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Une commune bretonne rend hommage à ses tirailleurs sénégalais

tirailleurs sénégalais

La salle des fêtes de Trévé (Côtes-d’Armor) est pleine à craquer: plus de 200 personnes honorent la mémoire des quelque 300 tirailleurs sénégalais qui, après avoir combattu pour la France, ont été détenus dans la commune fin 1944, échappant ainsi au massacre lors du retour de leurs camarades à Dakar.

Dans la salle où sont accrochés portraits et paroles d’anciens tirailleurs recueillies sur leurs vieux jours, des habitants revisitent leurs souvenirs d’enfance ou d’adolescence pour raconter leurs échanges chaleureux avec ces soldats africains, une présence insolite à l’époque dans cette commune rurale de 1.500 habitants où « nous n’avions jamais vu de Noirs ».

Le 11 novembre 1944, ces tirailleurs sont conduits à Trévé pour avoir refusé d’embarquer sur un navire britannique qui devait les ramener à Dakar avec plus d’un millier de leurs camarades, tant qu’ils n’auraient pas reçu le complément de solde qui leur était dû, après des mois de non-versement en raison de la guerre. Ils resteront prisonniers en Bretagne jusqu’en janvier 1945, sous la garde des FFI (Forces françaises de l’intérieur).

Une partie de ceux qui avaient embarqué contre la promesse de percevoir leur dû à l’arrivée à Dakar trouveront en revanche la mort sous des balles françaises, le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, après avoir osé réclamer justice. Bilan: au moins 35 morts de source officielle, peut-être 10 fois plus selon l’historienne Armelle Mabon, de l’Université de Bretagne Sud.

« En 1943, les Etats-Unis, qui pratiquaient la ségrégation, ont insisté pour que l’armée française soit « blanchie ». Les thèses raciales étaient institutionnalisées en Occident, et toute demande des indigènes était qualifiée de rébellion », explique l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, spécialiste de l’Afrique.

« Tous ces éléments ont facilité ce drame dans un contexte où les administrateurs coloniaux jouissaient d’une impunité totale ».

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Maintenir la mémoire

Associant dans un même souvenir le camp d’internement sur son territoire et la tragédie de Thiaroye, Trévé a renoué avec cette histoire au début des années 2000, à l’initiative d’Armelle Mabon. Des témoignages ont été recueillis, un livre a été édité et une stèle édifiée en 2011 sur l’emplacement de l’ancien camp.

Les dizaines de témoignages d’habitants ont convaincu le maire, Joseph Collet, que ces tirailleurs méritaient « une certaine reconnaissance » de la part de sa commune. « C’est un moyen de maintenir leur mémoire dans la commune », dit-il.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, près de 180.000 tirailleurs sénégalais ont été mobilisés, mais des dizaines de milliers d’entre eux ont été capturés lors de la débâcle de 1940 et sont restés détenus en France dans des Fronstalag, d’abord gardés par des militaires allemands, puis à partir de 1943 par des Français.

Certains s’évaderont et participeront aux combats de la Libération, notamment au débarquement de Provence, en août 1944. A l’automne 1944, une opération de « blanchiment » des troupes est menée sur ordre du général de Gaulle et des tirailleurs sont ramenés en Afrique sans avoir perçu leurs arriérés de solde.

L’été dernier, Trévé a accueilli pendant dix jours des jeunes Français, Allemands et Sénégalais qui ont réalisé un film sur la présence des tirailleurs dans cet ancien camp allemand.

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A l’initiative notamment de l’association « Les bistrots de l’histoire », un cinéaste et une photographe sont allés à Thiaroye au printemps. Leur travail, présenté à Trévé, donne la parole à des habitants de cette commune de la banlieue de Dakar. Selon ces derniers, pendant des années, « on trouvait des os d’humains dans le quartier » car les victimes auraient été ensevelies dans « des fosses communes ». « Ca devrait être un musée, c’est devenu un dépotoir », affirme l’un des témoins devant un terrain vague parsemé d’ordures.

A l’emplacement du camp de Thiaroye se dresse un lycée dont une élève avait fait le voyage jusqu’à Trévé:

« Cette histoire nous a beaucoup touchés. On donne beaucoup de versions sur ce massacre. Mais il faut avoir la véritable histoire et qu’elle soit connue dans le monde entier », a estimé Ndeye Safy Diedhiou.

 

Source : Le Point

 

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