Lui et ses compagnons d’infortune ont dû renoncer à leurs rêves.

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20 à 30 personnes sont de retour

« J’ai entendu parler de ce qui se passe en Libye pour ceux qui partent et maintenant je leur demande de rester », ajoute-t-il, en évoquant pudiquement les images choc de migrants vendus comme esclaves, diffusées récemment par la chaîne américaine CNN.

« Nous avions investi tout ce que nous avions dans ce voyage, 75.000 francs CFA (115 euros environ) » pour rejoindre d’abord la Mauritanie, « et maintenant il est difficile de reconstituer l’épargne perdue », dit-il.

Au fil de la visite à plusieurs groupements d’agriculteurs dans la région de Kaolack, à plus de deux heures de route de Dakar, d’autres témoignages similaires se succèdent.

A Nganda, le premier adjoint au maire, Babacar Mbaye est, lui, revenu au pays en 2013 après huit années passées en Italie.

« Dans la commune, 20 à 30 personnes sont de retour sur une centaine qui étaient parties », dit-il. « L’émigration ne se limite pas à l’Europe, beaucoup partent pour d’autres pays africains », précise-t-il, tout en soulignant que les départs ont désormais tendance à diminuer.

Parmi eux, Pape Samba Diane dit avoir beaucoup appris « en regardant ce qui se passait » autour de lui, lorsqu’il vendangeait dans la région de Brescia (nord de l’Italie), avant de devenir ouvrier dans une usine de garnitures plastiques.

Là-bas, ce sont les agriculteurs qui « détiennent la fortune », explique-t-il, assis sous un grand arbre dans la cour de sa ferme, au milieu de quelques chèvres et moutons.

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« Nous, ici, on ne savait pas qu’on pouvait se développer à travers la terre », souligne l’élu au conseil municipal de Nganda, chargé des « partenariats ».

Pourquoi pas nous ?

Il explique s’être rendu compte en Italie que nombre d’Italiens partis « en Allemagne ou aux Etats-Unis » rentraient chez eux pour « lancer de petites entreprises ».

« En Italie, ils font de l’agriculture, de la transformation, de l’agrobusiness, ils lancent des entreprises, et je me suis dit +pourquoi pas nous aussi? »

Contrairement à la génération précédente, les jeunes qui se lancent dans le riz, la céréale la plus consommée au Sénégal, ont désormais accès à des semences adaptées au changement climatique, et à cycle très court, « 80 jours entre le semis et la récolte », dit Pape Samba Diane, fier de ses rendements: trois tonnes à l’hectare sur des terres où aucun riz ne poussait il y a quatre ans.

Pour y parvenir, il a reçu une formation agricole de base. « On nous a appris l’importance des bonnes semences, et à utiliser un fertilisant au bon moment. »

Il organise aujourd’hui des séminaires techniques pour former d’autres jeunes.

Son pire souvenir en Europe ? C’est le jour où « quelqu’un » est venu à l’usine « pour nous dire que nous étions trop nombreux », raconte-t-il. « Cet homme nous disait de retourner chez nous. Ca m’avait fait très mal. »

Aujourd’hui, Pape Samba Diane ne veut plus aller en Europe, sauf « pour représenter le conseil municipal ».

« Il m’arrive de passer une année entière sans même aller à Dakar ».

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