Le retour au pays est en grande majorité une démarche spontanée, selon une étude de l’institut national d’études démographiques (Ined) menée auprès de migrants repartis vivre au Sénégal et en RD-Congo.
Pourquoi rentre-t-on au pays après des années de vie en France ou dans un autre pays européen ? L’étude, publiée par l’institut national d’études démographiques (Ined) (« De l’Europe vers l’Afrique : les migrations de retour au Sénégal et en République démocratique du Congo ») , bat en brèche bien des idées reçues.
Pour quelles raisons les migrants rentrent-ils dans leur pays ?
Les retours forcés et souvent musclés d’étrangers en situation irrégulière ne sont pas le lot commun des migrants qui rentrent dans leur pays. Les retours suite à des « problèmes de papiers » n’ont concerné que 11 % des migrants sénégalais et 3 % des Congolais, selon l’enquête menée directement auprès de plus de 1 500 migrants vivant en Europe ou retournés à Dakar et à Kinshasa. Ces retours ne sont d’ailleurs pas toujours des expulsions. Une part d’entre eux décident de rentrer de leur propre gré.
Les migrations de retours en grande majorité spontanées « sont largement passées sous silence », estiment les auteurs de l’étude. Elles sont motivées par des raisons personnelles.
Les Congolais évoquent au premier chef des raisons professionnelles (44 %), puis la fin des études (25 %) et enfin la famille (6 %). Ces trois mêmes raisons ont poussé les Sénégalais à rentrer dans leur pays, mais avec des proportions différentes (respectivement 15 %, 15 % et 34 %).
Comment ces retours évoluent-ils au fil du temps ?
Le souhait de rentrer au pays tend à s’émousser. Avant 1990, 51 % des Sénégalais en Europe avaient l’intention de regagner leur pays. Ils n’étaient plus que 41 % après 1990. Mais c’est parmi les Congolais que ces intentions de retour ont particulièrement chuté, passant de 64% à 36 %. Et ce en raison de la forte détérioration de la situation politique et économique au RD-Congo à partir des années 1990.
La migration congolaise qui était auparavant essentiellement le fait de l’élite – adepte de séjours temporaires en Belgique, son ancienne métropole – a alors concerné des populations plus larges fuyant les conditions de vie difficiles au RD-Congo et donc peu enclines à y retourner.
Quel rôle joue la politique migratoire européenne ?
La fermeture progressive des frontières européennes a fortement influé sur les logiques migratoires. L’instauration des visas pour les Sénégalais en 1987 a coupé court aux libres allers et venues et incité les migrants à s’installer (la sédentarisation ayant été aussi facilitée par le droit au regroupement familial).
L’option du retour est alors devenue « une option hasardeuse », soulignent les chercheurs. « En cas d’échec de leur réinsertion dans leur pays d’origine, les migrants savent qu’il leur sera difficile de repartir », font-ils valoir. Il y a en effet une corrélation directe entre la difficulté de migrer en Europe et le fait d’envisager un retour.
« Les barrières à l’installation en Europe – incarnées au niveau individuel par l’absence de papiers – n’encouragent pas les migrants au retour et peuvent même avoir pour effet de les ’enfermer’ à destination », concluent les chercheurs. D’autant que « les personnes dont la migration a été financièrement et humainement coûteuse sont moins promptes à repartir parce qu’elles ne sont pas prêtes à vivre à nouveau une telle expérience ».
Après dix ans de séjour en Europe, la probabilité que des migrants congolais passés par des pays de transit reviennent chez eux est de 7 %, tandis qu’elle est de 43 % pour ceux qui ont migré directement de leur pays d’origine vers l’Europe.
Source : Ined