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Ouvrir les noms de rue en France à la diversité, un geste « symbolique » mais insuffisant

Ouvrir les noms de rue en France à la diversité, un geste « symbolique » mais insuffisant

Le ministère de la Ville veut proposer des figures de la diversité pour des noms de rues et de statues en France.

Le gouvernement souhaite renommer des rues ou ériger des statues en l’honneur de figures de la diversité. Il a chargé un comité scientifique d’établir une liste de personnalités issues de l’immigration et des quartiers populaires. Une initiative saluée en banlieue, mais jugée insuffisante.

« Saviez-vous qu’il n’existe qu’une seule rue Ladji Doucouré en France ? », fait remarquer Mariam Cissé, élue à la mairie de Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne. La ville d’Asnières, au nord de Paris, a décidé de baptiser une rue du nom de ce champion du monde français du 110 mètres haies d’origine malienne et sénégalaise. « Il y a un vrai travail à faire », regrette Mariam Cissé, conseillère municipale depuis 2008, à l’origine de plusieurs initiatives commémorant la mémoire de l’esclavage dans sa ville. Dans sa commune, plusieurs rues ont été renommées après un travail de concertation avec les habitants, mais seuls des noms de personnages internationaux en sont ressortis : Martin Luther King, Nelson Mandela, Rosa Parks. Elle, rêverait de voir des avenues Aimée Césaire et Toussaint Louverture essaimer un peu partout en France, y compris dans des communes rurales.

À cet effet, une vingtaine de chercheurs, responsables associatifs, sociologues et artistes ont été mandatés par le gouvernement français pour proposer une liste de noms de personnalités issues de la diversité, des quartiers populaires et de l’immigration, afin de baptiser de futures rues ou lieux publics en France.

Emmanuel Macron a exprimé sa volonté, lors d’une interview accordée à Brut le 4 décembre, de vouloir « identifier 300 à 500 noms d’ici au mois de mars [2021] » des héros d’une « jeunesse qui se cherche » « et qu’on puisse ensuite décider d’en faire des rues, des statues », grâce au fruit d’une « contribution collective ». Seront donc élaborées « 400 fiches consacrées à des personnalités – artistes, militaires, sportifs, responsables associatifs ou politiques – issues des quartiers populaires, de la diversité et des différentes vagues d’immigration qu’a connues la France durant le XXe siècle », a précisé le ministère de la Ville deux jours plus tard.

L’historien spécialiste des questions migratoires Yvan Gastaut est chargé de piloter ce travail, avec 18 autres membres d’un comité scientifique composé de l’écrivaine Leïla Slimani, de l’historien Pascal Ory, d’Aïssata Seck, qui est une des responsables de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, ou encore de la journaliste Isabelle Giordano.

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Ce comité a déjà entamé son travail dès novembre et quelques fiches ont été rendues publiques. Parmi la liste figurent ceux de Chérif Cadi, le premier musulman à intégrer l’École polytechnique en 1887, celui de Camille Mortenol, né en Guadeloupe, à qui le général de Gaulle confia la défense anti-aérienne de Paris, Slimane Azem, auteur de chanson engagées et soutien de l’indépendance en Algérie, Marius Trésor, premier Antillais capitaine de l’équipe de France de football, ou plus récemment Jackson Richardson qui a conduit les handballeurs français au titre suprême lors du championnat du monde en 1995.

« L’objectif, c’est de présenter des personnalités et des parcours, issus de l’immigration, originaires de divers territoires, qui représentent la diversité française. La France des Lumières est elle aussi riche de cette diversité », explique Aïssata Seck, membre de ce comité. La conseillère municipale de Bondy est aussi présidente de l’association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, dont elle défend la naturalisation française.

Pour Mohamed Mechmache, président du collectif Pas sans nous, une figure résonne tout particulièrement sur cette première liste de noms, celle de Toumi Djaidja, initiateur de la Marche pour l’égalité en 1983 et symbole de la mobilisation des quartiers populaires contre le racisme.

« Une part de l’histoire de France est très mal connue. Il est essentiel de faire savoir aux enfants que des gens issus de l’immigration se sont battus pour améliorer la vie dans les quartiers. La mémoire de cette lutte politique a été étouffée, elle n’a pas été inscrite dans les manuels scolaires et les grandes figures de ces combats n’ont pas eu la chance d’être nommés à des postes de pouvoir », déplore Mohamed Mechmache, dont le collectif se fait le porte-voix des habitants des quartiers populaires.

« Ça ne règlera pas le problème des discriminations »
Mais pour le militant, le cœur du problème des discriminations est ailleurs. « Qu’on change des noms de rues, symboliquement c’est très bien. Mais ce n’est pas ce qui règlera le problème des discriminations et du racisme en France. Il faut permettre aux bac +5 issus de la diversité d’être reconnus à compétences égales, qu’ils puissent enfin accéder à des postes importants, être nommés à la haute fonction publique, à des postes de préfets, en cabinets ministériels, dans les conseils d’administration de grandes institutions. » Mohammed Mechmache regrette que ce ne soit pas le cas.

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Des testings effectués auprès de grandes entreprises françaises, dont Renault, ou encore Air France, ont déjà mis en lumière des pratiques de discriminations à l’embauche. « La loi doit punir ceux qui sont à l’origine de discriminations en France. Ces mauvais comportements n’ont été suivis d’aucune amende, aucune sanction. Si on veut vraiment envoyer un signal à la jeune génération, il faut agir et sanctionner ces comportements. On ne peut pas se contenter du symbolique », estime le président de Pas sans nous.

« L’un ne va pas sans l’autre », juge pour sa part Aïssata Seck, membre du comité chargé d’établir la liste des personnalités demandées par Emmanuel Macron. « Je le clame depuis des années. Il faut travailler la question des discrimination à différents niveaux avec des actes forts. Nous avons besoin de voir davantage de personnes issues de la diversité – des personnes compétentes bien sûr – accéder à des postes clefs. Il est important de casser ce plafond de verre ».

Les maires vont-ils suivre les recommandations ?
L’élue conçoit la future liste de personnalités issues de la diversité comme « un outil mis à dispo ». « Nous allons produire un recueil de noms, mais nous n’avons pas la capacité de forcer les maires », précise-t-elle. « Ce sera ensuite aux politiques de se saisir de ces contenus et de comprendre l’importance de cette action. » « Il ne s’agirait pas de voir ces noms inscrits sur des panneaux d’impasses, ni que les initiatives soient limitées aux communes de banlieue », prévient Mariam Cissé.

Sur le terrain, avec son association pour la défense de la mémoire des tirailleurs sénégalais, Aïssata Seck a l’habitude de faire le tour des collectivités « pour en parler » et « faire de la pédagogie ». Preuve que l’importance de la question mémorielle n’est pas encore comprise de tous, elle a sollicité François Baroin, le président de l’Association des maires de France, il y a quelques mois, dans un courrier resté sans réponse.

Avec AFP

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