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Chercheurs étrangers en France : carnets de galères administratives

Chercheurs étrangers en France : carnets de galères administratives

Ce sont deux témoignages précieux pour comprendre la longueur, la complexité et parfois l’absurdité des démarches administratives imposées aux étrangers pour obtenir un titre de séjour en France. Un étudiant sénégalais et un post doctorant américain ont tenu leur carnet de bord : plusieurs mois de coups de fil, de dizaines de photocopies, de longues files d’attente et d’allers-retours à la préfecture. Ces deux témoins ont un point commun : ils sont venus en France pour travailler dans la recherche.

Le témoignage de Mouhamadou el Hady Ba et de son amie, étudiants sénégalais

Tout étranger vivant en France a son lot d’histoires d’horreurs à raconter sur la préfecture ; il me semble que ce ne sont cependant là que des conséquences d’un système qui stresse autant les agents de la préfecture que les usagers étrangers.

Je vis en France depuis neuf ans. J’ai eu d’abord un titre de séjour étudiant puis, depuis deux ans maintenant, un titre de séjour scientifique.

 

Je suis Noir, de nationalité sénégalaise. Quelle que soit la date à laquelle je le reçois, mon titre de séjour est toujours antidaté du 1er janvier de l’année en cours et expire invariablement le 31 décembre de la même année. A titre indicatif, en 2011, j’ai récupéré mon titre de séjour le 18 août 2011 !

Au cours des années, j’ai appris à ne pas espérer déposer mon dossier avant trois visites, et à renoncer à recevoir mon titre de séjour avant mars. Cela a des conséquences concrètes sur ma vie professionnelle, puisque si je veux voyager hors de France, je dois éviter la première moitié de l’année sous peine de me retrouver bloqué à la frontière (cela m’est arrivé en janvier 2010 à Dakar).

Cette année, ma demande, « un petit miracle »

Pour mon titre de cette année, j’ai fait ma demande dès novembre, à la préfecture de l’Essonne à Evry – qui n’est pas la pire. Première visite à la préfecture le 15 novembre. Pour rien : après deux heures d’attente, j’apprends que le quota pour mon guichet est atteint. L’agent se refuse à confirmer ou à infirmer que les papiers dont je dispose sont suffisants pour déposer ma demande.

Ma deuxième visite à la préfecture, le 22 décembre, fut la bonne. J’arrive avec une amie en voiture : comme tous les étrangers, nous nous garons sur le bas-côté entre le parking et l’autoroute. Car le grand parking est limité à une heure et impossible, pour un étranger, de faire quoi que ce soit en moins d’une heure à la préfecture.

J’ai mon ticket pour le guichet de l’immigration professionnelle à 11h40. Vers 13 heures, les guichetiers partent déjeuner. Rien ne nous interdit de faire de même mais nous sommes tous conscients que s’ils reviennent et appellent notre numéro en notre absence, nous perdrions notre place et devrions recommencer un autre jour. Aucun des usagers ne se déplace donc.

Après six heures de queue et dix minutes d’entretien, j’ai mon récépissé à 15h15. Généralement, à la préfecture, tout le monde est à cran, guichetiers comme étrangers : il y a donc souvent des altercations. Certains guichetiers se permettent des remarques déplacées envers les étrangers : la dernière fois, en août, je me suis disputé avec la dame du guichet qui m’avait traité de menteur. Parfois, les guichetiers ne se privent pas de demander de nouveaux documents à la dernière minute. Bref, déposer sa demande de titre de séjour en n’étant allé à la préfecture d’Evry que deux fois est une sorte de petit miracle.

Le cas de mon amie sénégalaise ou comment dissuader les meilleurs

Je veux parler du cas de mon amie pour montrer comment la politique d’immigration actuelle conduit à sélectionner les plus décidés à rester en France plutôt que les étudiants les plus brillants. Connaissant depuis le lycée la personne dont je vais parler ici, je sais que la seule raison pour laquelle elle a renoncé à poursuivre sa thèse de droit en France (alors qu’elle avait un financement) est qu’elle ne voulait plus subir les mêmes tracasseries administratives.

Elle est donc arrivée en France avec le projet de faire un master professionnel en droit et de poursuivre en thèse de droit privé. Avant d’arriver en France, elle était sortie major de sa promotion de la meilleure faculté de droit du Sénégal, et avait fait un master II recherche en droit privé.

Comme toute primo-arrivante, elle avait deux mois pour se présenter à la préfecture et faire changer son visa long séjour contre un titre de séjour étudiant. Normalement, les mêmes papiers qui servent à la délivrance du visa, servent à la délivrance du premier titre de séjour.

Première visite à la préfecture

On lui explique qu’en plus du visa et des documents qu’elle avait, il lui fallait un justificatif de domicile i.e. (soit trois quittances de loyer ou trois quittances EDF), soit une attestation d’hébergement accompagnée des papiers d’identité du logeur. Passons sur l’impossibilité pour un primo-arrivant d’avoir trois quittances de loyer avant deux mois de séjour. Mon amie vivait chez son oncle qui lui fit une attestation d’hébergement avec les copies de ses papiers d’identité.

Deuxième visite à la préfecture

Elle arrive avec l’attestation d’hébergement et les papiers du logeur. On lui dit qu’il faut trois quittances de loyer ou trois quittances EDF au nom du logeur pour prouver qu’il habite bien là où il l’affirme

Troisième visite à la préfecture

Le logeur habitant un appartement de fonction des hôpitaux de Paris (APHP) n’a pas de quittance de loyer ou EDF, car il ne paie pas de loyer, ni l’EDF. En revanche, il leur donne son avis d’imposition avec son adresse et une lettre d’explication. La préfecture demande alors une attestation d’attribution du logement par l’APHP.

Quatrième visite à la préfecture

Elle arrive avec les documents demandés. La préfecture demande alors une lettre officielle des autorités de l’APHP autorisant l’occupant de l’appartement à accueillir une étrangère dans son appartement. A ce point, l’oncle excédé décide qu’il ne peut pas faire plus et qu’il ne rajoutera aucun document.

Cinquième visite à la préfecture

Mon amie désespérée dit à l’agent qu’elle n’a pas d’autre logement et que son oncle ne lui donnera pas plus de documents. L’agent lui répond que sans trois quittances de loyer ou d’EDF ou ne lettre officielle de l’APHP, mon amie devra rester sans papiers à ses risques et périls

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Sixième visite à la préfecture

En désespoir de cause, mon amie demande à une connaissance habitant Paris intra muros de lui faire une fausse attestation d’hébergement, avec le nombre réglementaire de quittances de loyer. Munie de cette attestation, elle part voir l’agent de la préfecture qui lui fabrique son titre de séjour.

Au terme de ce va-et-vient stressant, mon amie, juriste et extrêmement droite, décida qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec un pays dont l’administration l’obligeait à falsifier des documents. C’est uniquement pour cette raison qu’elle choisit de passer les six mois de stage obligatoires pour la validation de son master à Genève plutôt qu’en France. Quoique la Suisse ne fît pas partie de l’UE, elle obtint un titre de séjour pour la durée de son stage avant même de débarquer en Suisse. Après la validation de son master, il lui fut proposé de faire une thèse en droit privé à Paris-I Panthéon Sorbonne. Elle refusa et rentra à Dakar, où elle est actuellement avocate.

On peut trouver ridicule ou admirable que cette personne ait décidé de quitter la France à cause de tracasseries administratives, résolues de surcroît. Le fait est que certains ont du mal à accepter l’arbitraire total qui règne dans les préfectures françaises. Il y a une certaine insécurité dans l’incapacité où nous sommes de savoir d’une année sur l’autre si notre titre de séjour sera renouvelé. De plus, les exigences de la préfecture sont telles que les étrangers sont souvent contraints de commettre de petites ou grandes illégalités.

Une telle situation est insupportable à certaines personnes. Le problème, c’est que les personnes assez droites pour ne pas supporter de telles contraintes, et venant d’un milieu social assez favorisé pour pouvoir se permettre de rentrer chez elles si la France n’est pas à la hauteur de leurs attentes, sont souvent les mêmes personnes talentueuses et diplômées que la politique d’immigration française prétend vouloir favoriser.

Le témoignage de John Lain, post-doctorant américain

J’ai tenu le carnet de mes dix mois de démarches, de l’été 2010 à aujourd’hui. Après chaque démarche absurde, j’ai appris qu’il y avait une autre démarche absurde. Personne ne m’a jamais expliqué comment fonctionnait le processus. Il y a un manque de clarté, de logique, d’encadrement à chaque étape.

La chose qui fait que cette expérience n’est pas simplement fatigante mais sinistre est l’incertitude : il n’y a pas de moyens de savoir si une injonction ou un rendez-vous se déroulera comme prévu ou si les règles vont changer une fois sur place.

Résultat : vous ne savez jamais si vous aurez un document, si on vous refusera des soins de santé ou si on vous expulsera, ou bien si le tout est juste une blague que vous ne devriez pas vraiment prendre trop au sérieux.

Mes dix mois de galères
  • Juillet : passeport, certificat de naissance, CV, formulaire de renseignement, copies et scans au CNRS.
  • Août : RIB, diplômes, adresse aux USA, poste occupé au CNRS.
  • 10 septembre : passeport, certificat de naissance, convention d’accueil, attestation de l’employeur, poste occupé, copie du passeport au consulat français à Boston.
  • 17 septembre : visa et convention d’accueil au CNRS et dans mon laboratoire.
  • 20-30 septembre : impossible de répondre aux exigences de l’Etat

Je donne : la signature du contrat, le compte en banque, le numéro de téléphone, mon adresse au CNRS et dans mon laboratoire.

Pas de nouvelles pendant six semaines puis un e-mail du CNRS le 21 octobre demandant de toute urgence beaucoup de documents dur à obtenir (comme des traductions assermentées de documents américains) listés ci-dessus.

A ce stade, j’ai appris qu’il était logiquement impossible de répondre aux exigences que l’Etat français impose pour obtenir une carte de séjour. Le supposé visa de « long séjour » exige de faire une demande de carte de séjour dans les deux mois de notre arrivée. La demande exige un justificatif de domicile sous la forme de trois factures. Des factures qui, en France, sont envoyées une fois tous les deux mois. Trois factures multipliées par deux équivaut à six mois : une chose importante que l’Etat français ne se rend pas compte. Pour contourner la règle, il faut avoir une lettre d’un Français attestant que vous vivez avec lui et joindre ses justificatifs de domicile.

J’ai habité en France comme immigré illégal de décembre à avril. Heureusement, les contrôles douaniers ne s’appesantissent pas sur les passeports américains.

  • 8 novembre : certificat de naissance, traduction du certificat de naissance (50 euros), convention d’accueil, diplômes, traduction du diplôme (50 euros), passeport, visa (99 euros), timbre d’entrée pour le passeport, photo du passeport (5 euros), bail de mon hôte, assurance de mon hôte, RIB de mon hôte, lettre d’hébergement de mon hôte, scans des factures d’électricité au CNRS.
  • 10 novembre : encore des documents

Je suis allé à Ivry suite à la demande du CNRS pour qu’ils examinent les originaux de tous les documents donnés le 8 novembre. Après mon départ, mon contact au CNRS m’a appelé pour me dire qu’elle avait oublié de me réclamer d’autres documents nécessaires en me demandant de revenir le jour d’après. J’ai décliné et envoyé les documents par e-mail à la place.

Pourquoi je n’aurais pas pu envoyer les documents par mail la première fois ? Pourquoi c’est nécessaire pour le CNRS de voir les originaux de mon diplôme alors que je les ai traduits par un traducteur assermenté, envoyés deux fois à l’Etat, avec une lettre de mon tuteur de thèse qui atteste de mon parcours, etc. ? Tout cela est inefficace et vraiment insultant.

  • 10-24 novembre : mes hôtes se querellent avec le CNRS pour savoir si leur assurance et bail sont appropriés.
  • Novembre-février : pas de nouvelles pendant trois mois.
  • 25 février : un e-mail pour me dire que je peux récupérer mon récépissé à la préfecture, mais que je dois apporter une photo pour mon passeport (déjà donné au consulat et au CNRS), les documents de mes hôtes (déjà donnés au CNRS) et la description de mon poste (déjà donnée au consulat français et au CNRS).
  • Premières semaines de mars :  j’ai tenté de clarifier, avec mes collègues du CNRS, quels documents j’avais besoin d’apporter, à quelle préfecture je devais me rendre, etc.
  • Dernière semaine de mars : première visite à la préfecture
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J’ai attendu quarante minutes le mauvais bureau au rez-de-chaussé, puis je suis monté à l’étage, on m’a renvoyé à plusieurs reprises dans des bureaux différents, avant de trouver le bon. Arrivé devant, il était fermé et je suis donc rentré chez moi.

  • 13 avril : deuxième visite à la préfecture

On me demande des papiers que j’ai déjà donnés au consulat français et deux fois au CNRS. A la fin, on me dit que je dois aller chercher ma carte de séjour fin mai, avec l’instruction d’amener plus de documents. L’homme de la préfecture me précise que je ne devrais pas quitter le pays avant d’avoir ma carte de séjour en main. C’était un peu problématique parce que j’avais déjà mes billets d’avion pour les Etats-Unis le lendemain, le Danemark fin mai et l’Espagne en juin – pour raisons professionnelles. Je lui pose la question. Sa réponse :

« Disons que vous verrez bien ce qu’il va se passer. »

  • 13 avril : je fais le point sur les documents manquants. Il y a des certificats médicaux de l’Anaem dont je n’ai jamais entendu parler et un papier certifiant que j’ai payé une taxe OMI/Anaem dont personne ne m’a informé.
  • 21 avril : j’apprends en contactant le bureau d’Accueil de chercheurs étrangers que mon rendez-vous médical devrait être programmé par l’OFII et qu’ils devraient prendre contact avec moi.
  • 10 mai : pas de nouvelles de l’OFII. j’appelle le bureau pour essayer de deviner ce qu’il se passe, je suis redirigé plusieurs fois vers des bureaux différents. Je parle finalement à quelqu’un qui me confirme que mon nom est dans le système et qu’ils devraient envoyer un message au CNRS quand mon rendez-vous sera programmé.
  • 25 mai : lettre de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) me convoquant à leur bureau pour un rendez-vous le 6 juin à 8h30. Ils me demandent d’apporter mon passeport et plusieurs documents qui sont logiquement impossible pour moi d’avoir – compte-rendu d’hospitalisation, carnet de vaccination, radio pulmonaires etc.

Notons que je suis en France depuis huit mois, sans avoir encore eu accès aux soins.

  •  6 juin : j’arrive à mon rendez-vous à 8h30. Je trouve le bureau de l’OFII fermé avec une rangée d’immigrés le long de la rue de la Roquette. A 8h50, ils ouvrent le bureau. On m’envoie à l’étage dans une grande salle d’attente. On me fait une radio, j’ai une courte discussion avec le docteur que je ne comprends pas vraiment, paie 340 euros et je reçois ma carte de séjour. Elle expire en octobre, quatre mois après que je l’ai reçu.
  • 7 juillet : je vais au centre de la sécurité sociale dans l’après-midi pour enregistrer mon assurance, neuf mois et demi après être arrivé à Paris. Le bureau ferme à midi le jeudi. Je rentre chez moi.
  • 8 juillet : l’Etat me vole et me bloque

Je retourne au centre de sécurité sociale. Le CNRS m’a envoyé auparavant une lettre pour m’expliquer quels documents je devais apporter pour m’enregistrer. Peu amicale, la dame du bureau me demande tous les documents listés par le CNRS plus d’autres choses que le CNRS n’a pas mentionné, jusqu’à ce qu’elle trouve quelque chose que je n’ai pas. Finalement, elle me renvoie. Je retourne chez moi, toujours sans assurance maladie et sans numéro de sécurité sociale.

Jusqu’à maintenant, j’avais pensé que ce type de comportement résultait de méchanceté et d’incompétence de la part d’employés de l’Etat français. C’est en quelque sorte, l’interprétation charitable. Je n’y crois plus. Il n’y a pas d’interprétation charitable. L’Etat français me bloque délibérément et systématiquement dans l’obtention des droits et avantages garantis par ses propres lois et par le contrat signé avec le CNRS. Ils me volent aussi, en déduisant de l’argent de ma paie pour des services qu’ils comptent clairement pas me donner.

  • 8 juillet : dans un excès de dépit, je décide que je ne rentrerai pas en France après mes vacances d’été si je n’ai toujours pas d’assurance maladie. Mon employeur écrit à plusieurs administrateurs du CNRS pour se plaindre de mon traitement et demander une solution. Le directeur des ressources humaines est d’accord pour envoyer quelqu’un au centre de sécurité sociale la semaine d’après, pour tenter de clarifier pourquoi deux agences n’ont pas les mêmes listes de pré-requis pour l’inscription et afin de trouver une solution pour mon cas particulier. J’envoie tous les documents scannés aux ressources humaines du CNRS.
  • 12 juillet : Je reçois un e-mail des ressources humaines du CNRS me demandant de passer au quartier général mercredi matin pour donner un original de mon RIB. Réprimant tantôt l’envie de rire, tantôt l’envie de pleurer, je réponds que je ne peux pas me déplacer mercredi matin car je travaille et je propose d’envoyer à la place un scan de mon RIB. Le CNRS répond que ça devrait probablement suffire.
  • 13 juillet : le CNRS m’écrit pour m’informer que ma situation va être régularisée et que je devrais recevoir un numéro bientôt.
  • 7 septembre : je reçois mon numéro provisoire. On me dit que je devrais avoir ma carte vitale dans plusieurs mois.
  • Début août : je me prépare à nouveau à refaire une carte de séjour, qui expire en octobre. Je reçois un nouveau contrat et ma convention d’accueil.
  • 16 septembre : je me rends au CNRS, une fois de plus, pour leur fournir les copies des documents donnés l’année dernière afin qu’ils les envoient à la préfecture, et je remplis les mêmes formulaires que j’ai rempli l’année dernière.
  • 17 septembre : je reçois un e-mail du CNRS pour me dire que les documents remplis à l’encre bleue sont censés être remplis à l’encre noire et que je dois revenir sur place pour remédier au problème.
  • 25 octobre : ma carte de séjour expire, ce qui fait de moi un immigré illégal – à nouveau.
  • Début février : toujours pas de nouvelles de la préfecture après cinq mois.
  • 29 février : la préfecture envoie le récépissé au CNRS, daté du 14 février.

Source : Rue89

 

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