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Moi, maman noire et… invisible

Moi, maman noire et… invisible

Je voulais écrire le livre que j’aurais aimé lire quand je suis tombée enceinte.

Celui qui aurait pris en compte mes particularités en tant que femme noire: mes cheveux, ma peau, mon corps, mon bébé noir et français. Je pensais bêtement qu’après plus d’une centaine d’années de présence en France, les livres sur la grossesse et la maternité (à défaut des magazines et des médias) seraient inclusifs. Un exemple tout bête: comment s’occuper des vergetures quand on a la peau foncée? J’avoue n’avoir rien trouvé… Peut-être ai-je mal cherché, je ne sais pas. J’ai été très frustrée, déçue et triste aussi.

On m’a souvent dit que la grossesse et la maternité étaient des événements qui se vivaient de la même façon que l’on soit une femme noire ou une femme blanche, élever un enfant aussi -et cela j’en conviens, je n’ai aucun doute là-dessus. Mais je me suis posée énormément de questions lors de ma grossesse et, depuis la naissance de mon fils, je ne cesse de m’en poser encore: que ce soit autour de la construction de son identité, de son développement personnel et des questions sur moi-même et ma capacité à élever mon fils dans un monde blanc.

Je n’y avais jamais pensé. Avant de tomber enceinte, à aucun moment je ne me suis demandée comment j’allais faire. Le racisme, la xénophobie, l’islamophobie envers moi? J’ai grandi dedans, je les ai vécus et je les vis toujours aujourd’hui: qu’importe après tout, on n’y peut rien. Et un lundi d’octobre 2010, vers midi, la sage-femme a posé sur moi ce petit bout de vie qui a fait basculer mon monde. À travers moi, il est le fruit d’une histoire bien plus grande que celle qui nous a réunis, nous, ses parents. Il est la continuité, il est lui et il est noir aussi.

Je suis maman, responsable du devenir de mon petit bout d’homme, responsable matériellement (et qu’est-ce que ça coûte!) mais aussi, et surtout, responsable des valeurs que je lui transmets. Alors voilà, il va arriver un moment où je devrais expliquer à mon fils pourquoi il va galérer à l’école, pour trouver du travail, un appart, ou pourquoi il va subir des contrôles au faciès. Tout comme la plupart des personnes noires de son entourage, en somme.

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Depuis quelque temps, le climat ne cesse malheureusement de se dégrader. C’est un racisme décomplexé de la part de nos dirigeants, des médias qui donnent envie de vomir tant leur façon de traiter les sujets qui fâchent est clairement orientée. La France est mon pays: je suis noire et je le vis très bien, merci. La France est aussi le pays de personnes aux origines autant diverses que variées et qui le vivent très bien, elles aussi.

Nul besoin de nous parler d’intégration, ou d’assimilation: j’aime ce pays comme j’aime le pays de mes origines. Aucune incompatibilité. Je suis un mix de deux cultures qui sont toutes les deux importantes à mes yeux, je ne cherche pas à rejeter ou à privilégier l’une ou l’autre, les deux sont conciliables. Je n’ai pas envie que mon fils soit vu et traité comme un citoyen de seconde zone.

C’est le racisme dont mon fils pourrait faire l’objet qui me fait très peur. Je ne pourrais pas lui éviter les peines, les frustrations de la vie mais la question du racisme et des discriminations reste à mes yeux quelque chose d’inévitable et ça me peine. Nous sommes au XXIe siècle et toutes les luttes pour plus d’égalité ont certes fait avancer les choses mais la parole de celui qui vit le racisme est bien trop souvent remise en question.

Comment vais-je l’aider à réagir face à ce type de comportement ? (…)

J’ai grandi avec des personnes d’origines et de confessions différentes: Ivoiriens, Maliens, Marocains, Algériens, Vietnamiens, Chinois, musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, etc. Pour moi, la « diversité » est une force. J’ai appris, j’ai partagé, j’ai aimé être aux contacts de gens différents. Cela m’a aidé à briser mes propres idées reçues, mais aussi à être celle que je suis aujourd’hui.

Je ne veux pas que mon fils ou mes nièces subissent une quelconque discrimination du fait de leur couleur de peau ou de leur sexe, mais j’aurai beau prier pour que cela n’arrive pas, cela arrivera, je le sais. Être rejeté de la sorte, je vous jure que ça fait mal, très mal. C’est pourquoi je veux leur apprendre à démonter intelligemment un discours raciste, je veux leur apprendre à recouper des sources et montrer les faits, rien que les faits. Je veux qu’ils soient capables de prendre du recul pour mieux rebondir. Je veux qu’ils soient forts et qu’ils puissent avoir autant que possible l’aide dont ils pourraient avoir besoin pour surmonter les difficultés. Si l’apprentissage de l’égalité homme/femme doit commencer à l’école, je crois que parler de tolérance, de diversité, de races (même si le mot n’est plus dans la Constitution et que biologiquement il n’existe qu’une seule race, la race humaine, je parle ici de racisation dans le sens où, sociologiquement, le groupe auquel j’appartiens subit des discriminations du fait de critères socialement construits), parler du respect de l’autre quelle que soit sa couleur de peau, son origine devrait également en faire partie.

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Certains diront que j’exagère, d’autres encore ne seront pas du tout d’accord. J’accepte toutes les critiques. Mais je vous demande de me dire si vous avez déjà eu plusieurs professeures noires pendant votre parcours scolaire, avez vous déjà eu une patronne, une supérieure femme et noire? Connaissez-vous beaucoup de femmes noires qui ne soient pas nounous, femmes de ménages, etc. Connaissez-vous plusieurs chanteuses, artistes, écrivaines, romancières noires? Pouvez-vous citer plus de cinq actrices noires françaises? Connaissez-vous plusieurs journalistes, ou mêmes de présentatrices télé? En plus d’être sous-représentées partout, nous faisons l’objet de clichés racistes offensants, dégradants et discriminants.

Si vous n’avez pas réussi à répondre à ces questions, posez-vous cette dernière question: où sont-elles? Le constat est sans appel: les femmes noires sont invisibles en France. Il est temps pour nous, femmes noires, de se réapproprier la narration autour de nos vécus, de proposer et d’imposer nos propres espaces.

 

Diariatou Kebe

Blogueuse sur Clumsy.fr et auteure du livre « Maman noire et invisible, grossesse, maternité et réflexion d’une maman noire dans un monde blanc »

Maman noire

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– Cultura : http://www.cultura.com/maman-noire-et-invisible-9782875571946.html
– Et il est disponible dans les librairies ou il faut demander à ce qu’il soit commandé !

 

 

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