Ils ont ouvert leur porte en février 2018. Elle ne s’est jamais refermée depuis. A Tours, Arthur et Jeanne sont hébergeurs de jeunes migrants avec Utopia 56.
Un canapé qu’on déplie. Un salon accueillant. Et une famille qui, régulièrement, fait de la place à un jeune migrant, un gamin qui trouve là un peu de chaleur et de lien social. Loin, si loin de ses bases quittées dans la douleur et l’ignorance.
Jeanne et Arthur ont franchi le pas en février 2018. « J’étais d’abord inscrite comme bénévole à Utopia 56 Tours. Je voulais voir concrètement ce qui se passait à Tours », explique la jeune femme qui découvre l’association militante via les réseaux sociaux. Avec son compagnon Arthur, ils décident d’aller plus loin. « L ’hébergement, c’était comme une porte d’entrée. On a eu beaucoup d’appréhension au début mais tout s’est envolé très vite », explique Jeanne. Arthur renchérit : « Nous voulions comprendre à quel point on avait besoin de s’impliquer : ouvrir sa porte à un inconnu, savoir comment on va s’organiser. Mais ils ont, au final, plus de choses à perdre que nous. » Et les familles hébergeuses échangent beaucoup.
Un accueil fractionné donc plus facile
Dramane, qui était chez eux il y a encore quelques jours, depuis trois semaines, a pris ses marques. Le jeune Ivoirien, en situation de recours (il n’a pas été reconnu comme mineur par les services de l’Aide sociale à l’enfance), est hébergé chez trois familles qui l’accueillent à tour de rôle à Tours et Joué (où il se trouve actuellement). Une souplesse qui a plu au couple tourangeau.
« Au final, ces jeunes sont très autonomes. Ils ont un emploi du temps. Ça change très peu notre quotidien. Il a les clés, le bus à côté. » Et Félix, deux ans et demi, n’est jamais loin. Le petit garçon est ravi de ces visites, de ces moments partagés. La cuisine est aussi un bon vecteur d’échanges.
« Nous avons toujours fait un accueil en fractionné. » Dans leur maison, quatre jeunes migrants se sont succédé sur plusieurs mois. Une cinquantaine d’autres a profité d’un hébergement d’urgence, de manière ponctuelle, le temps d’une nuit. « Nous n’avons pas la même relation entre ceux qu’on a plusieurs semaines et un jeune qu’on va aller chercher à 22 h chez Chrétiens Migrants, mais notre meilleur médiateur, c’est Félix, surtout pour ceux qui ne viennent que pour une nuit, s’exclame Jeanne, ça fait tomber les barrières. »
C’est d’ailleurs après la naissance du garçonnet qu’ils ont décidé de se lancer. « On s’est rendu compte que lui avait de la chance. On a eu envie de partager. C’est une ouverture sur l’extérieur. »
Dramane et les autres se livrent davantage quand leur relation se stabilise, a constaté le couple. Avant, ils sont souvent anxieux. Ne partagent pas forcément leur histoire de vie. D’autres angoissent un peu quand ils arrivent. Au Plan B, le squat de la rue Deslandes, ils sont en groupe. Là, c’est un autre schéma. Ils s’adaptent. Découvrent que la solidarité n’est pas un vain mot.
Dramane, lui, sort chaque soir ses cahiers, ses cours (*). Une manière d’avancer. En confiance.
(*) Faute de scolarisation classique, le jeune homme suit chaque matin des cours dispensés par des enseignants retraités dans l’école alternative ouverte dans les locaux d’Utopia 56 Tours.
La Nouvelle Republique