S’il y a quelqu’un qui peut témoigner du bien-fondé du rêve américain, c’est bien Thione Niang. Parti complètement fauché aux Etats-Unis, il est arrivé à se hisser au sommet de la pyramide en devenant responsable des jeunes démocrates et proche du Président Barack Obama. Depuis, il essaie d’insuffler ce »Yes we can » aux nombreux jeunes Africains en faisant la promotion de l’agriculture.
Vingt dollars ! C’est la somme qui était dans la poche de Thione Niang quand il débarquait en 2000 dans le Bronx à New York. Depuis lors, que de chemins parcourus par le jeune Kaolackois né en 1978 et issu d’une famille pauvre et polygame du quartier de Médina Baye !
Rêvant depuis sa tendre enfance des États-Unis, son objectif de départ était clair et sans équivoque : aider financièrement sa mère, ses frères et ses sœurs. Mais visiblement, c’est un destin plus grand qui attendait le Sénégalais dans le pays de l’oncle Sam.
Intelligent et très dégourdi, Thione Niang trouve du »taf » dans un restaurant. À Cleveland dans l’Ohio où il déménage par la suite, il travaille dans un hôtel tout en poursuivant ses études. Il donne aussi des cours de français dans un quartier noir de la ville. L’ambitieux Saloum Saloum prend part en 2005, comme volontaire, à la campagne d’un conseiller municipal démocrate, Kevin Conwell.
Très dynamique avec une capacité de mobilisation avérée, il participe la même année, en tant que directeur adjoint, à la campagne du candidat à la mairie, Frank Jackson, démocrate métis. Il œuvre ensuite aux côtés de la députée noire Shirley Smith, présidente du Black Caucus pour l’Ohio, candidate aux sénatoriales.
Cette dernière lui permet de rencontrer le sénateur Barack Obama en 2006, à Columbus. Il rejoint quelques mois plus tard la campagne du candidat déclaré à la présidentielle en tant que »community organizer » des jeunes démocrates pour le comté de Cuyahoga. Il contribue à lever des fonds et diffuser des messages de proximité sur les réseaux sociaux. Adoubé par son mentor, il devient après l’élection historique de ce dernier en 2008 chargé des affaires internationales des jeunes démocrates des États-Unis.
UN LEADERSHIP PAR L’EXEMPLE
Sélectionné en 2012 par le Center for American Progress parmi les 10 activistes noirs les plus audacieux des Etats-Unis, Thione Niang est sans conteste un témoin privilégié du rêve américain. Initié à la »Fayda » par Cheikh Ibrahima Mahmouth Niasse dit ‘’Baye Touti’’, ce disciple convaincu de Baye Niasse a, comme son guide religieux, visité des centaines de pays dans le monde pour aider les jeunes à prendre leur autonomie à travers sa fondation Give1Project qu’il a créée en 2009, sous l’inspiration du Président Barack Obama.
Il a formé et essayé d’incuber plusieurs porteurs de projets. Pour lui, les jeunes doivent pouvoir construire leur avenir chez eux. «Je suis allé à Ceuta, à la frontière entre le Maroc et l’Espagne, et j’ai vu le même phénomène. Des gens traversent l’océan pour chercher des opportunités en Europe. Je les ai rencontrés, ils vivent dans les forêts, dans des conditions difficilement explicables», soutenait-il il y a quelques années.
JEUFZONE, LE SALUT PAR L’AGRICULTURE
Revenu au Sénégal en 2014, Thione Niang s’évertue à apporter sa pierre à l’édification du pays. Loin des arcanes du pouvoir et des discours politiciens malgré son immense réseau et son parcours élogieux, le brillant entrepreneur de 44 ans à trouver refuge dans ses champs, loin de la capitale. Sur 75 hectares, il pousse en effet les jeunes à changer de regard par rapport à l’agriculture.
«ON NE PEUT PAS DIRE AUX AFRICAINS D’ALLER TRAVAILLER LA TERRE EN RESTANT EN COSTUME CRAVATE DANS NOS BUREAUX»
Convaincu que l’agriculture est la solution aux problèmes de chômage des jeunes Sénégalais, il fournit des terres, de l’eau, du matériel mais pas de salaire. JeufZone se rembourse en prenant 50% des bénéfices sur les ventes de tomates, et veille à construire un réseau de distribution indépendant, pour créer toute une chaîne sans intermédiaires. L’entreprise approvisionne ses propres restaurants jusqu’à Dakar.
JeufZone propose aussi des formations de six mois à l’agriculture et la gestion. «Ce que j’ai appris du Président Barack Obama, c’est qu’il fallait toujours trouver des solutions adaptées à chacun des problèmes et des populations auxquelles on voulait venir en aide.
De retour au Sénégal, j’ai voulu m’inspirer de ce principe, identifier les problèmes auxquels mon pays faisait face pour tenter de les résoudre. Or, j’ai été choqué par un constat très simple : la majeure partie de ce que nous consommons au Sénégal vient de l’extérieur. Nous disposons pourtant de tout ce qu’il faut.
Avec ses terres, son climat, sa jeunesse innombrable, l’Afrique devrait nourrir le monde, or ce n’est pas le cas. J’ai décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps, en m’attaquant d’abord à l’image de l’agriculture auprès de la jeunesse, afin de la rendre attractive à ses yeux», souligne-t-il dans «Le Monde» pour expliquer sa reconversion dans l’agriculture avant d’ajouter : « Si les jeunes voient des gens comme moi qui ai eu la chance de travailler à Washington, de voyager à travers le monde, revenir dans mon village, mettre mes bottes et aller travailler la terre, ça marche, car je leur montre que travailler la terre, c’est du business.
J’ai commencé en 2014 et aujourd’hui, il y a même des personnes de la diaspora africaine qui reviennent pour se lancer dans l’agriculture. L’exemplarité est très importante, on ne peut pas dire aux Africains d’aller travailler la terre en restant en costume cravate dans son bureau. Dans quelques années, vous verrez : c’est l’Afrique qui nourrira la planète. En tout cas, c’est mon rêve.»
Très critique par ailleurs à l’encontre du capitalisme américain même s’il a fait carrière dans ce pays, Thione Niang pense que cette idéologie telle qu’elle est pratiqués aux États-Unis ne fonctionne pas. D’autant qu’elle oublie la base, les masses, et génère des inégalités impossibles à combler. Prônant l’entrepreneuriat social qui vise ces inégalités, il estime qu’il se situe entre le monde des affaires et les associations à but non lucratif, pour faire du bien tout en faisant de l’argent.
Conférencier international, cet »éternel optimiste » (nom éponyme de ses Mémoires) qui a écrit d’autres ouvrages comme Demain tu gouvernes le monde ou encore Gorgui, il est un exemple pour la jeunesse africaine. Né dans une famille pauvre de 28 enfants, celui qui a appris à Obama le terme wolof »Nio Far » (on est ensemble) a fréquenté les grands de ce monde.
Homme de réseau, il a parlé dans les plus grandes universités du monde. Avec Akon, il est à l’initiative du méga projet Akon Lightin.
Diplômé de Myers University en administration publique, diplômé de Sciences – Po Paris d’un Executive Master en politique et management du développement potentiel Afrique et détenteur d’un certificat sur le leadership au XXIe siècle de l’université Harvard de Boston, Thione Niang est un modèle de réussite qui inspire. Qui fait rêver.
Mamadou Mbakhe NDIAYE