Les Césars devaient rompre avec l’entre-soi: ils sont passés à l’acte dès l’ouverture de la cérémonie en sacrant deux acteurs noirs comme meilleurs espoirs.
La 46e cérémonie, qui s’est ouverte vendredi soir à l’Olympia sous strict protocole sanitaire alors que les salles de cinéma sont toujours fermées, a sacré Jean-Pascal Zadi et Fathia Youssouf.
Le premier, meilleur espoir masculin, est l’auteur, réalisateur (avec John Wax) et acteur principal de « Tout simplement noir », une comédie qui s’attaque aux clichés racistes. Cet ovni cinématographique qui, selon lui, parle « avant tout d’humanité » a cartonné sur les écrans entre les deux confinements.
« Chaque génération doit trouver sa mission, l’accomplir ou la trahir », a déclaré Jean-Pascal Zadi en recevant son prix, citant le penseur du post-colonialisme Frantz Fanon.
Pour les César, institution-phare du cinéma français longtemps minée par les accusations d’entre-soi et d’opacité, qui avait fini de faire naufrage l’an dernier lors du couronnement de Roman Polanski, cette nomination est très symbolique.
D’autant qu’elle est venue juste après celle de Fathia Youssouf, couronnée à seulement 14 ans, pour « Mignonnes », un film sur l’adolescence à Paris, entre traditions d’une famille polygame sénégalaise et réseaux sociaux.
Président de la cérémonie, l’acteur Roschdy Zem avait auparavant ouvert les festivités en soulignant que « le métier change ». « Les règles du jeu changent, non pas pour que le jeu s’arrête, mais pour jouer à égalité cette fois », avait-il déclaré.
« Confiance ! »
L’autre grand sujet des César était évidemment la pandémie, qui maintient les salles fermées, et a mis le secteur à genoux.
« Ce qui nous manque, c’est ce qui nous lie, les émotions qu’on vit ensemble et qui nous font dire qu’on n’est pas tout à fait seuls (…) Alors ouais, on a hâte de vous retrouver ! », a déclaré aux téléspectateurs la maîtresse de cérémonie, Marina Foïs, dans son intervention liminaire.
Face à elle, une salle de l’Olympia à moitié vide, où seuls ont pu prendre place, pour des raisons sanitaires, les nominés et une poignée d’autres personnalités.
Très attendue par les professionnels excédés, qui désespèrent d’obtenir du concret sur une perspective de réouverture, la ministre de la culture Roselyne Bachelot a fait passer « un message d’espoir » à son arrivée. « Nous sommes en train de bâtir avec la filière les conditions de réouverture de salles », a-t-elle déclaré avant d’entrer à l’Olympia.
« On va revoir des films, le public va être là, les artistes vont être là, vraiment, le cinéma français +confiance+ ! », a-t-elle ajouté.
Un trio en tête
Les récompenses les plus attendues doivent être décernées plus tard dans la soirée, après notamment un César anniversaire à la troupe du Splendid (Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Michel Blanc, Josiane Balasko…), auteurs des « Bronzés » et du « Père Noël est une ordure ».
Un trio de films fait la course en tête.
Grand favori avec 13 nominations, « Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret, inlassable explorateur du sentiment amoureux, peut espérer, outre le titre de meilleur film, celui de meilleure actrice (Camélia Jordana) et de meilleur acteur (Niels Schneider).
Sont également bien placés « Eté 85″ de François Ozon, cinéaste souvent nommé et jamais récompensé, ainsi qu’ »Adieu les Cons » d’Albert Dupontel, à la réalisation et à l’interprétation, avec Virginie Efira, en lice pour le César de la meilleure actrice.
Dans toutes les catégories, des valeurs montantes (la réalisatrice Caroline Vignal et l’actrice Laure Calamy pour « Antoinette dans les Cévennes », l’acteur Jonathan Cohen dans « Enorme ») côtoient de plus vieux routards du cinéma (l’acteur Lambert Wilson pour « De Gaulle », ou l’actrice Barbara Sukowa pour « Deux », primée à Cannes il y a 35 ans)…
La sélection était limitée cette année, car seuls les films sortis en salle en 2020, passés entre les gouttes des confinements, pouvaient concourir.