Un nouveau rapport du collectif Caminando Fronteras met en lumière une tragédie humaine qui aurait pu être évitée. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2025, 1 865 personnes ont perdu la vie ou ont disparu en tentant de rejoindre l’Europe par la frontière maritime occidentale entre l’Afrique et l’Europe. Parmi elles figurent 112 femmes et 342 enfants.
S’appuyant sur une veille permanente via ses lignes d’urgence, le collectif dénonce l’inaction des États et les conséquences directes des politiques migratoires européennes, qu’il qualifie de « stratégies délibérées d’externalisation et de dissuasion ». « Ces morts sont évitables », insiste Caminando Fronteras, soulignant que près de la moitié des naufrages sont directement liés à des manquements structurels : retards dans les secours, absence de coordination, recours insuffisant aux moyens aériens, et délégation des opérations de sauvetage à des navires privés non équipés.
À ces défaillances s’ajoutent les conditions extrêmes des traversées : embarcations précaires, violences au départ, et manque total de protection. Le rapport dresse un tableau accablant de l’inaction institutionnalisée.
L’Atlantique, cimetière migratoire
Avec 1 482 morts, la route Atlantique, en direction des îles Canaries, reste la plus meurtrière. La sous-route mauritanienne, particulièrement empruntée depuis Nouadhibou, concentre à elle seule 1 318 victimes. Malgré une baisse des départs, les itinéraires partant du Sénégal et de la Gambie ont fait 110 morts. Les eaux marocaines entre Agadir et Dakhla ne sont pas épargnées, avec 54 décès recensés.
Des embarcations fantômes continuent d’être retrouvées à la dérive jusqu’en Amérique latine — parfois au large du Brésil ou de Trinité-et-Tobago — avec à leur bord des migrants morts d’épuisement ou de soif.
La route algérienne vers les Baléares, de plus en plus empruntée, a provoqué 328 morts ou disparitions, souvent à quelques milles des côtes. Malgré des alertes précises, les secours tardent, exacerbés par l’absence de coopération avec les autorités algériennes. Le profil des victimes évolue également, avec une augmentation notable de migrants originaires de Somalie transitant par l’Algérie.
Gibraltar et Alboran : les routes invisibles
Le détroit de Gibraltar, emprunté par de nombreux jeunes qui tentent de rejoindre Ceuta à la nage, reste le théâtre de tragédies silencieuses : des corps anonymes échouent régulièrement sur les plages espagnoles, sans identification ni restitution aux familles, dénonce le rapport.
La route d’Alboran, quant à elle, souffre d’un manque criant de documentation. Faute d’alertes et de suivi, elle reste largement ignorée malgré l’arrivée fréquente de survivants en état critique sur les côtes andalouses.
« Même si les chiffres sont en légère baisse, nous ne pouvons pas accepter cette normalisation de la mort. Nous devons continuer à exiger que les États placent la vie humaine avant toute logique de contrôle », déclare Helena Maleno, fondatrice de Caminando Fronteras.