Qu’elle soit amoureuse d’un Maghrébin n’est pas un souci pour les proches de Claire. Réflexions, amalgames… : ce qui ne passe pas, c’est sa religion. Témoignage.
Il s’agit d’une histoire d’amour. Nous y trouvons l’héroïne et son prince charmant dont l’idylle est évidemment polluée par moult sorcières et dragons. La princesse, c’est moi, Claire, 26 ans, institutrice, française, dont les parents font partie de ce qu’on appelle la classe moyenne. Le prince s’appelle Mounir, 30 ans, adjoint territorial, français, issu d’une famille nombreuse appartenant à ce qu’on nomme communément les classes très défavorisées.
J’ai appris ce qu’est le racisme ordinaire depuis que je suis avec un Maghrébin. Mais je trouve que l’on parle très peu de ce qu’on peut entendre et vivre via nos proches, des êtres chers qui y vont de leurs amalgames et réflexions en tout genre.
Je suis athée, il est musulman
Tout commence par une rencontre amoureuse qui se concrétise rapidement – car comme bon nombre de couples mixtes, nous faisons de nos différences une force. Nos différences, me direz-vous ? Je pourrais vous parler de son goût pour les études et de mes difficultés à finir les miennes ou encore de mon enfance dans l’abondance et de la sienne dans la misère.
Mais, évidemment, qui dit couple mixte aborde le problème qui fait tant peur : la religion et les origines. Je suis athée, il est musulman. Je suis française, il est français mais « d’origine » (marocaine, pour être précise). Cela serait mentir que de dire que nous ne sommes pas passés par d’interminables discussions et quelques chocs culturels, qui se sont soldés, comme tout couple mixte qui dure, par des concessions.
Mais c’est à ce moment que quelqu’un devrait m’interpeller pour me dire :
« Les couples non mixtes ne font pas de concessions ? »
Mais alors, qu’est ce qui nous différencie d’un couple lambda ? Je sais, vous avez la réponse : le regard des gens. J’irai pour ma part bien plus loin : le regard et les paroles de l’entourage proche.
Les amis : « Il t’a pas demandé de te convertir ? »
En ce qui me concerne, la majorité de mes amitiés durent depuis des années. Je n’ai eu à me frotter à aucune réflexion désobligeante concernant ma relation avec Mounir. Seule une amie m’a confié un jour :
« Claire, je ne te le cache pas, ça m’embête énormément que ça dure avec ton musulman. »
C’était gratuit, non argumenté.
Mounir a également un groupe d’amis depuis l’enfance. Le jour où notre relation a été mise à jour sur Facebook, il n’a plus eu jamais de nouvelles de deux amis très proches. A ce jour, cela fait quatre ans qu’il n’a toujours pas eu d’explications.
Un jour, j’ai dit à un ami que je n’aurai pas de chien dans ma maison car cela va à l’encontre de la religion de mon conjoint et que je respecte cela, il m’a répondu que ça lui donnait envie de voter Marine Le Pen. Un ami de quartier de Mounir lui a expliqué qu’il savait bien qu’il était en couple avec moi pour sa carrière, que ça allait de soi.
J’aurais pu écrire beaucoup plus mais ça aurait été trop long avec les fameux « mais tu manges du cochon toi », à la cantine, suivi du célèbre :
« Mais il t’a pas demandé de te convertir ? »
La famille : « Il la surveille »
Mes parents ont été les premiers informés de ma relation avec Mounir. Je n’étais pas spécialement inquiète de leur réaction, ayant la chance de faire partie d’une famille plutôt ouverte. Evidemment, j’apprends à mes dépens plus tard que l’on est toujours plus ouvert quand cela se passe chez les autres.
Les débuts furent prometteurs malgré une petite phrase annonciatrice de mon père à ma mère (interceptée derrière une porte) :
« Tu as vu, elle est toujours au téléphone avec lui, il la surveille. »
Mounir est venu régulièrement à la maison, il présente bien, il a fait des études pour plaire à ma mère, partage des passions communes avec ma sœur et son fiancé et prend le soin d’écouter les discours politiques de mon père sans broncher.
L’ambiance est sympathique mais pas naturelle. Les premières affirmations sorties dont ne sait où me viennent en aparté :
« Moi je n’y crois pas, ils ne font pas le Ramadan, c’est que du semblant, ils mangent et boivent en cachette. »
Ce n’est pas grand-chose mais ça agace. Ma sœur lui fait des déclarations d’amitié enflammées sur fond de tolérance qui me mettent bizarrement mal à l’aise. Bref, un bonheur en apparence. Puis vient un évènement dans l’année qui nécessite ma venue dans ma famille, Mounir n’est pas disponible, je m’y rends donc seule.
« Il t’a retourné le crâne »
Lors d’une après-midi pluvieuse devant la cheminée, ma sœur me taquine pour savoir le mariage qui me plairait avec ma moitié, si cela devait arriver. Prise au dépourvue, n’en ayant jamais parlé avec Mounir, je lui lance une idée comme ça : mon souhait serait que chacun fasse un pas vers chaque (non) croyance et culture.
Il me tient à cœur de porter la robe blanche et que l’on soit tous ensemble à la fête. A contrario, j’aimerais honorer la tradition qu’il vienne me chercher au domicile et que l’on fasse également un moment sans alcool.
Quatre idées en l’air sorties de mon imaginaire qui, d’un coup, me plongent dans une réalité douloureuse. Ma sœur hurle au scandale, on est en France, les youyous, c’est pour le bled. La phrase résonne encore dans ma tête régulièrement :
« Et puis quoi encore, il t’a retourné le crâne je le savais, on va venir faire les youyous en tenue traditionnelle et tourner à l’eau claire toute la soirée. Quand on est musulman en France et qu’on se marie, la moindre des choses c’est de faire des efforts d’intégration. »
Je reste bouche bée, les larmes aux yeux, ne sachant que faire pour me défendre pensant à la venue de Mounir à l’église à trois reprises pour son mariage à elle et les baptêmes de ses enfants. Un effort qui avait coûté à mon cher et tendre mais qu’il avait fait pour montrer l’intérêt qu’il portait à ma famille.
Je reçois cela avec une violence énorme, vivant déjà au quotidien le racisme des gens ordinaires mais c’est sans compter sur mon père qui mettra le coup de grâce en me signifiant qu’il est outré de mon intolérance.
Dur pour eux que je ne sois pas musulmane
Ma rencontre avec la famille de Mounir sera beaucoup plus rapide à écrire. Aucune hypocrisie, ni fausses promesses. Ses parents m’expliquent rapidement que c’est dur pour eux que je ne sois pas musulmane mais que je suis la bienvenue chez eux. L’espace est petit, la famille nombreuse mais l’ambiance y est chaleureuse.
Je m’entends bien avec les petits frères et sœurs, ça tisse les liens et comme dit sa maman :
« Si Dieu est avec nous, un jour tu deviendras peut-être musulmane Inch’Allah, l’important c’est que mon fils soit heureux avec toi. »
Dans ma belle-famille, c’est très petit, on ne peut pas y rester dormir, mais si ma belle-sœur et son mari arrive, il y a une petite place derrière le canapé.
A la maison, on mange halal, parce qu’aux courses c’est plus simple mais des amis y ont vu le début de ma métamorphose. Dès que je passe chez mes parents seule, ils cuisinent du cochon, je trouve ça marrant, avant, on n’en mangeait jamais. Chacun y cherchera son interprétation.
Ce sac à dos de plomb que beaucoup essaient de delester avec les mots magiques : « salafiste », « charia », « burka » qui ont d’ailleurs autant de définitions que de personnes qui les prononcent.
J’évoque les couples mixtes non croyant/musulman, c’est mon cas et celui de bons nombre d’amis. Je mets en avant la religion car, évidemment dans nos entourages antiracistes, ce qui titille, ce qui embête, ce n’est pas le côté maghrébin ou bon français mais ce qui va avec. Ce qu’ils imaginent de la religion musulmane.
Source : Rue89 – L’Obs
2 commentaires sur “Couple mixte : ce qui ne passe pas, c’est la religion”
Merci madame , je suis chrétienne et mon conjoint musulman , nos differe.ce font notre force. … devoir affronter chaque jour quelques petit pique n’est pas si fatiguant mais ceux de nos proches nous détruisent. Vous me montrez 1vec ce texte que nous somm3s plusieurs 1 vivre ces situations.
Pas grave . Le principal c’est aimons et nous sommes aimer
Bonjour claire, je suis comme toi athée et mon conjoint est maghrébin et algerien. Premet moi de te tutoyé car ton histoire et si proche de la mienne que je me sens proche de toi. Le petit plus c’est que mon conjoint et en plus algerien et pas français. Maintenant ça fait 6 ans que nous Sommes ensemble et les soupçons de mariage blanc gravite autour de nous. Toutes ces phrases assassines sont très difficile à vivre. Je souhaiterais échanger avec toi un peu plus en privé si c’est possible. A bientôt j’espère ! Belle journée à toi.