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Installé dans le Cantal depuis 2019, Moussa Dione sommé de quitter le territoire après un banal contrôle routier

Installé dans le Cantal depuis 2019, Moussa Dione sommé de quitter le territoire après un banal contrôle routier

Installé dans le Cantal depuis l’automne 2019, Moussa Dione, un footballeur sénégalais qui évolue à Ytrac, se voit contraint de quitter le territoire français. Après un banal contrôle routier, la préfecture met en avant un défaut de titre de séjour. Ses proches se mobilisent pour faire valoir sa bonne foi.

Un banal contrôle routier, dimanche 2 mai sur la RN122 et c’est toute une vie qui bascule. Footballeur à Ytrac, où il évolue depuis l’automne 2019, Moussa Dione, 26 ans, s’est retrouvé en quelques instants du statut de jeune homme installé et intégré dans le Cantal, où il pensait être en règle, selon son entourage ; à celui d’immigré clandestin, coupable de fraude administrative et de travail illégal, selon l’administration française.

Colère et incompréhension chez les soutiens du joueur
C’est un coup de tonnerre dans le petit monde du football ytracois et plus largement dans l’entourage qu’il s’est créé depuis plus d’un an demi. A la date de ce vendredi 7 mai, le Sénégalais est ainsi sous le coup d’une « obligation de quitter le territoire français » (OQTF) prononcée le 3 mai, et « assortie d’une interdiction de retour de trois ans et d’une mesure d’assignation à résidence dans l’attente de son départ effectif » (IRTF), selon des éléments transmis par la préfecture, sollicitée par La Montagne.

Son entourage, d’abord sonné, est partagé entre colère, stupéfaction et incompréhension, au premier rang desquels le vice-président du club de foot d’Ytrac, David Delmas.

Un contrôle de routine qui conduit à une interpellation
Le dimanche 2 mai, en fin de journée, Moussa Dione est alors en voiture avec un ami et revient d’un séjour à Clermont quand la brigade motorisée de gendarmerie contrôle le véhicule où il se trouve pour vérifier les attestations de déplacement nécessaires en cette période de Covid. Attestation qu’il ne peut présenter, précise la préfecture.

Les gendarmes ont trouvé que le titre de séjour avait expiré. De là, ils l’ont embarqué sur Ytrac. Mais lui croyait qu’il était en règle parce qu’il avait une carte d’identité italienne.

« Les gendarmes ont fait un contrôle de routine. Et ils ont vu qu’il n’avait pas ses papiers, parce que Moussa a perdu sa carte d’identité à Paris, indique David Delmas. De là il y a tout un pataquès. Il a dû avoir peur, il était en panique, il avait dit qu’il n’avait pas son passeport et dans son sac les gendarmes ont trouvé le passeport, à partir de là, ils ont fait leur enquête, leur sauce, et ils ont trouvé que le titre de séjour avait expiré. De là, il l’ont embarqué sur Ytrac. Mais lui croyait qu’il était en règle parce qu’il avait une carte d’identité italienne », plaide le dirigeant du club de foot.

Un premier passage par l’Italie qui conduit à un imbroglio
Un document italien à l’origine de l’imbroglio qui a conduit le footballeur à se croire dans les clous… mais sans l’être, indique l’entourage du jeune homme et qui trouverait sa source dans les conditions de son arrivée en Europe.

S’il est arrivé à Ytrac à l’automne 2019, le jeune homme a d’abord posé le pied sur le continent dans la Péninsule, justement pour y exercer en tant que footballeur.

Moussa Dione est rapidement devenu un joueur majeur d’Ytrac, mais il a surtout fait l’unanimité au club où il s’est investi auprès des jeunes en même temps qu’il a construit une vie professionnelle et sociale. Photo Jean-Paul Cohade

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D’après ses proches, il n’a ensuite plus eu de nouvelles dudit contrat. Et il a rejoint Ytrac après avoir rallié la France où, par le biais d’un recruteur – « qui n’est pas la même personne que celui qui l’avait fait venir en Italie », précise sa compagne – il a été conduit à signer une licence auprès du club cantalien qui évolue en Régional 1.

« En Italie, on lui a remis ce que les autorités locales appellent une carte d’identité italienne », explique Me Pierre Méral, son avocat. Problème, ce document ne permet pas de s’établir et travailler dans un autre pays de l’UE comme son nom pourrait le laisser supposer.

« Il ne savait pas tout ça, il est complètement de bonne foi, c’est tellement technique. Le problème, c’est que la CI italienne signifie simplement qu’on lui délivre un titre de séjour », poursuit son conseil.

D’abord livré à lui-même, Dione a été accompagné par le club
A l’automne 2019, donc, Moussa Dione rejoint Ytrac. D’abord dans une situation précaire, le jeune homme est ensuite accompagné durablement par les dirigeants du club à la faveur d’un changement de présidence de l’association sportive.

Si on reçoit quelqu’un et qu’il est dans le besoin, qu’il soit Sénégalais ou Français, on l’accompagne. Et Moussa, on l’a accompagné. On pensait être dans les clous, on a tout fait pour qu’il soit en règle.

« Au départ il était tout seul dans un appartement, confiné chez lui », poursuit David Delmas. Jusqu’à ce que la donne change dans la foulée des évolutions au sein du club. « Moussa, je l’ai pris chez moi pendant deux-trois mois. Et on lui a trouvé un appartement, un travail. Parce que c’est notre politique : si on reçoit quelqu’un et qu’il est dans le besoin, qu’il soit Sénégalais ou Français, on l’accompagne. Et Moussa, on l’a accompagné. On pensait être dans les clous, on a tout fait pour qu’il soit en règle. »

D’abord en CDD à temps partiel, puis en CDI à temps partiel, Dione est passé à temps plein dans une entreprise de nettoyage où, de son employeur à ses collègues, il donne entièrement satisfaction. « J’ai des dizaines d’attestations », souligne son avocat.

« Il travaille, il paie son loyer, fait travailler le petit commerce alimentaire en bas de chez lui. On lui a fait faire un service civique au club, il s’occupe des gamins du foot », énumère le dirigeant. Intégré socialement et professionnellement, Dione a donc également une compagne cantalienne, depuis plusieurs mois, et il a noué des liens réels avec la famille de cette dernière.

« Les parents de sa compagne ont une ferme, au dessus de Murat, dans un coin que même moi je ne connais pas, et ils l’ont accepté. J’ai des photos de lui avec les vaches, en tenue d’agriculteur. Il vit comme un Cantalien. Cette situation me met hors de moi. » DAVID DELMAS (Vice-président du club de foot d’Ytrac)

Une pétition en ligne qui recueille près de 500 signatures
« C’est quand même compliqué pour une personne avec son parcours, venant d’Afrique, de s’intégrer dans le Cantal, dans ce secteur de Murat, Allanche… qui peut ne pas être le coin le plus accueillant. Mais Moussa s’est intégré là-dedans », insiste sa compagne auprès de La Montagne.

Une intégration et un parcours qui forcent l’admiration aussi bien du club de foot où il évolue qu’au delà, et qui a conduit son entourage à mettre en ligne une pétition qui avait recueilli jeudi 6 mai près de 500 signatures dans la soirée. Son objectif : réclamer des papiers pour le Sénégalais.

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Le jeune homme a noué des liens aussi bien à Aurillac que dans le secteur de Murat, où les parents de sa compagne sont agriculteurs.

Un recours examiné ce vendredi devant le tribunal
Ce vendredi 7 mai, un recours déposé par son avocat va être examiné par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Il porte à la fois sur l’obligation de quitter le territoire français et sur l’interdiction de territoire durant trois ans. Une durée qui surprend d’autant plus ses soutiens.

« Trois ans, c’est le maximum légal pour ce type d’interdiction. Comme si c’était un délinquant et qu’il y avait trouble à l’ordre public », souligne son avocat. A l’inverse, les proches de Moussa Dione soulignent qu’il n’a jamais eu le moindre souci depuis son arrivée en France.

« Sinon on s’en serait rendu compte bien avant, pointe sa compagne. Or, il n’y a eu aucun problème pour faire les démarches à la CPAM par exemple. Au boulot ça se passe très bien, ses patrons sont contents, il n’y a de problème nulle part, sauf qu’il manquait ce papier qui nous gâche la vie », dit la jeune femme.

La carte d’identité italienne : « un faux document » pour la préfecture
En réponse aux sollicitations de La Montagne, la préfecture fait valoir que, après des « investigations supplémentaires auprès du consulat français à Dakar », Moussa Dione avait sollicité « un visa de court séjour sur invitation du club d’Ytrac en vue d’y effectuer un stage du 24 août au 23 novembre 2019. A cette occasion le jeune joueur s’engageait à se présenter au consulat à son retour et eu plus tard le 13/11/2019. De son côté le président d’Ytrac Foot s’engageait par écrit à organiser le voyage retour dès la fin du stage. »

Les services de l’État font également savoir que, après d’autres vérifications « auprès du centre de coopération policière et douanière de Modane », « la CNI italienne » dont Moussa Dione avait présenté une photocopie aux forces de l’ordre « présente de nombreuses anomalies : ni les caractères utilisés, ni les références de ce document ne correspondent à ceux de l’Imprimerie nationale. Il s’agit donc d’un faux document. »

La pire chose qui pourrait nous arriver, c’est l’interdiction de territoire de trois ans. Ça revient à remettre en cause les vies de tout le monde.

Les soutiens de Dione espèrent a minima un rejet de l’IRTF
Les soutiens de Moussa Dione espèrent, de leur côté, que le recours contre l’OQTF sera pris en compte par le tribunal administratif, ou, a minima, que l’interdiction de territoire dont elle est assortie soit rejetée.

Dans l’espoir de pouvoir entamer de nouvelles démarches afin de formaliser une demande de visa et obtenir un titre de séjour pour le jeune homme, afin de lui permettre de reprendre la vie qu’il a construit dans le Cantal. « Moussa ne prend la place de personne, il ne profite pas du système », font valoir ses proches.

« Il est énormément intégré ici, insiste sa compagne. Il mériterait au moins d’être régularisé. La pire chose qui pourrait nous arriver, c’est l’interdiction de territoire de trois ans. Ça revient à remettre en cause les vies de tout le monde », plaide la jeune femme.

Jean-Paul Cohade

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