La capitale girondine, qui a prospéré sur la traite d’esclaves aux XVIIe et XVIIIe siècles, entend poursuivre aujourd’hui avec cet établissement son effort de mémoire entamé il y a une dizaine d’années.
Si l’on s’en tient à la feuille de route, ce lieu devra «porter sur les esclavages de notre modernité, du XVe siècle à aujourd’hui».
Et explorer de façon pédagogique «les liens entre mémoire des esclavages et discriminations raciales contemporaines» et être ouvert à des évènements artistiques. Des dangers (et parfois des excès) de regarder le passé avec nos yeux d’aujourd’hui n’est apparemment pas, ou pas encore, dans le cahier des charges fixé par la mairie de Bordeaux.
Avec l’association Mémoires et Partages, la municipalité a lancé lundi 9 mai une mission visant à créer un «centre de ressources contre les esclavages et pour l’égalité» dans cette ville symbole de la traite négrière et du commerce triangulaire, afin de «réconcilier l’histoire et la mémoire» selon l’expression de Daniel Flaharty, médecin généraliste et vice-président de l’association.
Une mission d’une trentaine de membres (associatifs, politiques, membres de la société civile, etc.) a été constituée qui devra, à l’horizon d’un an, «imaginer les conditions de réalisation de ce futur centre» dont le lieu d’implantation et les sources de financement ne sont pas encore connus.
«À Bordeaux, l’espace public ne donne pas assez de place à ce passé» esclavagiste, a plaidé le vice-président de Mémoires et Partages, Daniel Flaharty. Son président Patrick Serres a souhaité que cette maison devienne «un lieu d’éducation populaire».
Des «journées de la mémoire» en association avec Bristol
La ville de Bordeaux inaugure mardi 10 mai, jour de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de ses abolitions, ses «journées de la mémoire» (10-23 mai).
Des manifestations «en faveur d’un faire mémoire collectif dans l’espace public» auxquelles la ville de Bristol, qui fut le deuxième port négrier de Grande-Bretagne selon la mairie de Bordeaux, est associée. Une statue de marchand d’esclaves avait été déboulonnée par des manifestants en 2020 dans cette cité jumelée à Bordeaux.
Bordeaux, qui a entamé son effort de mémoire sur l’esclavage il y a une dizaine d’années, va continuer à poser des plaques explicatives à côté des plaques de rue portant les noms de personnes «impliquées dans la traite et l’esclavage».
Deux plaques seront ainsi posées rue Colbert, ancien ministre de Louis XIV et initiateur du Code noir, ordonnance royale qui légifère notamment sur la condition des esclaves dans les colonies françaises des Caraïbes et du sud de l’Amérique.
Comme Nantes ou La Rochelle, la capitale girondine a prospéré sur la traite d’esclaves, avec 508 expéditions négrières, mais aussi le négoce lucratif de denrées coloniales produites par les esclaves.
De 1672 à 1837, 120.000 à 150.000 esclaves africains ont été déportés vers les Amériques par des armateurs bordelais.