Au rond-point ‘’Case ba’’ des Parcelles assainies, le très populeux quartier de la banlieue dakaroise, une tente attire l’attention. On y voit dessus une photo de la statue de la liberté et l’effigie du drapeau américain.
C’est dans ce lieu tenu par Louis Bass, un jeune sénégalais de 25 ans, que convergent les jeunes du coin désireux d’obtenir via la loterie un green card leur donnant l’autorisation de se rendre aux Etats-Unis d’Amérique.
L’opération est annuelle et cela fait deux ans que Louis Bass arrête toutes affaires cessantes dès qu’elle commence pour ouvrir son stand de green card.
Démarré cette année depuis le 18 octobre, l’enregistrement des candidats à la loterie du green card s’arrête mercredi prochain, renseigne Louis Bass dont l’intérieur de la tente est sommairement meublé d’un ordinateur, d’une table, d’une connexion wifi et de trois chaises pour les clients.
Une musique diffusée par une forte sonorisation entretient l’ambiance autour du stand.
En ce début de matinée, Louis reçoit trois postulants à la loterie du green card : deux hommes, un enseignant et un étudiant, et une jeune femme, commerçante.
Athénase Faye, l’enseignant de 43 ans, en est à sa troisième tentative pour tirer le jackpot.
«Je veux émigrer aux Etats-Unis pour y vivre et y travailler. Pour ce faire, je pense que la loterie green card est plus rapide et plus facile», dit-il avant de donner l’exemple de son cousin qui, après deux tentatives infructueuses, a fini par obtenir le précieux sésame lui permettant d’effectuer à volonté le voyage entre le Sénégal et les Etats-Unis.
Ce rêve hante les nuits de Nelson Assine, l’étudiant en licence 1 à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’UCAD trouvé chez Louis Bass.
Désireux de poursuivre ses études en Amérique, il a tenté en vain ‘’la voie normale’’ (demande de visa auprès de l’ambassade) avant de s’essayer à la loterie du green card.
Agée de 32 ans, Juliette Gomis, l’unique femme des trois postulants, espère marcher sur les traces de quatre de ses copines qui ont eu la chance de gagner à la loterie. Si ça marche, elle va pouvoir enfin se rendre elle-même aux Etats-Unis pour acheter de quoi alimenter son commerce et s’affranchir de l’aide de sa sœur. Jusqu’ici, elle lui envoie des marchandises à revendre.
Des stands où on peut jouer au green gard foisonnent à Dakar, à l’instar de celui ouvert à Bountou Pikine par Pape Touré. Pour ce faire, ce dernier a comme Louis Bass, demandé et obtenu moyennent une quittance de 10 000 FCFA un permis d’occupation de la voie publique délivré par la mairie.
Pour donner plus de visibilité à son stand, Pape Touré est allé s’installer à côté d’un restaurant très en vue, après avoir remis 50.000 FCFA au propriétaire. Il ne regrette pas pareil investissement car, confesse-t-il, « je peux inscrire plus de 10 personnes par jour».
Réticent à donner le nombre de postulants au green card qu’il reçoit journellement, Louis Bass consent à expliquer qu’« il existe deux procédures d’inscription : l’une individuelle que l’on fait à 3000 FCFA et l’autre familiale que l’on fait à 5000 FCFA».
Depuis 1994 et à chaque année entre le mois d’octobre et celui de novembre, les autorités américaines octroient 55000 visas aux ressortissants de pays –y compris le Sénégal– dont le taux d’immigration aux Etats-Unis est faible la possibilité d’avoir une carte verte (green card) donnant le droit de s’y rendre.
Autorisée par le Congrès américain, l’inscription au programme de Visa de diversité (DV) est gratuite mais requiert une condition : être au moins titulaire d’un baccalauréat ou de son équivalent ou bien avoir deux ans d’expériences dans le domaine où l’on travaille.
L’inscription se fait à partir du site DVlottery.state.gouv et comme tout est en anglais cela explique pourquoi des gens comme Pape Touré et Louis Bass ont dressé une tente pour y ouvrir un stand à l’intention des candidats ne maîtrisant pas l’outil informatique encore moins la langue de Shakespeare.
« Si tu peux t’inscrire sans faire de fautes, tu peux ne pas utiliser nos services», affirme Pape Touré.
Toujours est-il que grâce en partie à des opportunistes sénégalais comme Pape et Louis, 620 de leurs compatriotes sur 16879 postulants ont obtenu en 2015 via la loterie leur green card.
Des rêves d’émigration satisfaits pour le moment mais qui hélas risquent de ne plus pouvoir l’être à l’avenir si la promesse du nouveau président américain Donald Trump de supprimer la loterie du green card trouve une oreille attentive auprès du Congrès américain.