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Broyer du Noir

Broyer du Noir

Que de mots pour dire « Noir  » quand on veut exprimer des idées tirant sur le brun…

 « Je suis devenue noire à Paris » (Christiane Taubira). « Noir c’est noir/ il n’y [aurait] plus d’espoir » ? (Johnny Hallyday, chanteur). Soufflerait-il un vent mauvais ? Black is no more beautiful ? De faibles esprits à la parole « décomplexée » s’en sont à nouveau pris à la ministre de la justice en termes… peu élégants. Pourquoi ? Parce que c’est une femme ? Parce qu’elle est noire ? Sûrement.

« Noir » est le terme neutre qu’on emploie aujourd’hui pour désigner une personne… à la peau noire. « Nègre », lui, évoquait la colonie, la révolte : « Je suis une bête, un nègre » (Arthur Rimbaud). Et eut aussi sa charge de rébellion poétique : « Nègre je suis, nègre je resterai »(Aimé Césaire). Après être devenu, accolé à « sale », une injure raciste. Retournée comme un gant par Jean Genet (auteur des… Nègres) : « Un Noir, c’est de quelle couleur ? » Dans Selma (sur tous vos écrans), le charismatique Dr King, à la tête de manifestants pour les droits civiques, affronte les racistes du sud des Etats-Unis (« Dirty niggers ! Communists ! » « Pourquoi « communistes » ? », aurait dit Pierre Desproges). L’esclavage avait été aboli, mais les petits Blancs du Sud voulaient leur revanche. Et ils n’avaient que de pauvres mots (et quand même quelques battes de base-ball). On disait alors Negro ou colored. Aujourd’hui, c’est Black ou African American (Afro-Américain en français) qui tiennent la corde, nigga chez les rappeurs.

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D’autres Blancs, locuteurs d’une langue peu mélodieuse à nos oreilles, l’afrikaans, avaient un terme choisi pour désigner leur peur : Kaffer, Cafres.Et ils avaient Nelson Mandela. Devinez qui a gagné. Et nous, alors ? Eh bien, nous aussi, nous avons eu nos colonies, et les mots qui vont avec : « négrillon », « négro », « noiraud », « moricaud », « mulâtre »… Et les tirailleurs sénégalais, et « y’ a bon Banania », et le clown Chocolat, et la tête-de-nègre (de la meringue au chocolat, délicieuse, hélas !). Et Tintin au Congo, qui était belge, mais nul n’est parfait…

 

Lucien Jedwab Journaliste au Monde

 

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