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Etrangers retenus à Roissy : 4.000 femmes et hommes jugés chaque année

Les audiences des étrangers maintenus en zone d’attente à l’aéroport international pourraient se tenir bientôt directement à l’aérogare. Pour l’heure, les personnes sont jugées à Bobigny. Reportage.

Un bruit résume l’audience des étrangers. Ce bruit si caractéristique des valises à roulette sur lequel tout le monde se retourne au tribunal, chaque jour. Sous escorte policière, ce cortège mutique passe deux fois par jour, pour ceux qui n’ont pas été libérés et repartent avec bagage à la zone d’attente internationale de Roissy.

Pour la justice ce sont des « maintenus » : les « 35 quater » (du nom de la chambre concernée), les étrangers arrêtés à leur descente d’avion à Roissy, parce qu’ils n’ont pas de passeport en règle, de visa conforme ou les 120 € requis par jour de séjour France.

Après quelques jours en zone d’attente internationale (ZAPI) — cinq au plus— ils sont présentés à un juge des libertés au tribunal de Bobigny. C’est ce juge, seul, après avoir entendu les avocats de l’administration et celui de l’étranger, qui décide de prolonger ou non le maintien en zone d’attente (deux fois huit jours maximum).

C’est dans une petite salle à droite en entrant au tribunal. Une vingtaine de places tout au plus. Les étrangers sont à gauche, le public à droite, les policiers au milieu et près de la fenêtre. Les interprètes commencent à arriver tandis qu’une policière distribue des sandwiches triangles et de l’eau. L’avocat fait le point avec chacun, à part, quand, à 11 h 35 arrive la juge des libertés et sa greffière.

« L’audience est ouverte » lance-t-elle. Samba, sénégalais de 22 ans passe en premier. Il a refusé d’embarquer sur un vol retour. « Il dit qu’il n’a aucune attache au Sénégal » traduit l’interprète. « Mais ce n’est pas pour ça qu’il doit venir vivre en France, et s’il refuse d’embarquer c’est qu’il ne respecte pas les lois françaises, et pour cela, il s’expose à des poursuites du parquet, 5 ans de prison et une interdiction du territoire pendant 3 ans », prévient la juge. Samba ne bronche pas. « De toute façon il ne veut pas rentrer » répète l’interprète.

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Trois autres garçons ont quitté l’Afrique. Deux Congolais, dont la demande d’asile sera examinée le lendemain, et un Sénégalais de 27 ans, qui veut « faire les tests de la légion étrangère ». « C’est très à la mode la Légion ! rétorque la juge en souriant. Vous savez qu’il n’y a qu’une dizaine d’élus pour des centaines de demandes ? » Elle réserve sa décision pour plus tard.

Chemise de bûcheron rouge et blanc, baskets assorties, une Dominicaine demande une chance. Elle est arrivée d’Espagne, avec un titre de séjour contrefait. « C’est l’homme avec qui je vis qui me l’a remis », dit la jeune femme qui assure vivre en Espagne depuis trois ans. La juge essaye de sauver le couple : « Peut-être que lui aussi s’est fait avoir, mais vous n’avez pas d’autres choix que de repartir ». L’avocate de l’administration demande un maintien en zone d’attente.

Majeurs ou mineurs ? Tous avancent les mêmes arguments. Arrivés du Viêt Nam il y a quelques jours, avec un faux visa, ils assurent avoir moins de 18 ans. La juge manque de s’étrangler en voyant arriver cet homme à qui l’on donnerait plus volontiers la trentaine. Pour trois autres, c’est moins évident. « Je veux faire un test osseux, c’est la seule preuve qui permettra de dire que je suis bien mineur » implore doucement un jeune homme à qui son passeport donne 18 ans et demi. S’il est considéré comme mineur, il pourra relever de la prise en charge mineur isolé étranger.

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« Pourquoi n’avoir pas indiqué que vous étiez mineur à la précédente audience ? » demande la juge. « On ne m’avait pas demandé ma date de naissance » répond une jeune vietnamienne en assurant que « [ses] parents sont détenus ». « Pour avoir l’expérience de ces audiences comme tous mes collègues je sais qu’on demande la date de naissance ! » rembarre la juge.

Anna, une Malgache de 38 ans, a l’espoir de rejoindre la foire de Strasbourg où elle a réservé un stand pour 850 €. Un document en atteste. Mais aux yeux de la police aux frontières, Anna et sa sœur ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour séjourner en France, dont les 120 € en liquide par jour prévu en France, s’il n’y a pas de réservation hôtelière. Alors, au lieu de rejoindre Strasbourg et sa foire, elle patiente en zone d’attente. Sa sœur a été libérée la veille, pas elle.

« Nous avons réuni l’argent en sollicitant toute la famille » explique en coulisse un cousin, très amer sur les conditions de maintien en zone d’attente. Pour prouver leur bonne foi, il a apporté deux napperons prêts à vendre, preuve, s’il en faut de l’activité de cette commerçante malgache, plutôt aisée puisqu’elle vit avec 2 000 € par mois. « Vous serez libérée, si le parquet ne fait pas appel », prévient la présidente.

Ce sera la seule libérée du jour. Tous les autres sont repartis en zone d’attente pour huit jours. « Je vais attendre huit jours pour être libérée dans huit jours », lâche la Dominicaine. « C’est loin d’être une certitude » recadre la juge.

 

leparisien.fr

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