La cour criminelle de Seine-Maritime est allée en deçà des réquisitions de l’avocate générale, qui avait réclamé dans la matinée 12 ans de réclusion contre l’agresseur.
Un homme schizophrène a été condamné ce vendredi 16 septembre à neuf ans de prison pour des coups mortels sur un chercheur guinéen en 2019 à Rouen et des insultes racistes, alors que la défense avait plaidé son irresponsabilité pénale.
La cour criminelle de Seine-Maritime est allée en deçà des réquisitions de l’avocate générale Marion Meunier, qui avait réclamé dans la matinée 12 ans de réclusion contre cet homme de 32 ans, hospitalisé en unité pour malades difficiles (UMD) depuis son arrestation.
«Il n’y a pas d’hallucination auditive qui apparaisse dans le dossier au moment des faits et qui permettrait d’aller vers une abolition du discernement», avait estimé l’avocate générale Marion Meunier au cours de son réquisitoire. Pour elle, comme pour la cour, le discernement de l’accusé, schizophrène et sous curatelle renforcée depuis 2013, était altéré et non aboli, contrairement à ce que plaidait la défense, le 19 juillet 2019.
Ce jour-là, à Canteleu, dans la banlieue de Rouen, Mamoudou Barry, 31 ans, un chercheur guinéen, était descendu calmement de sa voiture pour tenter de comprendre les «insultes racistes» que venait de proférer l’accusé, a expliqué la magistrate. Selon l’épouse de la victime, l’agresseur avait alors fait référence à la finale Sénégal-Algérie de la Coupe d’Afrique des Nations de football qui se jouait ce soir-là.
Cet homme en rupture de soin avait alors «frappé fort» l’universitaire: «y compris quand la victime se retrouve au sol» et «il y a bien des insultes racistes proférées avant et après l’agression», a poursuivi la magistrate, qualifiant les faits d’«agression purement gratuite». Il «n’a laissé aucune chance à la victime», a martelé Mme Meunier. Mamoudou Barry, père d’une enfant de deux ans, est décédé le lendemain des suites de ses blessures.
Altération et abolition du discernement
Vendredi l’accusé, encadré de trois infirmiers, est demeuré comme le plus souvent au cours de ce procès, le regard vide. Cet homme a certes «des difficultés d’élocution liées aux médicaments» mais l’avocate générale a relevé «la clarté de ses souvenirs». «À aucun moment, il n’évoque avoir perdu pied», a-t-elle insisté.
La défense s’est de son côté appuyée sur une «hésitation» de l’expert-psychiatre entre altération et abolition du discernement pour demander à la cour de le déclarer irresponsable pénalement. «Il est acquis qu’il y a eu un vécu hallucinatoire dans le parcours de vie» de l’accusé et «un syndrome délirant a été constaté quelques jours après son interpellation», a argumenté Me Herveline Demerville. Or «en juillet 2019 on sait qu’il n’y a plus aucun soin. Ce n’est pas anodin», a-t-elle estimé.
Lorsque l’accusé, qui souffre de «schizophrénie paranoïde», «a la conviction d’être insulté alors que ce n’est pas vrai, on ne peut plus envisager qu’il ait son libre arbitre», a poursuivi l’avocate. Pour la défense, seule «l’UMD peut permettre sa prise en charge médicale pour interrompre ses conduites violentes. Il ne peut rejoindre un univers carcéral normal».
SOS Racisme, qui s’était constitué partie civile aux côtés de la famille de la victime, de la Licra et du Mrap, s’est dit satisfait du verdict.
«Neuf ans ça reste une peine relativement adaptée, non pas aux faits qui mériteraient une peine beaucoup plus importante, mais à la personnalité de l’auteur. On ne peut pas omettre qu’il est schizophrène à haut niveau», a déclaré à l’AFP l’avocat de l’association David Verdier. La violente agression de Mamoudou Barry avait suscité de vives réactions en France et en Guinée.