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La crise, vue d’un salon africain : « Les gens se coiffent tout seuls »

La crise, vue d’un salon africain : « Les gens se coiffent tout seuls »

Moins elle a de clients, plus Evelyne regarde « Taxi » dans son petit salon de coiffure, rue Myrha (quartier Château Rouge) à Paris. Le salon se trouve en face du restaurant Delicious Mauritius et non loin du Diplomat Bar, qui n’est plus que « Le Dip Bar » à cause des ampoules cassées de l’enseigne.

Dans l’établissement d’Evelyne, des guirlandes colorées en plastique pendent à ses fenêtres, le poster froissé d’un mannequin coiffé d’un haut chignon est placardé au mur, et quelques miroirs sans cadre ont été négligemment posés sur une étagère en contre-plaqué.

Ce matin, Evelyne n’a pas de client, et aucun rendez-vous prévu pour l’après-midi. C’est une journée très calme : on est mardi, et il pleut des cordes. D’autres raisons expliquent l’absence de clients : depuis quelques années, la demande de coiffures africaines a baissé. Evelyne a plus de temps libre qu’elle n’aimerait pour regarder des films et se coiffer elle-même.

Un bon début à Paris

La jeune femme a émigré du Cameroun à Paris en 2002, à l’âge de 22 ans. «  Je n’ai pas rêvé de venir à Paris, je suis venue parce que je n’avais pas d’autres options. Pas d’autres vrais choix  ». Ses premières années dans la capitale françaises ont été très lucratives.

Elle a commencé à coiffer les cheveux d’autres Africains, les faisant payer 50 euros pour des coupes qui pouvaient prendre plusieurs heures. Elle gardait une partie des ses revenus pour elle et devait donner le reste au patron du salon sénégalais où elle travaillait.

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Pendant ses premières années en France, elle gagnait assez d’argent pour en envoyer une partie à sa famille au Cameroun. Grâce à ces versements, ses parents, tout deux fermiers, n’ont plus eu à s’inquiéter pour la nourriture. Ils ont même pu acheter parfois de la viande, un luxe autrement inaccessible.

« Il vaut mieux faire payer moins et être occupée »

Il n’y a jamais eu autant d’Africains à Paris, mais ils vont de moins en moins souvent dans les salons pour se faire coiffer, dit Evelyne :

«  Avec la crise, les gens se coiffent les cheveux tout seuls. Ou au lieu de venir une fois tous les deux mois, ils ne viennent que deux fois par an, ou pour des occasions spéciales. »

Non seulement les Africains de Paris vont moins souvent chez le coiffeur, mais ils veulent aussi moins payer pour une coupe de cheveux. Le salon d’Evelyne propose maintenant des coupes à 20 euros au lieu de 50. Tous les coiffeurs des environs ont ainsi cassé leurs prix.

« Si on continuait à faire payer 50 euros, les gens ne viendraient simplement plus. »

Elle accroche sa dernière natte avec une barrette et continue.

«  Il vaut mieux être occupée et faire payer moins que ne rien faire de la journée dans un salon vide. »

Actuellement, elle n’envoie de l’argent dans son pays qu’en cas d’urgence, comme lorsque quand sa mère est tombée malade, récemment. Evelyne ne se fait pas de souci pour ses parents :

«  Ils ont l’habitude de souffrir là-bas. Ils sont bons pour ça, ils savent faire.  »

 

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Source : L’Obs

 

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