Lamine* vit à Chypre depuis un peu moins d’un an. Lors de son départ du Sénégal, les passeurs ont fait croire au jeune homme de 21 ans qu’il pourrait rejoindre la France depuis l’île par bateau. Résigné à rejoindre l’Hexagone, le Sénégalais vit dans un logement insalubre et passe ses journées à attendre une réponse à sa demande d’asile. Il dit vivre « les pires moments de sa vie ». Témoignage.
Lamine est arrivé en 2020 dans le nord de Chypre directement depuis Dakar avec un visa étudiant. Avec l’aide de passeurs, ce Sénégalais de 21 ans a traversé la frontière entre le nord et le sud. Pendant cinq mois, il a été hébergé dans le camp de Pournara, à Kokkinotrimithia, l’un des plus grands camps d’accueil de demandeurs d’asile du pays.
« Pour pouvoir quitter le camp de Pournara, les autorités nous demandent de fournir une adresse. C’est très difficile car on ne connaît personne à Chypre et obtenir un appartement relève du parcours du combattant.
Dans le centre, j’ai rencontré un Africain qui, quelques mois plus tard, a quitté les lieux et a réussi à se loger par ses propres moyens. Il m’a proposé de le rejoindre dans son logement. Je suis donc allé vivre avec lui et trois autres personnes dans un appartement à Larnaca (dans le sud de Chypre, ndlr).
« Mon logement est insalubre »
C’est mieux que dans le camp mais le logement est insalubre et très mal entretenu par le propriétaire. Les canalisations dans la salle de bain sont régulièrement bouchées et on ne peut pas utiliser les sanitaires pendant plusieurs jours. À chaque fois qu’on lui demande de réparer, le propriétaire nous fait payer les travaux, alors que nous versons un loyer de 500 euros par mois.
J’aimerais quitter cet appartement mais trouver un toit à Chypre est mission impossible. Très peu de gens acceptent de nous louer leur logement.
Depuis que je suis arrivé sur l’île, j’attends ma convocation pour mon entretien de demande d’asile. Certains sont là depuis des années et sont toujours dans l’attente. Ça m’inquiète car je m’ennuie toute la journée. Je n’ai rien à faire, je passe mon temps sur mon téléphone. Si ça dure trop longtemps, qu’est-ce que je vais devenir ?
« J’ai été victime de racisme »
J’ai essayé de trouver du travail mais aucun patron ne veut employer des demandeurs d’asile. Ils me disent qu’il faut que j’ai un titre en règle. J’ai voulu faire une formation dans la restauration ou l’hôtellerie mais là encore on m’a répondu que c’était impossible avec mon statut.
Je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est à cause de ma couleur de peau. J’ai été plusieurs fois victime de racisme de la part de Chypriotes. Parfois, lorsqu’on s’assoit sur la plage avec des amis, les Chypriotes s’en vont immédiatement. Dans la rue, ils changent de trottoir ou marchent à vive allure. Dans le bus, c’est déjà arrivé que le chauffeur refuse de nous laisser monter ou ne s’arrête pas à l’arrêt que nous avons demandé.
Vivre à Chypre est très compliqué. Les passeurs m’ont fait croire qu’en venant ici je pourrais aller en France par bateau mais ce n’est pas vrai. J’ai compris trop tard qu’ils m’avaient menti. Maintenant, je suis bloqué ici.
Je vis les pires moments de ma vie, je ne souhaite ça à personne. Je suis perdu, je ne sais pas quoi faire. Au pays, j’étais maltraité par la deuxième femme de mon père. Mais avec le recul, j’aurais préféré rester au Sénégal et mourir sous ses coups que de vivre ici ».
*Le prénom a été modifié.
Leslie Carretero avec InfoMigrants