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Entre les tours d’Evry, Valls n’en a pas fini avec la sécurité

Entre les tours d’Evry, Valls n’en a pas fini avec la sécurité
Le maire s’appuie sur une figure locale qui peine à cacher la lassitude d’habitants. Reportage.

Il y a trente ans, le quartier des Pyramides, à Evry (Essonne), était un village charmant et aéré. Puis seul le logement social a continué de progresser, les bourgeois sont partis. Le quartier s’est dégradé. Les Pyramides, derrière le centre commercial L’Agora, sont devenues un des quartiers chauds de la banlieue parisienne.

Pour y rétablir le « vivre ensemble » et sécuriser les habitants, Manuel Valls, maire d’Evry depuis 2001, s’est notamment appuyé sur une figure du quartier.

MBaye Badiane, un sénégalais de 78 ans qui en fait 20 de moins et vit aux Pyramides depuis 1988. Surnommé « le Dinosaure », tout le monde le salue. Badiane est coprésident du conseil du quartier, au côté de Valls. Elu par les habitants des Pyramides à 98% (il est à chaque fois le seul candidat).

MBaye Badiane : « Pas de salle des fêtes aux Pyramides »

Ils se ressemblent un peu. MBaye Badiane et Manuel Valls ont le même caractère autoritaire. Ancien officier de l’armée de l’air, Badiane n’aime pas les jeunes qui ont les mains dans les poches. Admirateur de la République, Badiane a soutenu le maire dans l’affaire du Franprix halal :

« Je suis musulman pratiquant. Tu ne peux pas arriver en France et imposer ta façon de voir. »

Il votera Valls à la primaire socialiste. Le maire d’Evry n’a aucun défaut sauf celui de ne « jamais lâcher le morceau ».

« Ah, et aussi, il ne va pas être content que je le dise, il n’y a pas de salle des fêtes aux Pyramides. Pour les décès, on n’a rien. »

Le quartier des Pyramides, à Evry (Essonne) (Audrey Cerdan/Rue89).

Le quartier des Pyramides, à Evry (Essonne).
Les caméras place Jules Valles, ce n’est qu’un début

Selon MBaye Badiane, Manuel Valls a complètement transformé le quartier en dix ans. Comme beaucoup d’élus de banlieue, il fait appel aux fonds de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) afin de le réhabiliter.

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Badiane nous promène dans la ville, en boitant légèrement. Le nouveau centre de restauration scolaire le fait frémir de fierté. Il nous montre les allées fleuries, la nouvelle école maternelle, le stade méga-équipé et la nouvelle résidence universitaire si colorée. Il s’extasie.

Le septuagénaire jure aussi que la police municipale a eu un « effet apaisant » sur le quartier. Plusieurs caméras de vidéo-surveillance ont été disposées place Jules-Valles, nous dit-il, et ce n’est qu’un début.

Bintou, 31 ans : « Le maire n’est pas facile d’accès »

Les habitants que l’on croise, sur notre parcours, sont moins enthousiastes que lui. Bintou, 31 ans, trouve que la mairie n’aide pas assez les jeunes :

« La maison de quartier ne propose pas grand-chose. Et moi… J’ai une voisine folle qui envoie des gaz lacrymogènes dans la tête de mes enfants. J’ai contacté plusieurs fois les élus municipaux pour un rendez-vous, ils ne m’ont jamais rappelée. »

Bintou, 31 ans, habitante des Pyramides, à Evry (Essonne), et son fils (Nolwenn Le Blevennec/Rue89).

Bintou, 31 ans, habitante des Pyramides, à Evry (Essonne), et son fils.

A sa droite, Badiane s’énerve : elle aurait dû passer par lui, pourquoi ne l’a t-elle pas fait ? C’est pourtant la meilleure façon de procéder. Pas impressionnée, Bintou rajoute une couche :

« Le maire n’est pas facile d’accès. Un jour, à la fête de quartier, mon mari qui veut devenir styliste et ouvrir un magasin est allé le voir pour lui en parler. Manuel Valls ne l’a pas regardé. Il aurait dû ouvrir la discussion. »

Badiane trépigne : il devait y avoir beaucoup de monde, il n’a pas dû l’entendre, etc. En terme de mixité sociale, dans le quartier, Bintou ne voit d’amélioration pour le moment.

« Quand il y a des fêtes de quartier et que je regarde autour de moi, je ne vois que des Noirs. Les bailleurs sociaux nous mettent tous au même endroit. »

(Pendant ce temps, Badiane sermonne un jeune qui passe en moto sur le pont en bois sur lequel nous sommes. C’est interdit. Le jeune s’en fiche.)

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« Il nous en a mis plein les yeux »
Plus loin, près du nouveau réfectoire, on croise deux femmes d’une cinquantaine d’années. Mireille – son prénom a été changé – est une grande blonde qui vit dans le quartier depuis toujours. Une ancienne de la mairie. Valls ? Elle sourit :

« Il nous en a mis plein les yeux. On le voit beaucoup à la télé aussi. »

Puis, elle attaque : la police municipale n’est pas assez présente. Elle raconte l’histoire de son vieux voisin du neuvième étage victime d’un cambriolage alors qu’il n’est parti qu’une heure chez Carrefour.

« Tout le monde sait qui c’est et personne ne bouge. »

Il y a vingt ans, on buvait des cafés dehors le soir, les gens discutaient, on mettait de la musique (des images en noir et blanc défilent, on imagine un bal musette au milieu des tours). Aujourd’hui, elle dit qu’elle n’ose plus sortir après 21 heures, à cause de l’insécurité. Badiane agacé :

« Vous exagérez. »

Hélène et son « problème de rats »

Mireille suggère qu’elle votera FN d’un air désolé. Mais c’est seulement au téléphone, quelques jours plus tard, qu’elle nous le dit clairement. Mireille est terrifiée par les représailles.

A côté d’elle, son amie Hélène se plaint : les impôts locaux si lourds et une taxe foncière de 1000 euros pour un appartement hérité de sa mère. Elle se tourne vers moi :

« Vous pouvez le mettre dans l’article qu’on paye trop d’impôts ? »

Elle a aussi « un problème de rats ». Ils sont partout dans le quartier. MBaye Badiane, sympa, promet de regarder s’il n’a pas des grilles à lui prêter. En fin de journée, il attend le bus avec nous pour être sûr qu’on ne parlera plus à personne (il n’en supportera pas plus).

Source ; rue 89

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