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Williams, 18 ans, né au Cameroun, sans papiers en France mais meilleur ouvrier de Bretagne

Williams Kemadjou Tchatchoua sourit. A tout juste 18 ans, il est sans papiers, après avoir connu l’enfer pour rejoindre la France depuis le Cameroun. Mais il vient de recevoir la médaille d’or du meilleur ouvrier en métallerie de Bretagne, et il sourit.

Ce jeune Camerounais né un 17 août 1998 n’a que 11 ans lorsqu’il quitte Loum – dans l’est de son pays natal – sa mère et ses trois frères et soeur, pour rejoindre son oncle à Douala, grande cité à deux heures de route, dans l’espoir d’un avenir meilleur.

« Je n’ai jamais aimé les champs », se justifie celui qui a dû arrêter l’école à huit ans, quand son père cultivateur a abandonné la famille.

A Douala, il s’initie à la manche et à la vente à la sauvette. Mais en 2013, alors qu’il a 15 ans, son oncle décède, le laissant seul avec ses trois cousins, sa tante ayant quitté le foyer quelques années auparavant.
« C’est alors que j’ai décidé d’aller en Europe », se souvient le jeune homme au visage lumineux, ne se doutant pas encore que la faim, le froid et la peur l’accompagneraient au long de son périple. « En Afrique, on ne vit pas, on survit », assure-t-il.

Son voyage, qui commence en janvier 2014, se terminera à Brest, à la pointe de la Bretagne (ouest de la France).

Quand Williams se lance, il a 15 ans. Il traverse d’abord le Nigeria, puis le Niger, l’Algérie et le Maroc, en moto, voiture, taxi-brousse, fourgonnette, bus, train de marchandises ou encore à pied.

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A trois reprises, il tente de franchir la frontière de l’enclave espagnole de Melilla, avant d’y parvenir le 1er mai 2014, en même temps que 140 autres migrants, tandis que des centaines sont arrêtés.

L’adolescent se retrouve ensuite à Paris, puis à Quimper en Bretagne après avoir pris le premier train au départ de la gare Montparnasse, l’une des gares de la capitale française.

En arrivant à Quimper, « je ne savais même pas où j’étais », s’amuse-t-il désormais, avouant avoir confondu le breton avec de l’allemand.

Les services de la Commission départementale d’aide sociale (CDAS) du Finistère le prennent en charge et le placent en famille d’accueil, puis dans un appartement à Brest avec d’autres jeunes mineurs isolés comme lui.

Pendant deux mois, il suit des cours dans un lycée avec des élèves en échec scolaire, avant d’entamer en septembre 2015 une formation en métallerie-serrurerie.

« Il est très motivé et intéressé, toujours demandeur et souriant », résume Dominique Donval, directeur adjoint du lycée, qui prend en charge une partie de ses frais de scolarité. « Il a commencé de zéro, mais il apprend très vite, c’est une perle », poursuit-il.

Son lycée le sélectionne pour participer aux olympiades régionales des métiers. Williams y a remporté mi-octobre une médaille d’or après avoir fabriqué en trois jours une hydrolienne de 40 kg, un engin dont il découvre l’existence en même temps qu’il le façonne.

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« Williams nous a beaucoup étonnés. Il est arrivé sans aucune expérience professionnelle, contrairement aux autres participants », qui étaient inscrits en baccalauréat professionnel, se souvient Lionel Moretto, l’un des membres du jury.

« Son ouvrage était parfait en termes de dimensions, de cotes et de précision », assure-t-il à l’AFP, vantant la débrouillardise, le grand sens de l’observation et l’envie de réussir du jeune Camerounais, qui participera aux finales nationales à Bordeaux (sud-ouest) en mars, avant de peut-être s’envoler pour Abou Dhabi en octobre 2017 pour représenter la France à l’échelle internationale de ce concours.
« A n’importe quel moment il peut être arrêté et ramené au Cameroun », rappelle cependant l’un de ses anciens éducateurs, Samuel Join, qui continue à le suivre bénévolement.

« J’ai du mal à me dire que l’Etat français pourrait laisser tomber un jeune avec un tel talent », souffle l’éducateur, lors d’une rencontre début novembre avec Williams et sa « famille de coeur », à Milizac, non loin de Brest. Une famille qui, après avoir eu « la chance » de le rencontrer – à l’église -, l’a recueilli cet été alors que son placement dans le cadre de l’aide à l’enfance prenait fin.

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