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La jambe du Sikh broyée par un chauffeur d’une voiture diplomatique de l’ambassade de Guinée à Paris

Sa jambe droite est détruite et le responsable de ce désastre qui conduisait une voiture diplomatique restera sans doute à jamais impuni. Turban bleu sur la tête et barbe caractéristique, ce peintre Sikh boite bas et n’espère pas pouvoir reprendre le travail avant longtemps.

En cette fin du mois d’août, dans le bureau parisien de son avocat, Kirandeep vient d’apprendre qu’il ne pourra sans doute même pas être indemnisé par le chauffard qui l’a percuté. Et pour cause, cette voiture, équipée d’une plaque verte, n’était même pas assurée.

Ce 16 mai, il est 10 h 30 avenue d’Eylau à Paris (XVIe) quand cet homme de 31 ans décharge sa camionnette. « Nous étions garés devant le chantier. Je voulais passer la tête pour regarder si une voiture arrivait », raconte cet habitant de Villepinte (Seine-Saint-Denis).

Une Citroën de l’ambassade de Guinée Conakry arrive et happe la cheville de l’ouvrier. « J’ai juste posé mon pied sur la route et il a percuté ma jambe, je suis tombé sur la voiture qui était garée derrière moi. Mais la Citroën est passée sur ma jambe. »

Quelques mètres plus loin le conducteur s’arrête et vient voir le blessé. « Il regardait ce qui se passait et n’a pas dit un mot, s’agace la victime. Heureusement que j’avais déjà travaillé dans cet immeuble et que le gardien est sorti pour m’aider. »

Ce témoin providentiel prévient les secours et photographie la plaque d’immatriculation de la voiture diplomatique. « Il était écrit CMD, cela signifie qu’il s’agit de la voiture de quelqu’un d’important à l’ambassade », précise Me Ballal Dilawar, l’avocat de la victime. Son client est conduit à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne- Billancourt (Hauts-de-Seine).

Le trentenaire y passe une dizaine de jours. Il est opéré à deux reprises. Sa jambe droite a été cassée à plusieurs endroits et le chirurgien lui a implanté une plaque et une tige de fer. « Cela fait quatre mois que je n’ai pas travaillé, ajoute le blessé. Aujourd’hui, je marche tout doucement et je ne peux pas reprendre mon activité dans le bâtiment. »

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Le 12 juin, accompagné de son avocat, le peintre dépose plainte au commissariat du XVIe arrondissement. « Les fonctionnaires m’ont demandé une expertise de l’unité médico-judiciaire », raconte la victime. Selon le dernier rapport, l’incapacité totale de travail (ITT) est évaluée à 90 jours.

« Les policiers n’ont pas caché qu’ils étaient agacés par toutes les affaires et les infractions qu’ils relèvent dans cet arrondissement impliquant des voitures diplomatiques car le secteur abrite de nombreuses ambassades, précise Me Dilawar. Mais ils ne sont pas optimistes sur les suites judiciaires car les véhicules diplomatiques sont protégés ».

Plusieurs cas similaires dans la capitale
Le secrétaire général adjoint du syndicat unité SGP, Jérôme Moisant, note la même tendance. « Mes collègues appellent systématiquement un commissaire qui fait un compte-rendu sur l’incident qui est rapporté à l’ambassade concernée, explique-t-il. Malgré l’immunité diplomatique, les policiers essaient toujours de faire cesser l’infraction. Par exemple si un chauffeur est ivre, ils l’obligent à garer le véhicule et le mettent dans un taxi ».

De son côté le syndicat Alliance confirme que les policiers sont régulièrement confrontés à cette réalité. « Cela peut paraître frustrant pour les collègues, mais tout ce qu’ils peuvent faire lors d’un accident, c’est signaler l’événement à la hiérarchie. C’est la loi et c’est même une procédure qui est enseignée dès l’école de police », souligne un délégué. Les deux syndicats ne cachent pas que les agents vivent parfois mal cette impuissance, surtout quand le conducteur se comporte mal et les nargue se sachant intouchable.

Les exemples similaires ne manquent pas dans les archives parisiennes. En juin dernier, dans le VIIe arrondissement, une voiture diplomatique chinoise conduite par un cuisinier ivre a percuté un livreur avant de prendre la fuite. En 2016, c’était un attaché militaire allemand sous l’emprise de l’alcool qui avait provoqué un carambolage faisant deux blessés dans le bois de Boulogne.

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« Immunité complète »
Concernant la plainte de Kirandeep , les forces de l’ordre vont identifier le conducteur et, s’il est protégé par son statut diplomatique, il ne pourra pas être poursuivi par la justice française sans que son pays ne lève son immunité. « Les agents diplomatiques, le personnel administratif et technique d’une ambassade ainsi que leurs familles bénéficient d’une immunité complète », précise le texte qui régit leur fonction. Il va sans dire que la levée de l’immunité diplomatique ne se fait que dans des affaires très graves qui peuvent nuire aux bonnes relations entre les pays.

Qu’en est-il de l’indemnisation de la victime ? Des démarches ont été réalisées auprès de l’assurance de l’ambassade de Guinée. Mauvaise nouvelle, la représentation n’aurait pas correctement assuré son véhicule.

Dernière chance, l’avocat de Kirandeep va saisir le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) qui indemnise les victimes des chauffards non assurés. Fort heureusement, son dossier ne présente pas de difficultés.

Contactée, l’ambassade de la Guinée rappelle que son chauffeur s’est arrêté après l’accident et s’est soumis à toute la procédure. « Son alcoolémie a même été contrôlée, note une source de l’ambassade. C’est un homme qui a été heurté, nous compatissons à ses souffrances. Nous venons d’un pays où la loi est rigoureuse. En France, nous respectons aussi la loi. » Et l’ambassade de Guinée certifie, contrairement à l’avocat de la victime, que son véhicule est bel et bien assuré. Si cela se révèle exact, l’indemnisation de Kirandeep sera plus aisée.

Julien Constant avec Le Parisien

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