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10 ans de prison pour Dylan Lahaire, qui avait tiré en pleine rue sur quatre jeunes sénégalais à Dunkerque

10 ans de prison pour Dylan Lahaire, qui avait tiré en pleine rue sur quatre jeunes sénégalais à Dunkerque

Le 26 février 2018, vers 17h, des coups de feu sont tirés sur quatre jeunes d’origine sénégalaise, en plein centre-ville de Dunkerque. Le tireur, un Calaisien de 26 ans nommé Dylan Lahaire, sera arrêté six jours plus tard. La Cour d’Assises de Douai l’a condamné mercredi à 10 ans de prison.

Quatre ans ont passé. Et l’on peine toujours à comprendre. Trois jours durant, devant la cour d’Assises de Douai, jurés, magistrats et avocats ont tenté de comprendre ce qui avait bien pu pousser Dylan Lahaire, un Calaisien de 28 ans, à solder une banale dispute entre automobilistes à coups de pistolet.

Un dépassement et tout dérape
C’était le 26 février 2018, à deux pas de la gare de Dunkerque, en fin d’après midi. Quelques heures plus tôt, Dylan, qui circulait en voiture, avait doublé un cycliste et coupé la route d’une famille de quatre jeunes d’origine sénégalaise, qui l’avaient rattrapé au feu rouge suivant pour lui reprocher sa conduite. On en était alors resté aux invectives. Leurs chemins s’étaient recroisés un peu plus tard.

Les quatre jeunes avaient reconnu sa voiture et ça aurait dû s’arrêter là. Mais vers 17 heures, la troisième rencontre vire à la tragédie. Dylan dit avoir été coincé dans les bouchons. Et avoir aperçu les quatre jeunes, qui circulaient à pied, et leur avoir reproché de rire à ses dépens. Il interpelle le plus proche, sort de sa voiture, armé d’un pistolet chargé. Il tirera cinq ou six coups de feu -ce n’est pas clair- trois iront se perdre dans le mobilier urbain -Dylan dira s’être senti menacé et parlera de « tirs de sommation ».

« Alors voir ces quatre-là ensemble à rire, heureux, l’a renvoyé à sa propre solitude, le jour de son anniversaire. » Me Benmouffok, l’avocate de l’accusé.

Deux tirs trouveront une cible humaine : Oumar, 25 ans, est touché au poignet et sa montre vole en éclats. Son frère Souleymane, 21 ans, qui s’était approché le plus près de Dylan, tente de se retourner pour s’enfuir et est touché de côté. Miraculeusement, la balle ricoche sur une côte et il survivra, non sans deux opérations chirurgicales…

Six jours de sursis
Dylan, lui, reprend sa route et rentre à Calais comme si de rien n’était car « la vie continue ». Il laisse son véhicule à la plage, rentre chez lui. Il se rasera la barbe, suivra d’assez loin la presse locale dunkerquoise qui relate cette histoire. Entre-temps, les témoins ont identifié son véhicule, une Alfa Romeo à l’intérieur cuir rouge. Ils donnent aussi la physionomie de Dylan, décrit comme un homme d’1m70, costaud, barbu, avec des tatouages, visiblement tireur aguerri.

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Ce sont des gendarmes du Calaisis qui font le rapprochement avec Dylan, dont ils surveillent le véhicule pour son implication dans une affaire de vol de carburant. Six jours après les faits, à 6 heures du matin, le Raid débarque chez la famille Lahaire. Ils trouvent chez lui cinq armes à feu, dont celle utilisée le 26 févier à Dunkerque. Et une autre, dérobée au club de tir de Guînes quelques mois plus tôt. Dylan, pourtant, n’oppose aucune résistance et avoue d’emblée : oui, c’est bien lui qui a tiré, parce qu’il se sentait menacé. Mais il jure qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer, qu’il a pris soin de ne viser que des zones non létales. Il n’en démordra jamais, jusqu’à la dernière minute de son procès.

Une froideur qui fait peur
Pour les avocates de parties civiles, Me Kenbib et Me Couratier-Bouis, il s’agit bien d’une tentative de meurtre, voire d’assassinat pur et simple. Elles s’appuient sur la personnalité de l’accusé, décrit par les psys comme « Très proche de sa famille maternelle, posé, rationnel, direct, avec un tempérament de leader ». Mais aussi « froid, très solitaire, chatouilleux sur son orgueil et intolérant à la frustration ».

Il pratiquait assidûment le tir sportif à Guînes et l’un de ses rares amis le voit tout à fait capable d’attendre des heures pour tendre une embuscade s’il le fallait. Et c’est exactement ce que les parties civiles pensent qu’il a fait cet après-midi-là, après avoir remâché les critiques des jeunes sur sa conduite.

L’accusé, il est vrai, n’aide pas beaucoup : 90 % de ses réponses tiennent en deux ou trois mots : « Bien sûr », et « Pas de souci ». Et même quatre ans après les faits, le sort de ses victimes semble lui être toujours indifférent : « Je n’allais pas me morfondre, je ne l’ai pas fait gratuitement, pour le plaisir… »

Cette froideur un peu inquiétante est sa pire ennemie devant la cour d’Assises et il le sait. Aussi, tente-t-il de fendre l’armure : « Le premier jour du procès, j’ai pleuré quand ma mère a pleuré. Est-ce que c’est froid, ça, madame ?, tente-t-il auprès de la présidente. « Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas du désintérêt : je laisse son jardin secret à tout le monde. »

« Ce n’est pas parce qu’on croit qu’il n’y a pas de regrets qu’il n’y en a pas. » L’accusé

Son avocate, Me Benmouffok, a une autre explication. Dylan s’est bien senti menacé ce jour-là. Et ce n’est pas sans rapport avec le contexte calaisien : vu les origines des victimes, l’ombre de la xénophobie plane toujours sur le procès. Non pas que Dylan soit raciste, il s’en défend avec acharnement, adore son demi-frère métis, n’a jamais la moindre parole ambiguë sur le sujet. Mais il explique aussi qu’il a travaillé dans la Jungle de Calais, qu’il y a vu et subi bien des rixes.

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Pour Me Benmouffok, cela a pu peser, consciemment ou non. « Ça ne va pas plaire, ce que je vais dire, mais il vit dans un univers mental chargé d’insécurité, un sentiment fugace, comme une strate dans sa conscience que la situation ce jour-là a pu réveiller. » Elle va même un peu plus loin dans la psychologie de son client, rappelle qu’il passait alors son anniversaire seul, qu’il est sans emploi depuis le démantèlement de la Jungle, pris à la gorge financièrement. « Son sentiment, c’est que les choses ne se passent pas bien pour lui. Alors voir ces quatre-là ensemble à rire, heureux, l’a renvoyé à sa propre solitude, le jour de son anniversaire. »

La banalité du mal
Entre la figure du tueur à l’affût et celle du solitaire qui explose soudain face à la joie des autres, l’avocate générale Perrin finit par estimer qu’il ne faut peut-être pas chercher trop loin dans la psychanalyse : le quotidien regorge, hélas, de faits divers où l’on meurt pour des broutilles, voire pour rien. « On a vu un couple de jeunes parents tué parce qu’ils s’étaient garés sur la place du voisin en allant présenter leur nouveau-né à la famille. Ou Kevin et Sofiane, tués en 2012 à Grenoble pour un mauvais regard… »

Si elle ne croit pas que Dylan a agi pour se défendre, elle ne croit pas non plus à la préméditation. Elle réclame donc 13 ans de prison pour tentative de meurtre (et non d’assassinat).

Les jurés le condamnent finalement à 10 ans de prison. L’accusé a tenté une dernière fois de briser son image d’insensibilité : « Ça ne se voit pas dans les apparences, mais ce n’est pas parce qu’on croit qu’il n’y a pas de regrets qu’il n’y en a pas. » Ce sera ce qui s’approchera le plus d’une demande de pardon.

Avec Nord Littoral

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