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Le Museo dell’emigrazione italiana (MEI), un musée pour comprendre l’émigration italienne

Le Museo dell’emigrazione italiana (MEI), un musée pour comprendre l’émigration italienne

Pour la première fois, l’État italien dédie un musée, le Museo dell’emigrazione italiana (MEI), aux très nombreux émigrés qui, dès le XIXe siècle, ont quitté le pays pour s’embarquer vers une vie meilleure.

À l’occasion de son inauguration le 11 mai 2022, l’artiste Simon Clavière-Schiele, qui vit à Gênes, revient sur sa genèse.

L’émigration italienne est sans doute le plus connu et le plus emblématique des grands mouvements migratoires européen. Au total, plus de 30 millions d’Italiens ont quitté leur pays pour s’installer à l’étranger depuis la moitié du XIXe siècle.

Environ un tiers d’entre eux sont revenus dans leur pays d’origine, les autres ayant donné naissance à l’une des plus importantes diasporas au monde. Rien qu’en France, elle représente plus de quatre millions de descendants.

L’Italie, depuis des années, avait le désir de marquer le coup. Plusieurs villes symboles étaient en lice pour accueillir le Museo dell’emigrazione italiana (MEI), notamment Naples et Palerme, mais c’est finalement une ville du nord, Gênes, qui a été choisie.

Un choix qui n’est pas forcément très facile à interpréter au premier abord tant le Sud reste, dans l’imaginaire collectif, le lieu dont la plupart des immigrés italiens proviennent. En réalité, si l’Italie méridionale a fortement contribué à gonfler les « bataillons » d’émigrants, c’est de ces régions septentrionales que la majorité des candidats au départ sont originaires.

Gênes fut d’ailleurs l’un des principaux ports de départ des transatlantiques et le MEI, une ancienne commanderie de Templiers – point de départ des croisés venus de toute l’Europe pour s’embarquer vers la Palestine au Moyen-Âge –, n’est qu’à quelques mètres des terminaux où l’on pouvait prendre le large vers les États-Unis, l’Australie, l’Argentine, le Brésil…

Ce magnifique bâtiment médiéval du XIIe siècle de 2800 m2 a été entièrement rénové et propose 16 modules à travers lesquels les visiteurs pourront parcourir diverses « histoires » d’émigrations relatives, pour la plupart, aux époques modernes et contemporaines à travers des installations, des projections et des archives.

Au-delà de la description des grands flux, un focus sur les individus est proposé à travers des rencontres virtuelles avec des migrants qui racontent leur voyages, les raisons de leur départ, les rêves qui les animèrent.

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Le musée est également au cœur d’un quartier cosmopolite dont le principal axe est la Via Prè : une rue qui a toujours été, depuis la seconde moitié de XXe siècle, habitée par des immigrés d’abord siciliens, puis napolitains, maghrébins et enfin sénégalais.

Et une rue qui a bénéficié pendant des siècles de sa proximité avec le port pour développer un tissu commercial fait d’ateliers, de magasins et de restaurants, et qui tente de renaître aujourd’hui après qu’une crise économique profonde et qu’une explosion du trafic de drogue ne l’ont violemment impacté, obligeant beaucoup de commerces à fermer.

Le Musée est donc ici à la fois un lieu de mémoire et un pari sur le futur. Les dirigeants qui sont également à la tête du Musée de la mer et des migrations (MUMA), situé à 200 mètres du MEI, ont décidé d’articuler les deux sites et d’enrichir le département dédié à l’immigration en Italie au sein du MUMA, des salles déjà ouvertes depuis quelques années et qui sont consacrées aux diverses vagues d’immigration que l’Italie a connues, notamment ces dernières décennies.

Ce dialogue entre émigration et immigration au cœur d’un même complexe muséal n’est pas anodin. En effet, la synergie qui permit à ce projet d’être bouclé en un temps record est issue d’une collaboration entre un ministère de la Culture dirigé par un ministre de gauche, Dario Franceschini, et une municipalité de Gênes aux mains d’un maire de droite, Marco Bucci.

Bien sûr, la gauche n’est pas l’unique promotrice des actions culturelles qui mettent en avant les problématiques d’accueil et la droite n’a pas le monopole des hommages faits aux Italiens partis tenter leur chance à l’étranger. Il n’a cependant sans doute pas échappé aux responsables du projet qu’il serait plus aisé de mobiliser les différentes institutions italiennes et les potentielles sources de financement en élargissant le spectre des missions de ce binôme é et i (m)migration et ses chances de résonner à la fois auprès d’un public curieux et ouvert et dans le cœur des familles en quête de reconnaissance de leur histoire.

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Le public visé est italien mais également issu des diasporas italiennes : le musée est situé à 100 mètres de la gare de Gênes et à moins de 500 mètres des terminaux des navires de croisière dont les compagnies Costa, MSC et Carnival comptent bien remplir des cabines de descendants d’Italiens uruguayens, canadiens, anglais… à la découverte de leurs origines.

Un énorme business en perspective si l’on considère l’actuel engouement pour la généalogie sur internet et l’explosion du commerce des tests ADN dans les pays où ces analyses génétiques, capables parfois de remonter à la région voire au lieu de naissance des ancêtres, sont légales.

Les visiteurs devront cependant emprunter la Via Prè s’ils veulent se rendre dans le centre-ville. Or, cela paraît compliqué pour l’heure tant la rue est fréquentée par les trafiquants de drogue et les consommateurs.

Des dealers de crack qui, comme à Paris, sont pour la plupart issus d’Afrique subsaharienne et ruinent en partie les efforts d’une communauté sénégalaise implantée depuis plus de quarante ans dans le quartier. Cette situation sociale risque d’écorner encore un certain temps la carte postale que le gouvernement et les autorités locales rêvent de proposer aux visiteurs, celle d’un port qui aurait su à la fois accompagner les candidats au départ et accueillir les nouveaux venus.

Ce pari d’implanter un musée – pierre angulaire d’une histoire de l’immigration italienne parfois synonyme de douleur, de pauvreté, de sacrifice et de discrimination dans un quartier difficile où vivent de nombreux immigrés – est d’autant plus complexe et ambitieux qu’il mérite d’être salué et relevé.

En effet, le choix de ce site semble vouloir allier à la solennité d’un hommage national inédit la volonté d’assumer devant l’Europe et le monde le visage d’une société italienne nouvelle, capable de se regarder en face et de prendre à bras le corps l’un des plus grands défis de l’époque contemporaine et qui fut à l’origine de l’émigration italienne : celui de la démographie.

L’illustration reprend une impression sur soie de Simon Clavière-Schiele de 90×90 cm qui est exposée au MEI et s’intitule Imbarco 2022.

Avec La Foundation Jean Jaurès

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