La commission onusienne des droits de l’homme estime que les mariages polygames constituent une discrimination vis-à-vis des femmes et qu’elle doit être éradiquée
C’est le régime matrimonial où un homme a plus d’une femme. Il est assez répandu sur le continent et le sujet était ce lundi (04 avril) au menu des discussions de la Commission des droits de l’homme de l’ONU.
Cette commission, ainsi que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, estiment que les mariages polygames constituent une discrimination vis-à-vis des femmes et ont recommandé leur interdiction.
Mustafa Magambo Mutone, un Ougandais de 65 ans, affirme être le père de 176 enfants nés de ses treize femmes. A Kagaddi, une région de l’ouest de l’Ouganda, cet homme d’affaires dit ne plus être en mesure d’élever ses enfants et demande au gouvernement de l’aider à payer les frais de scolarité de sa progéniture, les uns déjà à l’université, les autres à l’école secondaire.
« Je demande au gouvernement de payer la scolarité pour au moins trente de mes enfants qui sont au niveau du secondaire et de l’université, car c’est très difficile pour moi », avait déclaré Mustafa à la DW à la mi-mars.
Sylvie Nsanga, une activiste rwandaise des droits des femmes dans son pays, est née en République démocratique du Congo d’un père polygame. Elle explique l’une des raisons qui poussent certains hommes vers la polygamie :
« Moi-même, je suis née dans une famille polygame. Mon père avait deux femmes et il était instruit. A son époque, avoir plus d’une femme était une fierté pour la plupart des hommes. La majorité des hommes qui le faisaient étaient financièrement stables, si je peux le dire ainsi. »
Pour Sylvie Nsanga, « bien sûr qu’il y a des conséquences car comme enfant, tu aimerais toujours avoir tes parents à tes côtés et c’est de leur responsabilité de te donner de l’amour, du temps et des soins ». Pour elle, « dans le cas de la polygamie, cela veut dire que vous avez beaucoup de femmes et que vous devez partager ce temps insuffisant entre vos nombreux enfants », conclut-elle.
La Commission de l’ONU pour les droits de la femme ainsi que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, estiment que « les mariages polygames constituent une discrimination vis-à-vis des femmes » et ont recommandé leur interdiction.
Djali Amal Amadou, écrivaine camerounaise, auteure de « Les Impatientes », un livre qui parle de la polygamie au Sahel et qui lui a valu le Prix Goncourt des Lycéens en 2020, revient sur l’aspect de la discrimination dont parle la commission onusienne.
« La polygamie, la plupart du temps, c’est une décision unilatérale de l’homme, c’est-à-dire que c’est l’homme qui décide de prendre une autre femme sans demander l’avis de la première épouse, sans demander l’accord. A ce moment-là, évidemment, c’est de la discrimination. C’est une entrave à sa liberté, c’est une entrave à ses choix de vie. Cela est clair. »
Cette pratique dont l’ONU demande l’interdiction dans le monde est pourtant illégale dans de nombreux pays africains. Mais en pratique elle persiste souvent.
« Du fait d’avoir été sous plusieurs royautés, la loi coutumière autorisait la polygamie. Bien que la loi actuelle et le code de la famille actuel l’interdisent, on va dire qu’il existe encore ce choc entre la loi et ce que promeut la culture telle que nous l’avons héritée », explique Grâce Mali, une activiste congolaise des droits des femmes, sur la persistence de la pratique, malgré son illégalité.
Si la polygamie est répandue en Afrique subsaharienne, certaines voix critiques voudraient l’attribuer à la religion musulmane mais Djali Amal Amadou pense que cela relève de l’incompréhension des textes de cette religion.
Elle explique que « la polygamie n’est pas prescrite, c’est-à-dire que la religion n’oblige pas les gens à être polygames. Elle encourage la monogamie. La polygamie, si elle doit être pratiquée, doit se limiter à quatre épouses avec des conditions très strictes. »
Selon le Pew Research Center, un think tank américain basé à Washington qui fait des recherches sur la vie sociale, c’est en Afrique subsaharienne que la polygamie est le plus pratiquée. Ce phénomène concerne environ 11% de la population, selon le Pew Research Center.