Pour quelques milliers d’euros, un marabout proposait de résoudre les maux de ses clients, mais aussi de trouver les numéros de l’Euromillions. Avec un complice, il était poursuivi pour 24 faits d’escroqueries, devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo, ce jeudi 17 octobre.
Les deux prévenus, un marabout guinéen âgé de 27 ans et son cousin de 36 ans, étaient côte à côte face aux magistrats malouins, ce jeudi. Ils étaient poursuivis pour diverses escroqueries en bande organisée et du travail dissimulé, effectués entre 2014 et 2018.
Tout débute par une plainte déposée contre le marabout. Un homme, résidant près de Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), recherchait un médium pour influer positivement sur sa situation personnelle, après une séparation difficile. L’homme souhaitait aussi sauver son exploitation agricole, en faillite. C’est via des petites annonces, dans des programmes TV, qu’il trouve le numéro du marabout. Il lui remet plusieurs sommes d’argent, après plusieurs échanges.
« Découper des slips usagés » pour conjurer le mauvais sort
Contre la coquette somme de 38 000 €, le marabout lui promet notamment de lui dévoiler… les numéros gagnants de l’Euromillions ! De quoi éveiller la suspicion de la victime qui prévient les gendarmes. En septembre 2017, un rendez-vous est fixé à la gare de Dol, pour remettre une partie de l’argent à un intermédiaire. Les gendarmes étaient là et ils interpellent l’individu, un cousin du marabout. Ce dernier sera interpellé plus d’un an plus tard.
Désenvoûtement, guérison de maux de ventre, aide après un deuil ou pour rencontrer l’âme sœur… les pouvoirs du marabout ne se limitaient pas aux numéros gagnants de l’Euromillions. Pour conjurer le mauvais sort, les clients devaient par exemple, jeter des œufs dans l’eau ou « découper des slips usagés »… Le marabout aurait également proposé à une personne de 95 ans, de « racheter des années de vie ».
Parmi les 50 victimes recensées par les gendarmes, 28 vont porter plainte. Seulement 9 se sont portées partie civile. « De nombreuses personnes étaient en situation de détresse », a rappelé la présidente du tribunal. L’enquête a permis de déterminer que les préjudices s’élevaient à près de 40 000 €, sur 4 ans.
À l’audience, les prévenus sont restés évasifs. Le marabout a reconnu avoir des « troubles psychiatriques. »
Relaxe demandée
Néanmoins, tous les clients du marabout n’ont pas porté plainte, s’estimant satisfaits de son travail. Il était même parfois recommandé. « J’avais appris ma formation de médium en Afrique », a expliqué l’intéressé. Peut-on parler d’escroquerie ? Le tribunal a planché pendant plusieurs heures. « Les victimes ont contacté volontairement le médium, il n’y a pas eu de démarchage. Les clients étaient en demande, a expliqué la procureure Élodie Goyet. L’escroquerie est une manœuvre frauduleuse pour obtenir la remise de fonds. J’ai du mal à la caractériser. »
Pour l’avocat du complice, qui a demandé la relaxe, « il n’y a pas l’ombre d’une escroquerie en bande organisée. » L’avocat du marabout, lui, rappelé que son client « a été détenu neuf mois en prison. Aujourd’hui, l’affaire s’est dégonflée. Je demande aussi la relaxe. Aujourd’hui, il est salarié et a cessé toute activité de maraboutage. »
Le marabout et son complice sont-ils des escrocs ? Le tribunal rendra sa décision le 14 novembre prochain.
Ouest France