Bélal Altiné Sow, de retour au bercail à Kolda (sud) après des années passées aux Etats-Unis où il fut « modou modou » puis businessman dans une autre vie, contribue de par son investissement à la nouvelle attractivité des métiers de l’agriculture dans son Fouladou natal, son domaine agricole constituant un exemple de réussite apte à revigorer les initiatives locales de développement.
A Sibéré Kandé, bourgade située aux environs de la capitale du Fouladou, Bélal Sow, la cinquantaine entamée, savoure chaque seconde de sa vie qui se résume dans un domaine agricole de 14 ha matérialisant ses rêves d’enfance et sa passion pour le travail de la terre.
« Très tôt, j’ai été fasciné par le travail d’exploitation de notre ferme familiale, alors je suis tombé amoureux de la terre car j’ai vu le potentiel qui existe dans la région de Kolda, qui est une région à vocation sylvo-pastorale, et j’ai vu qu’il était possible de travailler la terre ici », explique cet ex-pensionnaire de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
Bélal Altiné Sow quitte les bancs de l’université publique dakaroise au début des années 1990 et devient professeur d’éducation physique, un poste qu’il abandonne en 1994 pour les Etats-Unis, avec l’ambition d’y poursuivre ses études.
Sur les terres de l’Oncle Sam, contrairement à ses plans, la natif du Fouladou devient marchand ambulant dans les rues et ruelles de New York. Ce qui n’est peut-être pas tout à fait surprenant, au vu du grand nombre de « modou-modou » sénégalais ayant fait fortune par ce biais aux Etats-Unis.
Surtout que Bélal Sow voit plus grand et se laisse tenter par le business dans un pays réputé pour son culte de l’initiative privée et de l’entreprenariat. Il se retrouve soudeur, avant de monter une petite entreprise de transfert d’argent, sans compter qu’il tient parallèlement un petit restaurant appelé « Keur Sokna », qui voit défiler de temps à autre « beaucoup de célébrités », dit-il.
Des années passées à vivre à fond la quête du « rêve américain », rien de mal jusque-là, sauf que la poursuite de ce ’’rêve’’ va virer au cauchemar pour Bélal Altiné Sow, victime collatérale parmi d’autres des attentats du World Trade Center à New York, suite à laquelle les Etats-Unis se sont mis à se fermer de plus en plus, à rejeter comme sans doute jamais. Un contexte quasiment d’hystérie sécuritaire qui a freiné l’élan de l’expatrié sénégalais.
« En 2001, raconte Bélal, avec les événements des deux tours (du World Trade Center) aux USA, je me suis retrouvé en prison, suite à un contrôle de mes activités de transfert d’argent vers les autres pays ».
Il lui a été ainsi reproché d’exercer cette activité sans licence, un manquement qui lui a valu un séjour en prison, au cours duquel l’appel de la terre s’est fait de plus en plus pressant.
Aussi, sa détention, un mal pour un bien, va-t-elle lui permettre de mettre en ordre ses idées et d’élaborer le projet à l’origine de son domaine agricole, qu’il considère comme la concrétisation de son vécu et de ses expériences à l’étranger.
’’J’ai eu envie de rendre à Kolda ce que Kolda m’a donné’’
Malgré le temps passé hors du Sénégal, « j’avais toujours ce rêve de devenir un agriculteur moderne », en vue de contribuer à « promouvoir une agriculture performante et attractive », déclare Bélal Altiné Sow, entouré de ses nombreux plants, fruit d’un reboisement familial effectué en 2015.
Il est finalement « rentré à Kolda, pour rendre à Kolda ce qu’elle m’a donné », sous la forme d’un « grand projet dans le domaine de l’agriculture, une agriculture moderne et attractive qui prenne en compte la préservation de l’environnement », explique Bélal, assisté de sa nièce qui poursuivait des études qui la destinait à travailler dans le secteur du luxe.
Elle a finalement tout plaqué pour s’engager auprès de son oncle maternel dans ce projet. Une affaire familiale pour tout dire.
« Nous avons, ma nièce et moi, démarré en 2015. On se fixe un objectif d’ici 2020 », celui de réaliser « un véritable programme agricole (…). Pour l’instant, nous avons des stagiaires qui viennent des autres régions du Sénégal et nous avons 15 employés permanents et une vingtaine » de journaliers, précise M. Sow.
Pour personnelle que soit cette exploitation, son promoteur n’en développe pas moins une vision de développement englobant sa région natale, qui ne semble pas profiter comme il faudrait de ses potentialités agricoles, sachant que la Casamance naturelle, dont dépend le Fouladou, se présente comme « le grenier agricole du Sénégal ».
« Mon combat, c’est le développement de ma région, ma mission, c’est de participer à la promotion d’une agriculture moderne qui respecte l’environnement. Je suis d’avis qu’il faut entreprendre et faire des choses qui participent au développement de nos terroirs. Je suis contre des critiques sans solutions », argumente le promoteur de « Sow Ranch » appellation de son domaine.
Uu ranch sous forme de petites exploitations intégrées
Bélal Sow se veut formel : « l’avenir, c’est l’Afrique, il ne faut pas que l’on se trompe à ce niveau, mais le challenge, c’est comment allons-nous prendre notre destin et responsabilité en main pour travailler, assurer notre autosuffisance dans tous les domaines. Vivre à l’aise ici en Afrique, c’est bien possible », martèle-t-il, sans jamais donner l’impression de répéter des évidences.
Concrètement, « Sow Ranch » est un ranch sous forme de plusieurs petites exploitations intégrées qui témoignent chacune à leur manière de l’ambition de ce projet, dont une laiterie configurée pour une production de 500 litres de lait par jour « d’ici 2020 » et une partie avicole avec 600 à 700 poulets de chair produits tous les 45 jours avec l’ambition d’arriver à 1200 poulets tous les 45 jours « vers 2020 ».
Il y a aussi un espace dédié à l’agroforesterie, doté de plusieurs espèces qui ont l’avantage de contribuer à la protection des sols et donc de l’environnement.
Le promoteur de « Sow Ranch » ambitionne par ailleurs de mettre en place un centre d’immersion agro-écologique dont la vocation sera de servir de cadre d’étude, de rencontres et de partage de savoirs dans un but éducatif et de sensibilisation sur les problématiques liées à l’écologie, à l’intention des acteurs engagés dans le développement par le biais de l’agriculture et de la préservation de l’environnement.
Il mise sur une technique et une infrastructure éprouvée ailleurs : « les déchets d’animaux nourrissent le sol, le sol nourrit les animaux avec les plants et fourrages et les agrumes » dont près de 1500 plantes contribuent en retour à protéger le sol.
Le retour réussi à la terre de Bélal Altiné Sow a pour tout dire contribué à faire de lui un modèle pour des dizaines de milliers de jeunes Koldois, toujours tentés par l’émigration en dépit des risques encourus.