Les autorités sénégalaises devraient veiller immédiatement à ce qu’une enquête indépendante et minutieuse soit ouverte sur les décès signalés d’au moins 10 personnes et sur les blessures de centaines d’autres lors des manifestations qui se sont déroulées dans le pays depuis le 3 mars 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
« Le gouvernement devrait libérer les personnes détenues en raison de leurs convictions politiques ou de leur participation à des activités pacifiques », selon l’organisation.
D’après les entretiens menés par Human Rights Watch avec huit activistes, manifestants et journalistes, et d’après les reportages des médias et les rapports de groupes nationaux et internationaux de défense des droits humains, « les forces de sécurité ont lancé des gaz lacrymogènes, ont dans certains cas tiré à balles réelles pour disperser les manifestants et ont arrêté au moins 100 personnes. De nombreux manifestants ont répondu par des jets de pierres sur les forces de sécurité, par des pillages et en brûlant des pneus, des voitures et d’autres biens. Mais il a été rapporté que d’autres ont manifesté pacifiquement ».
« Alors que le Sénégal traverse sa pire période de troubles depuis des années et que d’autres manifestations sont prévues, les autorités devraient veiller à ce que les forces de sécurité respectent la loi », a déclaré Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique chez Human Rights Watch. « Les décès récents de manifestants ainsi que les blessures devraient faire l’objet d’enquêtes crédibles, et les membres des forces de sécurité ayant fait un usage illégal ou excessif de la force devraient être traduits en justice», selon elle.
« La liberté d’expression est une valeur fondamentale et un droit inscrit dans notre constitution. Sa restriction explique aussi l’explosion de violence sans précédent au #Sénégal. »
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Au moins 100 personnes auraient été arrêtées pendant les manifestations, certaines d’entre elles auraient été frappées, selon des groupes de défense des droits nationaux et internationaux.
Cyrille Touré, connu sous le nom de « Thiat », rappeur et membre fondateur du mouvement citoyen Y’en a marre, a raconté à Human Rights Watch qu’il se trouvait parmi un grand groupe de manifestants à Dakar vers 16 h le 5 mars lorsque la police s’est brusquement mise à tirer des balles à blanc sur la foule.
« Je me suis arrêté là, je me suis assis par terre et j’ai mis les mains sur la tête », a-t-il expliqué. « Ensuite des policiers sont venus vers moi et ont commencé à me frapper avec leurs fusils – à la tête, au dos, sur le côté, sur les pieds… Ils m’ont jeté dans leur fourgon et m’ont emmené tout en continuant à lancer des gaz lacrymogènes et à tirer des balles à blanc sur les manifestants. »
Cyrille Touré a finalement été conduit à une brigade de gendarmerie, où il a été détenu dans une cellule sale et surpeuplée avec 16 autres manifestants jusqu’à sa libération le 8 mars. « Ma tête me fait toujours mal et j’ai des traces sur le corps là où ils m’ont frappé », a-t-il ajouté.
« Nous voulons que le président annonce qu’il y aura des réparations pour les familles des victimes. Nous demandons l’instauration d’une commission d’enquête indépendante pour tous les décès. »
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« La liberté d’expression est une valeur fondamentale et un droit inscrit dans notre constitution », a indiqué Alioune Tine à Human Rights Watch. « Sa restriction explique aussi l’explosion de violence sans précédent au Sénégal. »
« Les récentes manifestations qui ont secoué le Sénégal montrent les frustrations croissantes de la jeunesse du pays concernant la pauvreté, la pandémie et ce que beaucoup perçoivent comme le manquement du gouvernement à tenir ses promesses », a conclu Ida Sawyer.
« Au lieu de réprimer les manifestants pacifiques, les autorités devraient s’attacher à résoudre leurs préoccupations, y compris en faisant progresser la gouvernance démocratique et l’État de droit et en protégeant les droits économiques essentiels pour tous», a-t-elle dit.