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Dans sa petite ville de Passy, Yoro Diao, le tirailleur sénégalais savoure son retour

Dans sa petite ville de Passy, Yoro Diao, le tirailleur sénégalais savoure son retour

Élégamment vêtu d’un caftan blanc immaculé, un bonnet carré assorti sur la tête, le tirailleur Yoro Diao, 95 ans, pose tout sourire près de son arrière-petit-fils dont il vient d’officier le baptême musulman dans la petite ville sénégalaise de Passy.

« C’est une joie immense. J’aurais jamais pensé être présent ici, à cet âge-là, près de tous mes petits-enfants », jubile-t-il, les yeux pétillants.

Est-ce son optimisme qui lui donne cette énergie ? Presqu’un siècle de vie, et le voici qui gambade, d’une pièce à l’autre, volubile et radieux, intarissable.

Ancien soldat de l’armée française en Indochine et en Algérie, il est rentré définitivement au Sénégal le 28 avril, grâce à une mesure dérogatoire de Paris qui lui permet, avec quelques-uns de ses pairs, de vivre en permanence dans son pays d’origine, sans perdre son allocation minimum vieillesse de 950 euros par mois.

« Merci à la France du fond du cœur », dit-il, pas rancunier contre l’ancienne puissance coloniale pour qui il a pris tous les risques et qui, volontiers accusée de manquer de reconnaissance envers ces soldats africains, lui a donné la possibilité du retour au soir de sa vie.

« Quand vous rentrez chez vous, que vous avez vos enfants, vos petits enfants, que veut le peuple ? », rayonne-t-il, entouré de sa descendance nombreuse, qui le traite comme un modèle, et dont il assure en partie la subsistance.

Sa famille est réunie ce jour-là pour célébrer la naissance de Mohamed, né deux jours après le retour de Yoro Diao. Dans la cour principale, les femmes, enveloppées de tuniques en wax aux couleurs vives, coupent les légumes et préparent le riz, protégées du soleil par une bâche.

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« Un exemple »
Le mouton, immolé pour l’occasion, mijote dans de grandes marmites chauffées au bois.

La vie se concentre dans l’enceinte du domicile. A l’extérieur, tout est désert. La température avoisine 40 degrés. De temps à autre, une charrette passe dans la rue attenante à la maison, que le maire a décidé de nommer au nom de Yoro Diao.

« Cet ancien tirailleur est un exemple pour nous. Nous sommes très contents de son retour », confie Khalifa Ababacar Samb, 30 ans, venu faire une course chez le boutiquier d’en face.

Passy est une petite ville du Sine Saloum, non loin de la frontière gambienne, qui vit principalement de l’agriculture et de l’élevage. C’est là que M. Diao a décidé d’élire domicile, loin de son foyer de Bondy, en Région parisienne, où il vivait dans un studio de 15 mètres carrés.

Depuis qu’il est rentré, entre les célébrations et hommages, M. Diao dit se reposer, se promener, faire « des bains de lézard » au soleil. Parfois, il va jusqu’à ses champs de riz et de maïs.

Assis sur une chaise, il raconte longuement son parcours, sa fierté d’avoir rejoint l’un des meilleurs régiments des tirailleurs sénégalais, ses souvenirs en tant que soignant en Indochine et en Algérie dans les années 1950, l’esprit de camaraderie qui y régnait entre Français et Africains.

S’il a un profond respect pour la France, son armée et ses valeurs, il regrette les épreuves que lui et les autres tirailleurs ont affrontées pour obtenir les mêmes droits que leurs homologues français.

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Reconnaissance tardive
« Pour toucher nos droits, on nous demandait des certificats qu’il était impossible à avoir. Et les Français le savaient bien », dit-il.

La France n’a levé qu’en 2006 les mesures de gel qui bloquaient les pensions des anciens combattants coloniaux, contrairement à celles des anciens combattants français qui étaient revalorisées. Ils ont reçu la nationalité française en 2017.

Début 2023, après la sortie du film Tirailleurs, le gouvernement français a annoncé la mesure qui leur permet de toucher leur allocation en vivant dans leur pays d’origine.

Après le retour de neuf d’entre eux fin avril, il reste encore en France 28 tirailleurs – tous d’origine sénégalaise -, dont plusieurs sont susceptibles de bientôt rentrer définitivement.

Ces victoires vers l’égalité, les anciens combattants africains les doivent en grande partie à Aïssata Seck, 43 ans, petite-fille d’un tirailleur et présidente de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, « choquée » par leurs conditions de vie et les expériences souvent « humiliantes » dans leurs démarches.

« Mieux vaut tard que jamais », déclare Samba Diao, fils ainé de Yoro, qui se dit « émerveillé » de voir revenir son père et rêve que les familles des tirailleurs obtiennent aussi la nationalité française.

Assis au milieu des siens, Yoro Diao savoure l’instant. Les griots – caste de musiciens et poètes ambulants en Afrique de l’Ouest – tournent autour de lui et chantent ses louanges. Le festin peut commencer.

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