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Diariata N’Diaye, artiste engagée

Cette slameuse de 33 ans dénonce les violences faites aux femmes à travers ses chansons, des ateliers d’écriture et des outils numériques destinés aux 15-30 ans.

« Je me sens belle et libre depuis que je suis partie, je ne cache plus mon visage, je n’ai plus besoin de maquillage… » Dans ses chansons, la slameuse Diariata N’Diaye manie les mots et les rimes pour dénoncer la triste étendue des atteintes faites aux femmes : excision des petites filles, violences sexuelles et conjugales, mal-être des victimes…

Des situations approchées de près ou de loin par cette jeune femme d’origine sénégalaise, qui a quitté très tôt son cocon familial pour fuir un mariage forcé. « Mes parents n’étaient pas des barbares sans cœur mais ils voulaient simplement reproduire ce qu’ils avaient eux-mêmes connu au Sénégal », raconte celle qui a grandi dans les Vosges avec ses treize frères et sœurs, tous nés en France. « Pour nos parents, nous étions des enfants hybrides, écartelés entre deux cultures… C’était loin d’être évident. »

Du rap au slam

Son bac littéraire en poche, Diariata débarque seule en région parisienne où elle travaille comme animatrice tout en écrivant des textes de rap. « C’était un mode d’expression idéal car j’avais plein de choses à dire. »

Avec l’une de ses sœurs, elle fonde un groupe qui détonne dans cet univers plutôt masculin. « On s’habillait et on chantait comme des filles, avec des paroles très engagées, se souvient-elle. Mais j’avais du mal avec l’image véhiculée par le rap et j’ai préféré aller vers le slam. » Désormais, « Diata » déclame ses textes ciselés avec un musicien venu du rock au sein du groupe Dialem.

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Des adolescentes dans la tourmente

Contraction des mots « dialogue » et « dilemme », ce nom illustre toute la difficulté à lever le voile sur ces sujets. « Cela reste une question taboue, déplore-t-elle. D’autant que les campagnes de prévention tombent souvent à côté. Celles qui traitent des violences dans le couple sont souvent très glauques et mettent en scène des femmes d’âge mûr auxquelles les jeunes ne peuvent pas s’identifier. »

D’où la création du spectacle Mots pour maux en 2007, avec l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Ces chansons, évoquant des situations très concrètes, sont systématiquement suivies d’un débat, voire d’un atelier d’écriture.

Après l’avoir joué près de 200 fois auprès de collégiens et de lycéens, principalement en région parisienne, elle mesure à quel point ces questions touchent au cœur certains adolescents. « Je me souviens d’une jeune fille qui avait raconté un viol dans un atelier d’écriture, dit Diariata. Quand j’ai appris qu’elle devait retourner dans son pays d’origine pour épouser son agresseur, je l’ai orientée vers les bonnes structures et elle a échappé à son destin. Aujourd’hui, elle poursuit sereinement ses études dans un internat. »

Une autre fois, c’est une lycéenne d’un milieu aisé, victime de violences sexuelles, qui se livre à retardement. « La première année, elle avait écrit un très beau texte sur les contes de fées et je n’avais rien remarqué. Ce n’est que la seconde année qu’elle a réussi à se confier… »

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Une application mobile pour elles

Après avoir mis le cap à Nantes, où elle et son compagnon, père de leurs trois enfants, souhaitaient s’installer, Diariata fonde l’association Resonantes, pour créer de nouveaux outils de sensibilisation. Son site Internet ponctué de vidéos se veut le plus accessible possible (1). « Mais je me suis dit que pour toucher les jeunes, il fallait être dans leur téléphone… »
D’où la création d’une application mobile (App-Elles), qui permet notamment de s’informer et de prévenir les secours ou ses proches en cas de problème, par des messages pré-enregistrés. « Une femme sait repérer quand la violence couve chez son conjoint. À ce stade, appeler la police ne sert à rien mais prévenir un proche pour qu’il passe à l’improviste peut désamorcer la crise… »

« J’ai bon espoir que les mentalités évoluent »

Dans la seconde version de l’application, prévue pour 2017, il sera possible de créer des contacts d’urgence éphémères. « Comme par exemple, les amis avec lesquels on sort le soir. Si on se sent suivie sur le chemin du retour, on pourra les prévenir… » Autant d’outils qui renvoient vers les structures de prise en charge adéquates.
« J’ai bon espoir que les mentalités évoluent car les parents que nous sommes élèvent leurs enfants avec ce souci », assure cette jeune maman, qui a renoué le lien avec ses propres parents. « Ils ont fini par me comprendre et ils adorent leur gendre ! »

 

Florence Pagneux (à Nantes, Loire-Atlantique)

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