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Parcours : Yaya Diallo, monsieur Bons Offices

Militant du Parti socialiste français en Seine-Saint-Denis, ce Sénégalais entend jouer les intermédiaires entre la France et certains pays africains.

Les hommes de l’ombre finissent toujours par rêver d’en sortir. Il semblerait que ce soit le cas pour Yaya Diallo, petite main du Parti socialiste sur le territoire séquanodionysien et parfois au-delà, dans les marécages de la Françafrique, où la classe politique patauge avec une allégresse rarement démentie depuis les indépendances. Yaya Diallo, donc, est venu vers Jeune Afrique et a décidé du lieu de rendez-vous : la galerie marchande du centre commercial Rosny 2, dans le 93 (Seine-Saint-Denis).

Le matin, car l’après-midi il avait rendez-vous avec une délégation centrafricaine. Enjoué, prolixe, le quinquagénaire sénégalais ne se fait pas prier pour se raconter, avec une certaine tendance au name-dropping, au flou artistique et à la digression.

Les débuts à la mairie de Pantin

De l’enfance, l’on apprendra qu’elle se déroule à Vélingara, en Haute-Casamance – même s’il est né en Mauritanie, à Atar, en 1963. Le père est un ancien combattant de l’armée française qui a « fait l’Algérie » et qui, après avoir été affecté comme chauffeur dans une société d’État, a préféré rentrer au pays pour « s’occuper de ses vaches » tout en travaillant pour la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT). La famille est très politisée, le père est impliqué côté socialiste. Yaya Diallo, en école catholique jusqu’au certificat d’études, baigne dans « ce monde-là ».

À 19 ans, l’appel de l’Occident est relayé par des amis chasseurs, toubabs venant flinguer la pintade au Sénégal. « L’un d’eux m’a dit que, si je venais en France, je pouvais réussir. » Va pour l’ancienne colonie. « Des cousins m’ont accueilli, se souvient Diallo. J’avais une vraie volonté d’appartenir à la communauté. Au début, c’est toujours difficile, personne ne te prépare le riz au mafé et le thieb. Mais, à l’époque, il y avait une grande solidarité entre les immigrés, et les employeurs venaient chercher de la main-d’œuvre. »

Lui sera embauché dans une usine de sucre, à Pantin. Militant dans l’âme, il se rapproche du Parti socialiste : « Je me suis rendu au marché du Pré-Saint-Gervais, où j’ai serré la main à Claude Bartolone. C’est lui qui m’a mis en rapport avec la section. » L’affaire d’une vie : distribution de tracts, collage d’affiches, discussions interminables, il trace son chemin dans les dédales du militantisme, avec un nouveau métier en parallèle, préparateur de commandes de médicaments pour l’IFP Santé. « En 1990, j’ai intégré la mairie de Pantin, où j’étais chargé de l’accueil et de l’organisation des rendez-vous, affirme-t-il. En 2001, on a gagné la mairie, et j’ai été chauffeur, assistant du maire. »

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Diallo l’entremetteur

La ville, à cette époque, quitte le giron communiste pour entrer dans celui du PS. Sur ses fonctions dans la machine du parti, Yaya Diallo reste un peu brouillon. Il se présente comme « membre fondateur de SOS Racisme », raconte avoir été « mis à la fédération par Claude Bartolone pour aider les camarades socialistes » et déroule diverses fonctions au sein du conseil fédéral du PS – commission des adhésions, commission des conflits, relations internationales, comité Afrique.

Son vrai métier ? Gérer le courrier au sein de la direction de l’eau et de l’assainissement du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Bien entendu, ce n’est pas ce qu’il souhaite mettre en avant : aujourd’hui, il se présente comme un « Monsieur Bons Offices », faisant le pont entre le PS et les dirigeants africains. « Je voulais que les socialistes prennent en compte l’existence de l’Afrique et je voulais créer des liens, explique-t-il. J’ai participé à 90 % des rencontres entre François Hollande et les dirigeants africains avant son élection. »

Si actuellement il ne voit plus le président, il le considère comme « un ami » et continue de lui « envoyer des rapports ». Lesquels vont dans un certain sens : « Aujourd’hui, je me bats pour le président Sassou, pour le président Obiang Nguema, annonce-t-il. Mettre les gens en quarantaine ne résout pas le problème. Il y a toujours moyen de discuter.

Je suis un démocrate, j’aime la démocratie, c’est la meilleure façon d’obtenir du progrès, mais elle ne doit pas être imposée, dictée. Regardez les Libyens, ils n’étaient pas malheureux sous Kadhafi, on ne peut pas en dire autant maintenant… » Comment agit-il ? « Ce sont les chefs d’État qui font appel à moi, je vais les voir, je discute avec eux, je donne mon avis, je sais très bien comment fonctionne la machine française. Je ne suis pas payé, je me déplace sur mes vacances et je le fais parce que je sais que c’est le droit chemin. »

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Silence et imprécisions

Pas déçu par François Hollande, Yaya Diallo affirme que le président français est très respecté de ses pairs africains parce qu’«il ne fait pas de forcing ». Sur la question des « biens mal acquis », il dégaine instantanément : « Qu’un fils de président africain achète un véhicule en France, ce n’est rien si l’on compare à ce que font les Saoudiens. Il faudrait que la justice s’intéresse à tout le monde… »

Proche des socialistes sénégalais, ce père de trois enfants – dont un champion de France de judo, Alpha Djalo – s’accorde une influence forte au pays, où il envisage de s’engager après avoir roulé sa bosse en France, « meilleure école politique du monde ». Contacté à plusieurs reprises pour s’exprimer au sujet de Yaya Diallo, Claude Bartolone n’a pas donné suite. En revanche, le député des Français de l’étranger Pouria Amirshahi s’est livré au jeu des questions-réponses.

« Diallo donne le sentiment de ne jamais s’arrêter, poussant surtout à la rencontre, confie-t-il. Il m’est arrivé de voir des gens qu’il m’a recommandés, notamment dans l’opposition à Alpha Condé. C’est un gars très volubile, il semble comme un papillon plein d’énergie, mais pour ma part je reste à distance, je ne veux pas être un obligé. Qu’il veuille s’imposer comme un entremetteur utile, très certainement. Il est enjoué, passionné, mais je ne connais pas son fil directeur. » À vrai dire, c’est une impression partagée.

 

JA

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