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Immigration : le recours à la rétention en France en forte augmentation en 2017

Le taux d’éloignement des personnes placées en centres de rétention administrative n’est que de 40%, relève le rapport annuel des six associations qui interviennent dans ces lieux d’enfermement.

« L’année 2017 a été marquée par une forte augmentation du nombre de personnes placées en rétention en métropole et par des violations des droits qui ont atteint un niveau inégalé depuis 2010 », constate le rapport annuel sur les centres et locaux de rétention administrative (CRA, LRA). Au total, 46 800 personnes y ont été enfermées, dont 26 474 en métropole (+ 10 % par rapport à 2016) et 20 383 outre-mer – ce qui fait de la France « le pays qui a le plus recours à l’enfermement » de l’Union européenne.

Cette politique de la rétention, qui vise à éloigner davantage, s’avère cependant « inutile pour plus de la moitié des personnes enfermées », souligne le rapport, qui rappelle qu’elle engendre « un coût économique exorbitant et de profondes souffrances ».

Les chiffres le démontrent : pour la France métropolitaine, « le taux d’éloignement ne s’élève qu’à 40 % contre 57 % de remises en liberté ».

Parmi les personnes éloignées, près de la moitié l’a été vers un Etat membre de l’UE ou de l’espace Schengen. En comparaison, cite le rapport, « l’Allemagne enfermait en 2016 quatre fois moins de personnes étrangères et réalisait dix fois plus d’éloignements ». En somme, « enfermer massivement ne permet pas d’éloigner beaucoup plus ».

Violation de droits et remise en liberté

A 71 %, les remises en liberté « résultent du constat par les juges de violations des droits des personnes retenues », relève le rapport, qui met en relief trois situations rencontrées en 2017.

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La première a été celle du placement en rétention de demandeurs d’asile en procédure Dublin (NDLR : personnes susceptibles d’être transférées vers un autre Etat de l’UE) alors même que la Cour de cassation avait jugé cette pratique illégale, et avant la loi de mars 2018 l’autorisant.

La deuxième est la façon dont les préfectures du Nord, du Pas-de-Calais et de Paris ont enfermé en rétention quelque 3 000 personnes originaires de pays à risque (Afghanistan, Irak, Soudan, Erythrée, voire Syrie), soit non expulsables, pour décourager leur présence dans le Calaisis ou éviter la formation de campements à Paris.

Le rapport dénonce aussi l’utilisation de l’enfermement comme « réponse politique » après l’attentat de Marseille, le 1er octobre 2017, où deux jeunes femmes ont été tuées par un Tunisien en situation irrégulière. La pression sur l’administration qui a suivi a conduit « à une explosion tous azimuts des placements ». Avec une efficacité très limitée sur le taux d’éloignement : dans les CRA de Perpignan et Toulouse par exemple, le nombre de personnes enfermées expulsées a chuté de façon drastique au dernier trimestre (de 70 à 49 % et de 49 à 26 %).

304 enfants enfermés

Autre constat alarmant, dénoncé également le 14 juin dernier par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) : l’explosion du nombre d’enfants enfermés en rétention. En 2017, 304 enfants, pour 147 familles, ont été placés dans des CRA. 76 % d’entre eux avaient moins de 12 ans.

Évolution du placement des familles

S’il s’agissait, dans 70 % des cas, de « placements de confort » pour des transferts Dublin, organisés souvent la veille pour un départ le lendemain, le séjour, même court, dans ces lieux calqués sur le système carcéral « est profondément traumatisant pour des enfants », souligne le rapport, qui rappelle que la France a été cinq fois condamnée par la CEDH pour cette pratique. A Mayotte, 2 493 enfants, souvent arbitrairement rattachés à un adulte, ont été eux aussi privés de liberté.

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Un allongement sans effet

A l’heure où le projet de loi Asile et immigration est débattu, le rapport rappelle que le doublement de la durée de rétention – que le texte prévoit de faire passer de 45 à 90 jours – n’aura qu’« un impact limité sur le nombre d’éloignements ».

En clair, « enfermer longtemps ne permet pas d’expulser plus », souligne-t-il, chiffres à l’appui. Ainsi, le nombre d’expulsions depuis la métropole est le même en 2010 qu’en 2017 (environ 10 000 personnes) alors que la durée de rétention est déjà passée de 32 à 45 jours en 2011.

80 % des éloignements ont lieu entre le 1er et le 25e jour de rétention. « Cette mesure apparaît donc inopérante et disproportionnée au regard des coûts humains et économiques qu’elle engendre », insiste le rapport.

« Banalisée et détournée, la rétention est souvent inutile et déshumanisante », concluent les six associations, qui appellent une nouvelle fois le gouvernement et les parlementaires « à l’urgence d’un changement de cap ».

Rapport réalisé par l’Assfam-groupe SOS Solidarités, Forum-Réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France, Solidarité Mayotte.

 

leparisien

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