L’arrivée d’une vague de demandeurs d’asile venus de Calais (nord de la France) en pleine crise européenne des migrants met sous tension le tranquille petit village de Longford, près de l’aéroport londonien d’Heathrow.
Les demandeurs d’asile, dont bon nombre vivaient jusque-là dans le camp de tentes situé près de la ville française, sont amenés à bord de bus pour être logés temporairement à l’hôtel Heathrow Lodge et dans les maisons alentour aménagées par l’hôtel.
La poignée de villageois de Longford se sentait déjà menacée par le projet d’extension de l’aéroport d’Heathrow. Jadis entouré de fermes et vergers, le village est à présent bordé de vastes parkings et d’hôtels, sous le vrombissement des avions qui décollent. La construction d’une troisième piste signerait sa disparition pure et simple.
En attendant, des dizaines de demandeurs d’asile résident temporairement à Longford.
« Avant c’était beau ici », lance l’ingénieur aéronautique Trevor Gordon, 64 ans, attablé au pub du Cheval Blanc. « Ce n’est pas du racisme mais que font-ils ici ? » demande-t-il.
Les réfugiés logés à Heathrow Lodge restent en principe un ou deux jours après avoir rempli les premières formalités de demande d’asile, d’après le ministère de l’Intérieur. Pourtant, l’un de ceux rencontrés par l’AFP est là depuis deux semaines.
Karim, un Arabe iranien d’Ahvaz, dit avoir payé 10.000 dollars (8.800 euros) à des trafiquants pour sortir de son pays. « Si je rentre en Iran, mort! » dit-il en passant un doigt sur sa gorge.
Les demandeurs d’asile arrivent parfois par dizaines la nuit à travers le tunnel sous la Manche depuis Calais. Mais le ministère ne donne aucun chiffre.
‘J’ai vu la mort’
Karim est logé avec sept autres demandeurs d’asile, certains du Soudan et d’Erythrée, dans une maison de Longford divisée en chambres individuelles, avec salle de bain commune.
Abdul Kataloni, qui affirme avoir 15 ans, est visiblement épuisé et raconte le voyage qui l’a mené du Darfour à travers la Libye, puis par la mer et via l’Italie, avant qu’il saute dans un train à Calais.
« Très dangereux. Les gens meurent », dit-il de sa traversée maritime. « J’ai vu la mort », ajoute-t-il.
Bassinga, un étudiant en droit sénégalais, précise que les logeurs leur ont demandé de ne pas sortir se promener dans le village, en raison de l’intérêt des médias suscité par les plaintes des villageois qui ont dénoncé une « invasion » de migrants.
« Vous ne pouvez pas vous promener dans la rue, ils ne veulent pas », dit Bassinga. « Ils ne veulent pas qu’on aille dehors, ils ne veulent pas qu’on soit assis ici ».
La société chargée de loger les demandeurs d’asile pour le compte du ministère est Clearsprings, l’une des trois compagnies privées auxquelles s’adresse le gouvernement.
Mais les villageois blâment pour cet afflux de migrants le propriétaire de l’hôtel, Surinder Arora, parti de rien de son Penjab natal, sans même parler anglais, et dont la fortune est aujourd’hui estimée à 356 millions de livres.
Arora a acheté une série de maisons de Longford d’abord louées à des employés de l’aéroport avant de servir de gîte temporaire aux demandeurs d’asile. Sa compagnie ne souhaite pas commenter la situation.
Certains habitants cherchent toutefois une occasion de faire des affaires.
Nav Singh, 42 ans, a grandi dans la région. Il demande quelle compagnie gère les logements, dans l’espoir de se tailler une part du gâteau. Fils d’immigrants sikhs venus d’Inde dans les années 1960, Singh estime que laisser entrer les demandeurs d’asile est dangereux. « L’Europe est trop bonne poire! », à ses yeux.
Source : Le Point