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Maintenant que je suis français, je rentre dans mon pays

Maintenant que je suis français, je rentre dans mon pays

J’arrive à la préfecture de police de Paris à 15h13, ce jeudi après-midi. La cérémonie est censée commencer à 15h15 : je suis à l’heure. Je me dit qu’il n’y aura pas beaucoup d’attente, contrairement aux rendez-vous pour demander la carte de séjour. Là, on a été « choisi » ou « sélectionné ». La cérémonie de naturalisation est une étape clé dans le processus pour devenir français.

Dès mon arrivée, je vois dans la rue une cinquantaine de personnes qui font la queue : ils n’attendent probablement pas la cérémonie, ils sont trop nombreux. Je me précipite vers la policière et je lui demande fièrement :

« – Je viens pour la , c’est par où s’il vous plaît ?

– Attendez ici [dehors], on vous appellera. »

Je ne suis pas l’« élu »

Finalement, ils viennent tous aussi pour la cérémonie. Je ne suis pas l’« élu » et ils sont de tous âges et de toutes catégories sociales. J’ai réquisitionné un bout de trottoir et j’ai attendu comme les autres. Je me suis mis à scruter ces étrangers qui font partie de la même portée que moi :

  • il y a ceux qui se sont mis sur leur 31, costard-cravate avec un attaché-case (j’en faisais partie) ;
  • il y a ceux (plus des filles) qui sont accompagnés d’un proche ;
  • il y a aussi des personnes âgées : on dirait que c’est d’ailleurs elles qui sont le plus excitées et impressionnées par l’événement.

C’est bon, on nous laisse entrer. Leur première instruction est qu’on leur remette nos cartes de séjour qui ne nous serviront plus. Je me suis dit : « Zut, il me restait quatre mois de validité dessus. » Je sais, c’est bizarre mais les étrangers me comprendront : la demande de renouvellement de carte est tellement fastidieuse qu’on la reporte au dernier moment pour jouir pleinement de toutes les minutes de notre présence en France de façon régulière.

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L’impression de trahir un peu mon pays

On entre dans une pièce appelée « salle Marianne » avec des drapeaux partout et un buste de Marianne. Une femme (adjointe au préfet) monte sur une petite scène et se présente à nous avec un micro collé au visage – comme celui qu’utilisent les chanteurs dans les comédies musicales – et avec une voix qui se veut chaleureuse et amicale :

« Bonjour, vous êtes tous là parce que vous avez choisi d’être français… »

Franchement, son discours était pas mal, accueillant et rassurant.

« Voici comment va se passer cette cérémonie, il y aura cinq étapes :

  • mon discours ;
  • une vidéo qui présente la France ;
  • nous allons tous chanter la Marseillaise ;
  • la distribution des décrets de naturalisation ;
  • enfin les photos avec moi, si vous voulez. »

Là, je me suis vraiment rendu compte que j’allais changer d’identité – surtout le fait de se lever et de chanter un hymne national autre que le mien. Je n’ai jamais prêté beaucoup d’importance au signe extérieur de la nation (drapeau, hymne…) mais là, j’avais l’impression de trahir un petit peu mon pays.

De toute façon, c’est trop tard maintenant pour se poser ces questions. Au moment du chant, je me suis levé et j’ai chanté. Je n’avais pas besoin des paroles qu’on nous avait distribué car je regarde beaucoup le foot et à force j’ai appris la Marseillaise par cœur.

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Mon pays me manque

Maintenant que je suis français, mon premier objectif est de rentrer dans mon pays d’origine et d’y vivre. N’y voyez aucune répulsion envers la France, mais c’est juste que je me suis rendu compte que je me suis trop éloigné (dans le temps) des miens et mon pays d’origine me manque.

Je suis marocain, je suis venu ici en 2004 pour faire des classes prépas scientifique, puis j’ai fais une école d’ingénieur. Je travaille comme analyste financier depuis 2009. Je cherche en ce moment un job à Casablanca.

Pourquoi j’ai choisi de demander la nationalité ? Essentiellement pour faciliter mes démarches : plus de visas pour voyager, j’ai le choix entre rester ici ou la-bas sans trop de paperasse.

C’est aussi une sorte de sécurité, on ne peut maintenant plus me mettre dehors comme lors de la circulaire Guéant. Je sais, vous allez peut-être me dire : « Ah bon, c’est pas pour la grandeur de la France et des valeurs d’humanité et de transcendance qu’elle porte ? » Pas directement, mais il y a de ça aussi.

 

Hamza

Source : Rue89 – L’Obs

 

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