Si le Royaume-Uni est plutôt circonspect avec les réfugiés, il est en revanche le pays le plus ouvert d’Europe en matière d’immigration légale extra-communautaire. Selon Eurostat, il a accueilli 630.000 immigrés en 2015 contre 226.000 pour la France.
L’immigration est un sujet majeur de la campagne présidentielle qui s’ouvre en France. De nombreux chiffres sont délivrés et ils sont souvent erronés. Dans ce contexte, la publication il y a cinq jours par l’institut européen de statistiques Eurostat des chiffres concernant les nouveaux titres de séjours délivrés dans l’Union européenne en 2015 revêt un caractère d’actualité aigu et permet de remettre en cause un certain nombre d’idées reçues.
Ces données permettent aussi, dans une certaine mesure, de faire le lien entre l’immigration légale et les demandes d’asile déposées par les centaines de milliers de réfugiés fuyant les zones de conflits.
En 2015, les 28 membres de l’Union ont délivré un premier titre de séjour à 2,6 millions de personnes en provenance des pays extérieurs à l’UE, soit une augmentation significative de 12% par rapport à 2014. Et, parmi les motifs de délivrance d’un permis de séjour, il est à remarquer que l’emploi est celui qui a le plus progressé l’an dernier (+ 23%), conséquence de la reprise de l’activité économique dans l’UE.
En 2015, la France a accueilli plus d’immigrés que l’Allemagne
L’afflux massif de réfugiés en Allemagne pourrait faire croire que ce pays est le plus ouvert d’Europe à l’immigration. Il n’en est rien. L’an dernier – comme les années précédentes, c’est le Royaume-Uni qui a délivré le plus de titres de séjour : 630.000, soit près du quart du total européen.
L’Allemagne est très loin derrière avec 195.000 entrées légales, chiffre inférieur même aux 226.000 permis délivrés en France. Car il faut faire la différence entre réfugié et immigré. Un réfugié qui dépose une demande d’asile est considéré comme un demandeur d’asile. Ce statut transitoire ne constitue pas formellement un titre de séjour et il ne rentre pas dans les chiffres de l’immigration.
En revanche, l’octroi du statut de réfugié vaut titre de séjour qui peut être aussi accordé pour des raisons humanitaires. Compte tenu des délais d’examen des dossiers (plus d’un an en général), on peut donc prévoir que l’énorme afflux de demandeurs d’asile outre-Rhin l’an dernier se traduira en 2016 par une très forte hausse des permis accordés au titre de l’asile ou pour des raisons humanitaires.
Mais, en 2015, ce sont seulement 28.000 permis accordé à ces deux titres qui ont été délivrés en Allemagne, plus qu’en France (15.000) mais moins qu’en Suède (34.000) alors que ce pays est huit fois moins peuplé que l’Allemagne.
D’ailleurs, en cinq ans, les réfugiés régularisés en Suède ont dépassé les 130.000 contre 98.000 en Allemagne et 77.000 en France. Si l’on se réfère aux primo-demandeurs d’asile en 2014, ces données permettent également de constater que, sauf en Suède, une minorité de demandes d’asile a été jugée recevable. En France, les demandes ayant débouché sur un permis de séjour l’an dernier représentaient un tiers du total.
Le regroupement familial, premier motif d’immigration
Les deux principales raisons pour accorder un titre de séjour sont liées au regroupement familial (753.000) et à l’emploi (707.000) mais l’éducation (525.000) est également un motif important. Les trois motifs varient bien sûr selon les pays. Pour la France, sans surprise, le regroupement familial justifie plus de 40% des permis octroyés.
Mais attention, seulement 12.000 titres sur 92.000 accordés pour raisons familiales concernent des étrangers faisant venir leur famille en France, les autres étant des Français accueillant leurs parents étrangers.
Du coup, la France n’est pas du tout la championne du regroupement familial en Europe. Ainsi, le motif familial justifie 69% des titres de séjour en Allemagne, 61% en Italie et 53% en Espagne.
Royaume-Uni et France attirent les étudiants
Par ailleurs, en France, 31% des permis (70.000) sont délivrés au titre de l’éducation. C’est moins qu’au Royaume-Uni (229.000 -36%) mais beaucoup plus qu’en Allemagne (16.600 – moins de 9%). Les migrants étudiants les plus nombreux sont les Chinois qui ont été plus de 100.000 à venir dans l’UE l’an dernier, principalement au Royaume-Uni, mais aussi en France.
Plus d’immigrés du travail en France qu’en Allemagne
Il y a aussi beaucoup d’idées reçues en matière d’immigration économique, celle qui est motivée par l’existence d’un emploi dans le pays d’accueil. En nombre absolu, il y a eu l’an dernier plus de permis de séjour délivrés aux ressortissants extra-communautaires au titre de l’emploi en France qu’en Allemagne : 21.000 contre 13.500.
Pourtant, on le sait, l’Allemagne est en situation de pénurie de main d’œuvre. En fait, depuis plusieurs années, ce déficit est compensé outre-Rhin par les migrants venus d’autres pays de l’UE, Espagnols, Français ou Italiens. Or, ceux-ci ne sont pas considérés comme des immigrés dans la mesure où ils bénéficient quasi-automatiquement de titres de séjours.
Le Royaume-Uni est un pays beaucoup plus attractif pour les travailleurs étrangers puisque 120.000 titres de séjour ont été délivrés l’an dernier pour des motifs de travail. Mais, on ne le sait guère, le pays de l’Union qui accueille de très loin le plus grand nombre de migrants venant occuper un emploi est la Pologne : 375.000 personnes venues pour l’essentiel d’Ukraine.
La Pologne est donc en train de compenser les nombreux départs de ses nationaux vers l’Angleterre ou l’Allemagne par des travailleurs venus de ses voisins ukrainiens et biélorusses. Ce phénomène explique que les ukrainiens sont les migrants du travail les plus nombreux de l’Union européenne, nettement devant les Américains qui, eux, se rendent principalement au Royaume-Uni.
Les pays membres accueillent des nationalités différentes
Le panorama européen de l’immigration en termes de pays d’origine est très diversifié. Outre la Pologne, dont l’immigration est à 93% ukrainienne ou biélorusse, le Royaume-Uni accueille près de 45% de migrants américains ou chinois.
Dans les autres pays, les deux nationalités les plus représentées parmi les migrants ne dépassent pas 25% du total. En France, ce sont les Algériens et les Marocains, en Allemagne les Syriens et les Turcs, en Italie les Marocains et les Albanais… Donc, l’immigration dans l’Union européenne est assez ciblée par pays, même si l’afflux de réfugiés constaté depuis 2015 ne va pas manquer de faire monter dans les chiffres la proportion de Syriens, d’Irakiens ou de Soudanais.
Source : myeurop.info