Les Etats-Unis ont remporté vendredi à Londres une victoire d’étape importante dans leur bataille pour obtenir l’extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, la Haute Cour annulant une décision de première instance qui s’y opposait.
La Cour « autorise l’appel » formé par les Etats-Unis contre la décision de première instance, a déclaré le juge Tim Holroyde. La justice britannique devra donc de nouveau statuer sur la demande d’extradition américaine. Et en cas de feu vert des juges, la décision finale d’extradition reviendrait au gouvernement.
Les hauts magistrats britanniques sont ainsi revenus sur la décision initiale de la juge Vanessa Baraitser, qui il y a près d’un an s’était opposée à la remise aux autorités américaines de l’Australien âgé de 50 ans, invoquant le risque de suicide du fondateur de WikiLeaks s’il était incarcéré aux Etats-Unis.
Dans sa décision vendredi, la Cour a estimé que les Etats-Unis avaient fourni des assurances répondant aux inquiétudes qui avaient conduit la juge de première instance à bloquer l’extradition.
Face à la presse devant la Haute Cour, la compagne de Julian Assange, Stella Moris, a dénoncé le « cynisme » d’une telle décision, durant la journée internationale des droits de l’homme.
« Julian a révélé les crimes de la CIA, les tortures de la CIA », a-t-elle déclaré, « comment peuvent-ils accepter une extradition vers le pays qui a comploté pour tuer Julian (…) à cause de ce qu’il a publié? », a-t-elle poursuivi, décrivant son compagnon comme un représentant de « toutes nos libertés et tous nos droits ».
Dans un contexte de tensions croissantes avec les pays occidentaux, qui craignent une invasion russe en Ukraine, la diplomatie russe a jugé « honteuse » la décision rendue à Londres, y voyant « une nouvelle illustration de la vision du monde cannibale du tandem anglo-saxon ».
Les États-Unis reprochent à Julian Assange d’avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.
Poursuivi notamment pour espionnage, il risque jusqu’à 175 ans de prison dans une affaire qui représente, selon ses soutiens, une attaque gravissime contre la liberté de la presse.
Incarcéré dans une prison de haute sécurité près de Londres depuis deux ans et demi, Julian Assange avait été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans dans l’ambassade londonienne de l’Equateur où il s’était réfugié alors qu’il était en liberté sous caution.
Il craignait alors une extradition vers les États-Unis, ou la Suède où il faisait l’objet de poursuites pour viol depuis abandonnées.
« Alcatraz des Rocheuses »
Lors de l’audience en appel au sujet de son extradition, qui s’est tenue sur deux jours fin octobre, les États-Unis ont cherché à rassurer sur le traitement qui serait réservé au fondateur de WikiLeaks.
Les Etats-Unis ont assuré que qu’il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence, dans le Colorado, surnommée l’ »Alcatraz des Rocheuses », où sont notamment détenus à l’isolement quasi-total des membres d’Al-Qaïda.
La justice américaine s’assurerait que le fondateur de WikiLeaks reçoive les soins cliniques et psychologiques nécessaires et qu’il puisse demander à purger sa peine en Australie.
Les hauts magistrats britanniques ont souligné que les assurances fournies par les Etats-Unis sont des « engagements solennels proposés par un gouvernement à un autre », selon un résumé de leur décision.
L’avocat de Julian Assange, Edward Fitzgerald, avait quant à lui rétorqué que les assurances américaines ne changent rien et que subsiste « un grand risque de suicide, quelles que soient les mesures » qui seraient prises.
Le mois dernier, Stella Moris, avec laquelle Julian Assange a eu deux enfants lorsqu’il était reclus à l’ambassade d’Equateur, a annoncé que le couple avait reçu l’autorisation de se marier à la prison de Belmarsh où l’Australien est détenu.
Il a également reçu le soutien d’une quarantaine de députés français de tous bords qui ont plaidé pour que Julian Assange puisse bénéficier de l’asile politique en France.
Moscou dénonce l’annulation «honteuse» du refus d’extrader Assange
La Russie a dénoncé vendredi 10 décembre la décision de la justice britannique d’annuler en appel le refus d’extrader vers les États-Unis le fondateur de Wikileaks Julian Assange, que Washington veut juger pour une fuite massive de documents.
«Cette décision honteuse dans une affaire politique contre un journaliste et une personnalité publique est une nouvelle illustration de la vision du monde cannibale du tandem anglo-saxon», a affirmé la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, sur son compte Telegram. «L’Occident a fêté dignement la Journée internationale des droits humains (le 10 décembre, NDLR) et la fin du “Sommet pour la démocratie”», a-t-elle ironisé, en référence à un sommet virtuel organisé par le président américain Joe Biden qui s’achève vendredi.
Moscou prend régulièrement la défense de Julian Assange, qu’elle présente comme un champion de la liberté de la presse. Les États-Unis lui reprochent d’avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.
En 2016, à un moment clé de la campagne présidentielle américaine, Wikileaks avait également publié des milliers de courriels piratés de l’équipe de la candidate démocrate Hillary Clinton, ce qui a contribué à sa défaite face à Donald Trump. Cet épisode a alimenté les soupçons de collusion entre Moscou et Julian Assange, qui a par ailleurs collaboré régulièrement avec la chaîne de télévision RT, propriété du Kremlin.