Quelque 15 000 à 20 000 tirailleurs sénégalais ont participé au débarquement de Provence, il y a 80 ans. Des lycéens de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, dont certains participent aux commémorations jeudi, regrettent la manière dont celui-ci leur est enseigné.
« Au Sénégal, on parle très rarement du Débarquement de Provence », regrette Ibrahima. Installés dans une salle, neuf lycéens de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, dont certains participent, jeudi 15 août, aux commémorations des 80 ans du Débarquement de Provence, mettent en commun ce qu’ils ont découvert ces dernières semaines sur la journée du 15 août 1944.
De nombreux chefs d’État africains sont attendus à ces commémorations. Parmi les 250 000 soldats de la France qui y ont participé, la grande majorité venait de l’armée d’Afrique, avec notamment 15 000 à 20 000 tirailleurs sénégalais. Pourtant, comme l’explique Ibrahima en classe de seconde. « On a interrogé beaucoup de tirailleurs sénégalais, beaucoup d’anciens combattants, même au musée des forces militaires, ils n’ont rien dit du Débarquement de Provence. Et à l’école non plus, on n’apprend pas le Débarquement de Provence », dit-il.
« Nous enseignons le Débarquement, mais pas en relation avec les Tirailleurs »
C’est d’ailleurs pour pallier cette absence et surtout la lecture coloniale de l’événement des programmes scolaires que Dienaba Sarr s’investit. Cette professeure de français a créé le groupe de recherche auquel participent les lycéens. « C’est ce programme-là que j’ai étudié : la Seconde Guerre mondiale. Et c’est ce programme-là qui continue à être enseigné et de la même manière », explique Dienaba Sarr. « Ça veut dire que même avec les avancées, nous continuons d’enseigner le programme tel que voulu par les Français aux Sénégalais. Ce que ce débarquement a permis à la France, comment ça s’est passé, mais pas en relation avec les tirailleurs », regrette cette enseignante.
Un manque de reconnaissance pour ceux qui les ont précédés et ont parfois donné leur vie qui choque Mamadou, élève de Terminal. « C’est un sentiment de malheur, de frustration. C’est triste en quelque sorte que les tirailleurs ont participé au débarquement de Provence et nous, nous ne sommes pas au courant », explique-t-il.
« Nous tenons vraiment à la réécriture de l’histoire »
Sur les neuf lycéens, cinq participent le 15 août aux cérémonies en France, parmi eux Sokhana. « Je pense que ça va nous permettre de connaître un peu mieux notre histoire. J’ai prévu de visiter quelques endroits où étaient les tirailleurs sénégalais, les Africains, pour mieux vivre le moment », raconte-elle. Ibrahima est aussi du voyage et il espère bien rencontrer des lycéens du sud de la France : « Nous souhaitons vraiment nous rendre dans ces lieux pour savoir ce qu’ils ont compris, et nous allons échanger là-dessus pour voir la meilleure version. Nous tenons vraiment à la réécriture de l’histoire ». Une réécriture de l’histoire pour en faire leur histoire, c’est l’objectif de ces lycéens qui ont déjà prévu de faire découvrir cet épisode méconnu à leurs camarades dès la rentrée.
Un reportage de Gwendal Lavina, édité par Diane Warin.