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Rentrer ou rester, le dilemme des « cerveaux » africains diplômés des grandes écoles françaises

Rentrer ou rester, le dilemme des « cerveaux » africains diplômés des grandes écoles françaises

« Rentrer au pays ou travailler en France », tel est le dilemme auquel sont confrontés des étudiants africains diplômés des grandes écoles.

« J’ai choisi de travailler en Afrique », lâche d’emblée Candace Nkoth Bisseck, 31 ans. Diplômée en 2013 de la grande école de commerce Essec, cette jeune femme est aujourd’hui employée d’une entreprises de commerce en ligne. Elle fait fonction de « country manager » au Cameroun. « Mais ce n’est pas un choix définitif », ajoute-t-elle. Pas de louvoiements quant à ses choix mais des hésitations certaines. Rien n’est figé pour cette jeune diplômée née à Paris et éduqué au Cameroun et initié à la vie professionelle en Côte d’Ivoire. Elle admet sans fard se laisser porter par les opportunités, en Afrique, en Europe ou ailleurs.

Il en va de même pour le Nigérian Opeyemi Bello, 31 ans. Diplômé de la Nigerian Law School, il porte la robe d’avocat à Lagos de 2009 à 2012 avant de s’envoler pour Paris où il intègre Sciences-Po. « C’est une grande école avec une réputation d’excellence pour ses programmes de formation qui sont prisés sur le marché international de l’emploi », explique-t-il, avec pragmatisme et certitude.

Pour la plupart des étudiants africains des grandes écoles françaises, c’est d’abord la qualité de la formation dispensée qui est mise en avant. Et la perspective d’un accés au marché du travail haut-de-gamme et qualitatif dans un environnement concurrentiel. Car le chômage frappe de plein fouet le continent. A en croire la dernière étude de la conférence des grandes écoles, présentée en mars 2014, l’Afrique subsaharienne y a le plus fort taux de croissance (42 % contre 22 % pour le Maghreb en 2011-2012). Pour Candace Bisseck, un autre facteur est à prendre en compte : « Les directions des entreprises africaines sont tenues par des expatriés ou des locaux formés à l’étranger ».

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Vivre à crédit

Un avis que partage Khadidiatou Seck, 24 ans, étudiante elle aussi à l’Essec. Fille de diplomate, la jeune Sénégalaise obtient son bac en 2009 au lycée français de Brasilia (Brésil) où son père est alors ambassadeur. Elle intégre ensuite le prestigieux lycée français Louis-Le-Grand avant de s’assoir sur les bancs de l’école de commerce à Paris. Elle projette de rentrer en Afrique, « peu importe le pays » car son père lui a « appris de rendre au continent ce que l’Afrique lui a donné ». En ce qui la concerne, le Sénégal a financé une partie de ses études.

En juillet, Khadidiatou Seck prévoit de mettre le cap sur Accra. Elle compte effectuer son stage de fin d’études au Ghana et approfondir son expérience dans le domaine de l’accès au logement abordable. « C’est un secteur où tout est à faire en Afrique », s’enthousiasme-t-elle. Comme Candace Bisseck à l’œuvre dans le « marché embryonnaire » du e-commerce au Cameroun, elle a ainsi l’impression de contribuer au développement du secteur privé et de mettre son savoir-faire au service du continent. Et de pouvoir continuer à financer ses honéreuses études, et à rembourser son crédit, avec un salaire aligné sur les standards français. Pour l’Essec, compter 40 000 euros. « J’ai pu bien négocier quand ma société m’a débauché en France où je travaillais juste après ma formation », lâche-t-elle.

C’est une trajectoire qu’aimerait suivre Nicolas Simel Ndiaye. Diplômé de HEC et de Sciences-Po, le Sénégalais de 26 ans est en poste dans un cabinet de conseil en management à Paris mais envisage de retourner travailler « au Sénégal ou au Maroc dans cinq ans ». Lui a fait le « choix naturel », dit-il, de démarrer sa carrière professionelle en France. Non sans les difficultés propres aux salariés de nationalités étrangères. « Après avoir signé mon CDI [contrat à durée indéterminée] en novembre 2013, j’ai dû attendre février 2014 pour que la préfecture m’autorise à travailler en tant que salarié en France », souligne Nicolas Ndiaye. Pendant que son dossier était traité, le jeune homme a vu son CDI transformé en stage avec une perte d’un tiers du salaire.

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Changement de statut

Pour Franck Mouofo, les complexités inhérentes aux salariés étrangers furent salutaires. « C’est grâce aux conditions drastiques de la préfecture que mon entreprise a dû se résoudre à me faire signer un CDI à temps plein », constate le Camerounais de 25 ans, diplômé d’HEC en 2012. Auparavant, ses promesses d’embauche en contrat d’une durée de six mois puis d’un an ont été refusées par les autorités françaises. Des tracas évités par Opeyemi Bello parti sur la côte est des Etats-Unis, pour suivre un cursus à la faculté de droit de l’université d’Harvard.

Conscients des conséquences économiques de la fuite de « cerveaux africains », certains Etats commencent à élaborer une politique pour « récupérer » leurs étudiants diplômés des grandes écoles. C’est le cas du Sénégal qui est en train de finaliser « le projet d’une base de données des profils de ses étudiants d’excellence pour mieux les attirer à la fin de leurs cursus », selon Moise Sarr, chef du service de gestion des étudiants sénégalais à l’étranger à Paris.

 

Moussa Diop(contributeur Le Monde Afrique)

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