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Diverses Syllabes: une maison d’édition pour les femmes racisées

Depuis plusieurs années, Madioula Kébé-Kamara caressait le rêve de fonder une maison d’édition dans laquelle elle se reconnaîtrait et qui correspondrait à ses valeurs. Elle s’apprête à réaliser ce rêve avec Diverses Syllabes, qui publiera essentiellement les œuvres d’autrices racisées et de minorités de genre.

«L’idée de ce projet, je la porte en moi depuis plusieurs années», raconte l’éditrice d’origine sénégalaise qui a grandi en France. À l’époque, elle travaillait dans le milieu bancaire, mais sa passion pour la littérature était déjà bien vivante.

Après son arrivée au Québec et la naissance de son deuxième enfant, elle a fait le grand saut: elle s’est inscrite à l’UQAM en littérature avec une concentration en études féministes.

Elle envisageait concrétiser son projet de maison d’édition à la fin de ses études, quand ses enfants auraient grandi. Mais le meurtre de George Floyd et la recrudescence du mouvement Black Lives Matter (BLM), suivi d’une nouvelle vague de dénonciation d’inconduites sexuelles dans les milieux artistiques et littéraires, ont précipité les choses.

«Le contexte m’a vraiment poussé. Je ne pouvais plus me dire : “Ce serait bien si…”», raconte Madioula Kébé-Kamara en entrevue.

L’éditrice a voulu poser un geste concret pour donner une voix aux personnes racisées et aux minorités de genre. «Je pense à mes enfants qui, un jour, me demanderont : “Qu’est-ce que tu as fait pour changer les choses?” Comment leur répondre? Et bien, j’ai fait quelque chose!» dit-elle en échappant un rire.

«Je ne suis pas dans le négatif, je ne pointe personne du doigt. Je suis là pour créer du positif.» -Madioula Kébé-Kamara

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Sa motivation est inébranlable: «Je ne sais pas si je m’y prends de la bonne manière, mais en tout cas je n’ai pas peur et je ne doute pas. La vie est trop courte pour se poser trop de questions. Souvent, en tant que femme, on a peur et on doute.»

Un besoin criant
Il faut dire que le besoin de créer une maison d’édition féministes, queer et intersectionnelle était criant, a-t-elle constaté en discutant avec plusieurs femmes du milieu littéraire.

«Les discussions étaient tellement riches et constructives», s’enthousiasme-t-elle. Il en est notamment ressorti que les personnes racisées et les minorités de genre manquaient de lieux pour s’exprimer.

Bien sûr, des auteurs de la diversité ont une tribune et du succès au Québec, souligne-t-elle en citant les noms de Dany Laferrière, Naomi Fontaine et Natasha Kanapé Fontaine.

«Le problème, c’est le pourcentage. Dans tous les livres sortis l’année dernière, combien ont été écrit par des personnes racisées ou des minorités de genre? Pas beaucoup.» -Madioula Kébé-Kamara

Ce constat, partagé par ses consœurs, a poussé l’étudiante à la maîtrise en création littéraire à concrétiser son projet. «J’ai reçu un élan de sympathie formidable. Je me suis rendu compte que c’était très attendu, finalement!» se réjouit-elle.

Valeurs
Tant qu’à fonder une maison d’édition par et pour les minorités, aussi bien préconiser des valeurs basées sur le respect et la bienveillance. De ses discussions avec la communauté littéraire, la précarité et la faible rémunération des écrivains ont été plusieurs fois déplorés.

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C’est pourquoi Diverses Syllabes s’engage à donner 1000$ aux autrices dès la signature de leur contrat et à les rémunérer au double du pourcentage de droits d’auteurs. «Pour nous, ce n’est pas une condition, c’est la base.»

«C’est ce qui fait que mon projet est complet, ajoute Madioula Kébé-Kamara. C’est une entreprise qui pense au monde d’après.»

Sociofinancement
En plus de prendre diverses mesures afin de réduire les coûts de fonctionnement de la maison d’édition, Diverses Syllabes a lancé une campagne de sociofinancement avec l’objectif d’amasser 60 000$.

Près de 7000$ ont été obtenus au moment d’écrire ces lignes.

«C’est pour bien rémunérer les auteurs et autrices, mais surtout, c’est pour nous permettre d’être indépendant pendant deux ans», précise l’éditrice, qui compte sur la sensibilisation de la population pour recueillir des dons.

«Les gens ont envie de poser des actions», souligne-t-elle.

Diverses Syllabes n’attendra pas d’avoir atteint son objectif complet pour annoncer son premier titre, ce qui sera fait ultérieurement. Un indice: ce sera un ouvrage de fiction, révèle Madioula Kébé-Kamara. «Je veux pas trop en dire!» lance-t-elle en riant.

Ce premier livre sortira en librairie au courant de la prochaine année. «Il sera assurément publié avant le 12 août, pour la journée J’achète un livre québécois», ajoute-t-elle.

Madioula Kébé-Kamara se réjouit de l’enthousiasme généré jusqu’à présent par son projet: «On est très soutenues par les femmes du milieu littéraire québécois: des éditrices, des journalistes, des écrivaines… L’accueil est merveilleux, parce qu’elles savent que c’est une vitrine nécessaire.»

Avec JournalMetro

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