Ce mardi, plus de 200 personnes se sont réunies au cimetière de Valenton pour enterrer le petit Daoud, 4 ans, mort dans un accident de voiture, deux ans après son père.
Un rayon de soleil surgit. Lueur furtive et presque irréelle. A peine le temps de donner du courage, ou si peu, au cortège de deux cents personnes qui s’avance ce mardi dans les allées du cimetière intercommunal de Valenton (Val-de-Marne).
Mais au moment d’enterrer le petit Daoud Ba, 4 ans, mort dans un accident de voiture, la lumière a disparu. Un silence de plomb s’abat. Les hommes peinent à creuser la tombe. La terre colle, ne se laisse pas faire, comme si elle refusait de recouvrir ce petit cercueil, deux ans après avoir avalé celui de son père, Amadou Ba, champion de boxe thaï, connu et apprécié à Créteil, assassiné en 2018 dans d’atroces circonstances.
« C’est un cauchemar », souffle Myriam, une amie de la famille. Le 9 janvier au soir, Daoud est assis à l’arrière de la voiture de sa mère, quand la Clio et une camionnette entrent en collision sur une bretelle d’accès à la N19 au niveau de Boissy-Saint-Léger. Le choc est violent. Le cœur de l’enfant ne résiste pas.
« On n’a pas oublié Amadou »
En quelques heures, les réseaux sociaux s’emballent et la nouvelle du drame se répand comme une traînée de poudre dans tous les quartiers de Créteil, Le Mont-Mesly, le Palais, jusqu’à Bonneuil-sur-Marne, où Amadou Ba donnait des cours de boxe.
« J’étais choquée quand j’ai appris. C’est terrible », confie cette Cristolienne. « Cela m’a retournée, sachant ce qui s’était passé il y a deux ans, en plus… », s’étrangle cette amie de la grand-mère, qui ne peut en dire plus. Alors plutôt que des mots, le soutien passe par les yeux embués, les bras qui s’enlacent. « On ne peut qu’être solidaire », renchérit cet ami du grand-père.
« De voir autant de monde, ça réconforte. Cela montre qu’on n’a pas oublié Amadou. A travers le petit, c’est un hommage au papa aussi », veut croire Thiaba, la grand-tante du boxeur.
23000 euros réunis dans une cagnotte
Au-delà des proches, l’histoire a ému largement les anonymes. Il n’y a qu’à voir la cagnotte en ligne, lancée par un ami d’enfance du boxeur, pour aider la famille à assumer les frais d’obsèques. En quelques heures, le compteur s’est affolé, réunissant plus de 23000 euros, offerts par un millier de participants.
« J’ai été agréablement surpris, c’est touchant de voir tous ces anonymes avoir eu une pensée et donner quelque chose », apprécie Mustapha Belbachir, le grand-père maternel, armé de sa foi, pour surmonter cette épreuve qui « lui déchire le cœur » : « C’était son heure, selon la volonté de Dieu. Heureusement, nous, musulmans, avons des sourates qui apaisent. » Une « tragédie » qu’il a déjà vécue. Trente ans auparavant, sa sœur perdait ses deux enfants dans un accident de voiture.
La veille du drame, c’est lui qui gardait le petit Daoud. « C’était un bon petit. On avait bien rigolé. Il avait voulu jouer à Spiderman. Avant de partir, il voulait une sucette, je n’en avais pas, alors je lui ai donné un chewing-gum. » Et Daoud mâchouillant sa sucrerie avait dit au revoir à son « Papy Mouss ». « J’avais encore son odeur sur moi quand on m’a appelé. Il n’y a rien de pire qui puisse arriver », reconnaît-il, inquiet pour sa fille, « qui ne va pas bien ». La jeune maman de 28 ans doit déjà dépasser la perte de son mari.
La famille attend le procès
Le 3 avril 2018, Amadou Ba sortait du gymnase du Mont-Mesly, pour rejoindre Bonneuil quand une BMW lui coupe la route. Le guet-apens se referme sur lui. Roué de coups, visé de plusieurs balles, le champion réussira à s’extirper de la voiture avant de s’effondrer. Très vite, les auteurs présumés seront appréhendés : les frères de sa première épouse. Placés en détention, en attente de leur jugement, ils n’auraient pas livré d’explications, justifiant une telle haine.
« Tant que le procès n’aura pas eu lieu, je ne pourrai pas faire mon deuil », éclate Awa, la mère d’Amadou, qui veut comprendre l’incompréhensible. Soutenue par ses proches, au moment de la mise en terre, la dame a tenu bon, durant toute la cérémonie. Comment? Ses amies sont admiratives. En 2018, elle perdait son fils « bon avec tout le monde ». Preuve en était l’ immense émotion, suscitée par sa disparition et les 400 personnes réunies dans une marche blanche.
L’an dernier, c’est son mari qui partait, « un 9 janvier, comme Daoud, mais c’était le matin », confie-t-elle. Et en 2021, c’est son « petit ange » qui est rappelé auprès des hommes de sa vie. A 16 heures, les allées du cimetière se vident. Mais le soleil peine à revenir.
Agnès Vives