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France : Difficile de rentrer au pays pour les retraités sénégalais

France : Difficile de rentrer au pays pour les retraités sénégalais

Les récentes dispositions réglementaires en matière de « carte de séjour de retraite » ont permis de comprendre l’attachement des retraités sénégalais à leur terre natale. Privés d’un retour définitif au pays après la retraite, ces derniers vivent dans une souffrance inouïe.

Les nouvelles lois en matière de « carte séjour retraite » obligent une présence en France tous les 3 ans pour pourvoir exiger le paiement de ses droits. A défaut, la carte de séjour ordinaire est périmé. Après trois années d’absences consécutives, le vieux Sénégalais retraité n’a plus le droit d’entrer en France, sauf s’il avait rendu sa carte de séjour ordinaire pour celui portant la « mention retraité ». Ce que plusieurs de nos retraités ignoraient.

La découverte de cette subtilité des lois françaises en matière de renouvellement de carte de séjour avait installé une psychose chez nos vieux car cela imposait une certaine présence en terre française pour continuer à bénéficier de droits durement acquis. Une contrainte pour plusieurs d’entre eux.

« Je suis arrivé au mois de Février. Pour renouveler ma carte de séjour, j’ai été confronté à d’énormes difficultés. A 3 reprises, on m’a donné un récépissé de 3 mois. Ce n’est qu’à la fin du mois d’Octobre qu’ils ont daigné me donner ma carte de séjour de 10 ans. Je suis arrivé en France à l’aube de mes 20 ans, ce n’est qu’à mes 65 ans que je suis reparti m’installer définitivement au pays. J’en ai 76 ans de nos jours», partage un vieux sénégalais retraité revenu en France pour changer sa carte de séjour.

Une conversation avec ce vieux Sénégalais d’un foyer parisien avait montré à quel point le retour au pays natal est chargé de sens pour nos pères. 

« Mon fils, si la France nous prive de rester chez nous après une retraite bien méritée pour des raisons farfelues, notre vie n’a plus de sens. Nous avons sacrifié notre jeunesse pour le bien-être de nos familles parce que l’Afrique avait été vidée de toutes ses richesses. Penses-tu que c’est par plaisir que l’on quittait nos parents, nos femmes pour certains, pour séjourner plusieurs décennies en terre d’immigration ? Après la retraite, c’est tout à fait normal que l’on rentre chez nous pour profiter des derniers moments de nos vies parmi les nôtres, retrouver nos amis de longue date, pratiquer davantage notre religion. Les retraités français ont le droit d’aller vivre où bon leur semble après leur retraite, pourquoi pas nous ? C’est un plaisir immense de se réveiller le matin et de vivre à son rythme. On a le temps de deviser avec nos familles, nos voisins et nos amis. Ce plaisir que l’émigration nous avait pris. On le retrouve dans nos villages. Nos mines reprennent vie. On profite de la vie. Le coût de la vie est moins cher pour nos petites pensions. On a le temps de cultiver pour le plaisir, de faire de l’élevage, d’aller à la pêche pour le plaisir, d’aller prier dans les mosquées construites grâce à nos cotisations d’hier et, même de « s’enterrer » dignement… Pour moi, ce plaisir ne se retrouve nulle part que chez moi. Donc, le vieux retraité sénégalais qui ne peut plus rentrer chez lui pour une raison ou une autre vit tout simplement dans une prison à ciel ouvert ».

Un autre rencontré chez lui, nous renseigne, au détour d’une conversation : 

« La France ne cessera de m’étonner. Ils ont remué terre et ciel pour nous sédentariser. A l’époque, la génération d’avant 70, restait à peine en France. Après avoir fait quelques économies, ils rentraient au pays pour ne plus revenir. Je peux vous citer une vingtaine dans mon village. Je vous jure dans les années 70, les français venaient eux-mêmes déposer les cartes de séjour dans nos boites aux lettres. Ils nous suppliaient même de prendre leur nationalité. Nos ainés avaient vu juste. Ils faisaient l’immigration de travail pour trouver leur subsistance. Nul besoin de séjourner durablement pour gagner son pain. Beaucoup d’entre eux ont préféré plier bagages avant la mise en marche de leur politique de « l’assimilationnisme ». La génération des immigrés d’après 70 fût prise au piège. Au nom de la société de consommation peut-être, l’ère Valéry Giscard d’Estaing ouvre la voie au regroupement familial en 1976. L’immigration de travail est stoppée nette pour des raisons de chômage massif. Bizarrement, ils nous autorisaient à faire venir nos femmes. C’était un calcul minutieux pour asservir d’une manière ou d’une autre. Ils savaient qu’en fondant des familles en France, seuls nos cercueils partiront dans nos pays. Toute notre richesse ( fortune et progéniture ) resterait en France même après la retraite. En effet, là où vous avez une famille ( femme et enfants ), vous ne pouvez plus vous éloigner. C’est comme l’oiseau qui ne peut abandonner ses œufs. Quand nous avons fondé des familles, par un système bien huilé, ils ont pris leur contrôle. Notre « éducation à l’africaine »  a été grossièrement cataloguée de « sauvage ». Plus d’engueulades, plus de fessées… Je me rappelle à l’époque, il suffisait qu’un enfant arrive à l’école avec les yeux rouges pour que l’on soit convoqué et intimidé. On agitait la case « police » pour nous apeurer. Ce fût la même machine infernale qui nous fit perdre le contrôle de nos femmes. Ils montèrent nos femmes contre nous en les épaulant de manière hypocrite. Le système les dressait contre nous. Pensez-vous que celui qui a mis toutes ses économies pour faire venir une femme auprès de lui peut être contre l’épanouissement de cette femme ? On rivalisait pour mettre nos femmes dans de très bonnes conditions quand ils les incitait à aller travailler pour leur émancipation. Nous leur demandions simplement de s’occuper du foyer. Leur entretien était à notre charge. Finalement, elles ont tout fait pour emboiter nos pas en allant travailler tout en hypothéquant, pour certains, l’éducation de nos enfants. A l’époque, Il suffisait de gronder une femme pour qu’on ait les services sociaux aux fesses si ce n’est pas la police. Un jour, j’accompagnais ma femme à la préfecture pour sa carte de séjour. A peine, j’ai ouvert ma bouche que l’agent (une femme) m’a intimé l’ordre de la fermer… Devant moi, elle commençait à monter la tête de ma femme sous prétexte que je voulais contrôler sa vie en jouant l’intermédiaire. Sa collègue a tout simplement fait comprendre que nous étions des barbares qui maltraitaient les femmes. Certaines de nos femmes, fortes de ces soutiens, ont commencé à créer mille et un problèmes. Nos aïeux avaient raison : «Ce n’est pas à toute oreille percée que l’on met des anneaux d’or. ». Certains femmes furent les premières à causer notre perte en immigration.  On a appris cela à nos dépens dans l’immigration.

A côté, on travaillait comme des ânes pour le bien-être de nos familles. En même temps, on perdait de plus en plus l’autorité parentale car les enfants étaient faits « rois » selon leurs standards éducatifs.  Ils les chouchoutent, les gâtent puis  les renvoient du système scolaire. Cela ne nous dédouane pas mais c’est de leur faute en grande partie. Ils ont négligé notre modèle d’éducation. Quand on grondait les enfants, les maitresses en faisaient tout un tas en nous créant des problèmes. La plus grosse bêtise des immigrés africains d’Afrique de l’Ouest est d’avoir abandonné l’immigration de travail pour le regroupement familial.. Faire venir les femmes allait nous créer plusieurs difficultés en terme d’organisation. On le savait tous mais on était pris au piège. La France nous aimait à peine sur leur territoire malgré qu’on leur était utile. Croyez-vous qu’en amenant nos femmes et en fondant des familles, engendrant une kyrielle de problèmes, nous allions être plus considérés ? Évidemment que non ! Ils voulaient nous intégrer. Au final, ils nous ont détruits.

Aujourd’hui, nous sommes plusieurs à être otages de la France. On a du mal à retourner dans nos pays pour profiter des fruits de notre labeur. Ils nous ont pris nos enfants et nos femmes en les « formatant » à leur guise. Chez nous, on disait souvent que le lion met toujours bas un lionceau. Mais, aujourd’hui en France,  les lions que nous symbolisions mettent bas toute sorte d’énergumènes. On a beau vouloir retourner, on sera stoppé par des réalités qui nous dépassent : insoumission des femmes, célibat grandissant de nos filles, l’oisiveté de nos garçons…Quel père de famille aura l’esprit tranquille en laissant derrière lui ses filles en âge de se marier divaguant comme bon leur semble ?  On a beau donner une éducation exemplaire à une fille. A un certain âge, c’est difficile de rester un modèle de droiture car les hommes ne sont pas sérieux de nos jours. Même devant nous, certaines n’en font qu’à leurs têtes, imaginez les derrière nous, sans « garde-fous ». Aujourd’hui, il est devenu normal de continuer à se faire entretenir par son père à 30 ans. Dans chaque maison immigrée, on peut trouver des gros gaillards qui ne travaillent pas et qui sont logés, nourris, blanchis par leurs parents. Encore faut-il que ces garçons ne soient pas happés par la machine judiciaire ? Nous, à 20 ans, on subvenait déjà aux besoins de toute une famille. En un mot la France a désagrégé notre tissu familial de part et d’autre. Quelle triste fin ! L’Afrique nous échappe et l’Europe nous vomit. »

Ces mots de ce vieux retraité mettent à nu la souffrance endurée par tous ces pairs qui sont bloqués pour une raison ou une autre en terre d’immigration. Ainsi, dans une émission radio ici en France, il fut question d’évoquer la question des vieux retraités Sénégalais qui sont privés de retour au pays à cause de leurs charges familiales. Ils sont nombreux de nos jours les vieux  retraités qui diffèrent leur retour au pays faute de relève fiable. Pour mieux circonscrire le débat, le thème s’intéressait aux immigrés Sénégalais qui, par leur biais du regroupement familial, vivent avec femmes et enfants en terre d’immigration. A la retraite, ils ont tous une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Malgré leurs mines agréables quand on les croise dans les rues de Paris, certains vivent dans la mélancolie. Ils sont privés de vraie retraite parce qu’ils peinent à être déchargés de leurs fardeaux familiaux. Quand on parle de fardeaux, on pense bien sûr aux charges familiales ( loyer, alimentation… ). Mais ce n’est pas tout. L’équation des enfants est devenue également un fardeau, quel que soit leur âge.

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Nul besoin de pérorer sur la question. Pour ces auditeurs, une retraite se prépare. Tout vieux qui veut partir paisiblement doit mettre les pieds de ses enfants à l’étrier. Il n’y pas de secret. Au préalable, il doit éduquer ses enfants à l’africaine. « Le fer se bat quand il est chaud », dit-on. Donc, quiconque veut avoir une progéniture utile doit s’impliquer sans relâche dans son éducation. A l’heure de la retraite, ces enfants, bien éduqués, auront la maturité nécessaire pour accélérer le retour des parents en Afrique en assurant convenablement leurs arrières. Plus loin, les auditeurs pointent du doigt le laxisme de certains papas Sénégalais. En effet, beaucoup de nos parents se laissent dominer par leurs femmes qui, à la retraite des maris, feront refroidir toute velléité de retour. Habituées à un certain confort, ces femmes refusent tout simplement de suivre leurs maris. Elles prétexteront les études de leurs enfants, le célibat de leurs filles, leurs 2 heures de nettoyage (sic) pour continuer à humer l’air de Gare du Nord ou de Châtelet… Par manque d’autorité, certains hommes différeront leur retour jusqu’à leur rencontre avec l’ange de la mort. Seuls les plus téméraires viendront à bout de ces prétextes. La plus grande trouvaille, à la limite très drôle, est de brandir la prise d’une deuxième femme au pays si la femme ne veut pas suivre. Seulement, les femmes s’en contrefichent de nos jours car « retour ou pas », certains retraités prendront une nouvelle femme pour se refaire une seconde jeunesse. C’est la raison pour laquelle, plusieurs vieux font des aller-retours entre la France et le pays. Il est très difficile de retourner au pays avec les femmes.

A cela, il faut ajouter le manque d’investissement au pays. Plusieurs vieux Sénégalais n’ont pas été prévoyants. Au plus fort de leur vie active, ils n’ont pas daigné financer des projets ( immobilier, commerce…) qui auraient pu constituer une soupape de sécurité à la retraite. Mais, cette thèse est facilement démontable car plusieurs retraités qui « zappent » quotidiennement entre la Une et la 2 ( Comprenez TF1 et France 2), ont de belles villas dans les capitales africaines ( Dakar, Nouakchott, Bamako… ). Pour apporter de l’eau à mon moulin, le témoignage de ce vieux retraité, rencontré dans un autre foyer parisien du 13ème arrondissement édifie :

«On entend souvent la jeune génération critiquer les vieux retraités. Les uns disent que les vieux n’ont pas investi. Les autres soutiennent que les retraités ont mis tout leur argent dans les jeux de hasard. On entend des mûres et des vertes sur notre situation. Aujourd’hui, la jeune génération a quoi à faire ? Rien ! On a tout fait à leur place. On a construit les maisons familiales, les infrastructures de base, les mosquées. On a de tout temps pris à bras le corps les besoins familiaux . Réveillez nos pères et mères, 99% seront plus que fiers de nous, du travail accompli. Nous avons arraché le pain de la bouche de nos familles françaises pour le bien-être de nos familles africaines. Tous les mois, on déboursait des milliers de Franc français par solidarité familiale. C’est normal que certains d’entre nous soient sans sou de nos jours. Celui qui, pendant 40 ans de vie active, a toujours mis un billet pour faire bouillir la marmite de toute une grande famille, a soigné le moindre petit bobo, a sorti ses parents d’une case pour les mettre dans une chambre qui n’a rien à envier à un studio du 16ème arrondissement, ne doit plus rien à personne. Un proverbe dit : « Quand l’éléphant déblaie les broussailles, c’est pour ses petits. » Nous voulions montrer l’exemple à la postérité. C’est à nos enfants, nés en France ou venus du Pays, qui doivent prendre la relève. D’ailleurs, quel que soit le montant d’une pension, il est largement suffisant pour nourrir un retraité Sénégalais dans son village. Seulement, les jeunes n’assurent point. Nous sommes obligés encore de mettre nos maigres revenus dans la calebasse. A défaut, l’équilibre familial en pâtit. Hier, un seul homme faisait vivre deux familles ( une au village et une en France ). Aujourd’hui, dix hommes de la jeune génération ne peuvent assurer la dépense quotidienne sans grand bruit. Ajoutons à cela l’oisiveté et le manque d’implication de certains de nos enfants nés en immigration. Mettons de côté ceux qui ont mal tournés. Intéressons-nous aux plus dociles. Il faut les marquer à la culotte pour obtenir la moindre cotisation.

Aujourd’hui, un sérieux problème se pose. C’est le devenir de nos enfants en terre d’immigration. Souvent, à l’heure de la retraite, nous avons des enfants de tout âge. Certains grands enfants, dès qu’ils se marient, trouvent  d’autres chats à fouetter que de venir  nous porter secours financièrement. Certains tarderont à prendre leur indépendance. Plusieurs d’entre nous ont encore des enfants mineurs ou scolarisés ( filles et garçons), donc toujours à nos charges. Vous savez tous qu’à l’âge de la retraite, les revenus baissent. A contrario, les charges demeurent intactes si elles n’augmentent pas. Alors, expliquez-moi comment peut-on rentrer définitivement sachant que notre équilibre familial est en jeu. Le loyer, il faut le payer. Il faut que ces enfants mangent, s’habillent pour suivre une scolarité normale. On nous dit pourquoi pas les amener avec vous en Afrique… C’est aberrant une telle réflexion. Ils voient leurs cousins nés au bled sacrifier leurs vies pour partir de l’Afrique, pensez-vous qu’ils accepteront d’aller vivre en Afrique sans bagage intellectuel, sans perspectives ? On est obligés de les accompagner, de rester avec eux. Encore faut-il qu’ils soient des garçons pour que cela soit simple. On peut leur mettre la pression pour qu’ils trouvent un travail afin de prendre leur indépendance. Peut-on faire pareil avec les filles ? Illogique ! On refuse qu’elles partent de chez nous avant le mariage. Notre culture nous impose d’accompagner les filles jusqu’à leur mariage pour qu’elles ne tombent pas dans certains écueils. Une fois mariées, elles ne sont plus sous nos responsabilités. Nous aurons accompli notre mission. C’est la difficile équation de tous les parents. Nos filles sont devenues nos soucis. Déjà, malgré notre présence et  notre autorité, elles nous font voir de toutes les couleurs surtout à l’heure du choix marital. Pendant ce temps, la France autorise le mariage pour tous. Sommes-nous à l’abri de revenir en France et trouver un fils ou une fille avec une personne de même sexe ? Je ne pense pas car nos enfants sont éduqués selon leur mode de vie. De plus, beaucoup de filles donnent du tournis à leurs parents de nos jours car elles foulent aux pieds nos logiques africaines. Imaginez si on leur tourne le dos… N’est-ce pas  une porte ouverte à toute sorte de dérives ? En tant que retraité, je suis le premier à vouloir effectuer un retour définitif. Hélas, les réalités contrecarrent mes plans. Dormir une nuit en France est plus qu’un supplice pour moi car je m’y sens plus à l’aise à mon âge. Ce n’est pas pour rien qu’eux-mêmes ( les français) mettent leurs parents en maison de retraite. Ceci prouve que ce pays se conjugue mal avec la vieillesse. Toutefois, je séjourne quelques mois au pays chaque année ».

Pour un autre retraité, joint au téléphone, le sujet mérite discussion. Pour lui, c’est facile de parler, d’indexer les retraités mais peu de gens comprennent le mal-être des retraités

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«Il faut aussi comprendre une chose importante. Ces retraités dont on parle ont plus d’attaches familiales en France qu’en Afrique. Combien sont ceux qui n’ont plus de parents dans leurs villages ? Ils sont nombreux. Ils ont leurs femmes et leurs enfants en France, c’est normal qu’ils restent après la retraite. De plus, au pays, les gens ne facilitent pas la vie aux retraités. Souvent, ils sont très mal reçus. Je connais un parent qui, après avoir construit toute la maison familiale, dort sous la véranda lors de son séjour. Toutes les chambres sont occupées par les femmes des frères, des fils, des neveux, des cousins. C’est mal vu de sortir une femme d’une chambre pour s’y installer. Cela engendrerait d’autres problèmes plus graves. Nos maisons familiales sont minées. Il n’y a pas que des problèmes. Les jeunes ne respectent plus rien. Les femmes refusent l’autorité d’autrui. Notre modèle social bâti sur le respect n’est plus. A cela, il faut aussi dire que nos maisons se sont vidées. Beaucoup des Sénégalais vivent dans les capitales de nos jours. Souvent, quand on retourne dans nos villages, on a personne pour deviser. Nos parents sont tous décédés. Les bons voisins également. Certains amis d’enfance tiennent difficilement debout. C’est la mélancolie. La meilleure solution serait de ne pas attendre la retraite. Il faut que la génération actuelle refuse ce qui nous arrive. Cette génération doit créer les conditions de retour avec femmes et enfants. Il suffit d’y croire. On stigmatise beaucoup les enfants nés en France. Pourtant, beaucoup ont compris la nouvelle donne : Retourner sur la terre de leurs ancêtres pour se réaliser. Ils investissent en Afrique et s’y installent. Ceci montre que le retour est possible. Mais, il faut s’y prendre avant d’avoir les cheveux blancs. C’est un projet de vie. Malheureusement, certains jeunes nés en Afrique n’ont toujours pas compris. Ils continuent de défier la mort pour venir « galérer » en Europe. L’avenir c’est l’Afrique. Il faut d’abord intégrer cela. Pour les vieux retraités, les carottes sont à peu près cuites. Il faut lutter pour que cela n’arrive pas à la génération actuelle. Ce n’est pas gagné car plusieurs d’entre eux ne connaissent que la France.

Pour ceux qui viennent du pays, le seul conseil que je peux leur donner est de faire tout pour inciter leurs femmes et leurs enfants à retourner au pays. Les gens de notre génération qui ont pu retourner femmes et enfants au pays ne le regrettent pas aujourd’hui. Ils ont anticipé. Le problème ne les concerne guère ».

Mis souvent aux bancs des accusés, présentés comme des fainéants de base, quelques jeunes de France ont mis les pendules à l’heure.

Lors de l’émission radio, le témoignage d’un jeune franco-Sénégalais, a fort convaincu :

« D’abord, il faut rendre hommage à nos papas et nos mamans. Ce sont de véritables lions. Ils sont venus dans un pays étranger sans bagage intellectuel. Ils ont su tirer leurs épingles du jeu par le travail. Honnêtes, sérieux, braves, ils ont redoré le blason de l’homme noir. Seulement, je ne suis pas d’accord quand on dit que la relève n’est pas assurée. Tout dépend de l’éducation. Aujourd’hui, ils sont nombreux ceux qui aident leurs parents. De plus, beaucoup ont même devancé les parents en allant s’installer aux pays. Ils y ouvrent des entreprises, des commerces… Cela montre que nous sommes conscients que l’Afrique est notre avenir . D’accord, certains jeunes sont des charges pour leurs parents. Ils ne travaillent pas et se font entretenir. Ce sont des cas isolés. En Afrique, on en trouve également. En résumé, l’oisiveté, la fainéantise ne sont qu’une résultante d’une éducation bâclée. Il y a des parents qui ne donnent pas le temps. Soit, tu files droit, soit tu dégages. En général, cela marche ». 

“Le travail de la jeunesse fait le repos de la vieillesse.” 

Ce proverbe grec à double sens sied parfaitement à la mentalité et morale africaine. Depuis des siècles, les générations se suivent avec la même hargne pour sortir les familles entières de la pauvreté. Chez les africains, tout père de famille rêve d’avoir une progéniture capable de le décharger de son fardeau quand l’heure de la retraite aura sonné. A défaut, le père de famille prie pour que sa progéniture ne soit pas un fardeau au crépuscule de sa laborieuse vie. C’est peu de le dire. Une exigence dans certaines familles. Ceci justifie la ruée vers l’émigration. On voyage à travers le monde pour chercher une fortune afin de subvenir aux besoins des parents et plus tard de sa femme et ses enfants. Cette mentalité a fini de faire des Africains, qu’ils soient du Mali, de la Mauritanie, de la Gambie ou du Sénégal, d’éternels chasseurs de devises.

«  Si ton père t’achète un boubou, tâche de chercher une poche pour ce boubou »

un proverbe Soninké. Ce proverbe métaphorique est une incitation à la bravoure et au travail pour « se réaliser ». Ce sera une façon de montrer à son père au moment opportun qu’on est prêt à prendre la relève. Il met en garde contre toute oisiveté car l’enfant est le remplaçant naturel de son père. Sa mission est de préparer la retraite de son père comme lui aussi avait préparé celle de son « paternel ». C’est ainsi que les vieux émigrés remuaient terre et ciel pour amener leurs enfants en terre d’immigration afin de mettre leurs pieds à l’étrier. Quand l’heure de la retraite sonnera, nul besoin de discourir sur la relève. Chaque enfant saura ce qui lui incombe. Quiconque déroge à cette règle est taxé de « Un vaurien ». Aucun parent ne voudra d’un vaurien dans sa famille. En terre d’immigration, l’enfant qui n’aura pas pris ses responsabilités pour « s’assumer » et « assumer » par la même occasion ses parents à l’âge de la retraite attire les mauvais regards et les mauvaises langues. Une brave progéniture est gage d’une retraite apaisée dans le monde africain. Seulement comme le dit ce proverbe Wolof : « Le poussin qui doit devenir coq ne se soucie pas des pièges de la marmite».

Retourner au pays après une retraite méritée est une évidence pour tout vieux Sénégalais. 

«Je n’ai jamais aimé vivre à l’étranger. J’ai fait le Congo dans les années 60. Dans les années 70, j’ai émigré vers la France. Dès le début, je me sentais pas à l’aise avec le système. J’ai compris tout de suite que je devais trouver des voies de retour, faire des économies pour retourner plus vite auprès des miens. Mais, j’ai été obnubilé par l’argent. J’en voulais toujours plus malgré que ce que je percevais par mois ne restait jamais dans mes comptes pour des raisons de soutien familial. Plus les années passaient, plus les choses se compliquaient. A un certain âge, on se résigne. On est broyé par le système. Retourner au pays devint compliqué car l’argent que l’on gagnait était automatiquement redistribué pour nourrir les parents et les proches, soigner des malades…», dit un vieux migrant Sénégalais.

 

Par El hadji Diagola via Mediapart

 

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