Amadi Gueye est un jeune Sénégalais de 32 ans, arrivé depuis quelques mois à Dinan, dont la vie est guidée par la religion musulmane.
« Le baptême de mon fils, je l’ai fait tout seul et je n’ai pas eu besoin d’égorger un mouton sur mon balcon pour qu’il soit intégré dans une communauté religieuse. Ici, ça ne se fait pas, c’est comme ça, je n’ai pas à me poser de questions, je ne suis pas chez moi. C’est comme la polygamie. On ne peut pas importer des coutumes qui ne sont pas adaptables », affirme ce Sénégalais imprégné de religion mais d’une tolérance qui semble à toute épreuve.
Plus de 90% de musulmans
Nos questions ne l’agacent pas, il a sûrement maintes fois débattu de tout cela : la place des femmes, les prières, l’embrigadement mais il y répond sans complaisance. Avec plus de 90 % de musulmans, le Sénégal est un pays pacifique où les femmes, non voilées, ont obtenu de grandes avancées ces dernières années. Mais marié à une Dinannaise, Amadi dit avoir encore évolué sur les rapports hommes-femmes.
Pour être honnête, ici, c’est le paradis!
Amadi avoue avoir « été très bien accueilli en France par la population, ma belle-famille et toutes les structures qui font que la France est un beau pays. Pour être honnête, ici, c’est le paradis ! » Le jeune homme, qui travaille en intérim depuis son arrivée, ne tarit pas d’éloges devant un système que seuls les étrangers arrivent à voir positivement.
« Beaucoup de jeunes ont des problèmes d’identité aujourd’hui. Ils ne savent plus où se situer pourtant, ont-ils le droit de se plaindre ? Ils ont tout en France. On va à l’école le temps qu’on veut, si on ne trouve pas de travail, on nous accompagne pour le faire et on peut se soigner. La vie n’est pas aussi simple partout même si le prophète nous a appris à toujours voir le bon côté des choses. »
Assidu
Et l’on veut bien croire celui qui, élevé seulement par sa mère, a dû arrêter l’école en fin de primaire et a grandi dans un environnement assez dur. Débrouillard, Amadi apprendra le métier de couturier très jeune qui le mènera à avoir une petite boutique à M’Bour, une ville côtière au sud de Dakar.
Confié enfant à un marabout, guide spirituel et « catalyseur social » qu’il vénère toujours, même dans son appartement dinannais, Amadi est très pieux. Il manque rarement une prière et se veut un messager de paix au quotidien, sans aucun prosélytisme.
« Même si le monde entier devenait musulman, ça ne changerait absolument rien pour moi. Et si plus personne ne l’était, ça ne changerait rien non plus. La religion, c’est très personnel. C’est une relation que l’on a avec Dieu, c’est tout. Malheureusement, la religion musulmane est devenue un business. On sait aujourd’hui que des mosquées sont construites pour blanchir de l’argent… », déplore le jeune homme.
Quand j’ai fini de prier, je suis un homme comme les autres
À Dinan, certains musulmans se rassemblent pour prier mais Amadi préfère la solitude de son appartement. « Nous devons prier cinq fois par jour à des moments précis mais le prophète ne nous a jamais dit qu’il fallait le faire ensemble, dans un lieu de culte. Je n’ai pas besoin de me montrer devant les autres pour savoir que j’ai prié. La différence entre un croyant et un non croyant, c’est la prière et quand j’ai fini ma prière, je suis un homme comme les autres. »
Baisser la tête
Amadi considère que certains musulmans ne sont pas en accord avec le prophète Mohammed, et qu’une ’culture’a parfois pris le pas sur la religion. Une culture plus radicale, parfois héritée d’un autre temps avec laquelle le Sénégalais a choisi de rompre. « Il faut bien comprendre que le terrorisme fait tort à tous les musulmans. Quand je sors maintenant, je baisse la tête. Les gens vont changer de regard sur moi à cause d’eux alors que j’ai envie de la même chose que tout le monde : réussir ma vie et donner à mon fils ce que je n’ai pas eu. Ce sont des voyous et il faut les traiter comme tels. La religion est une lumière, elle doit éclairer ton cœur et tu ne peux pas tuer quelqu’un en son nom. »
Ouvrir sa porte
Pour autant, Amadi pense que chaque Français doit faire un bout de chemin vers la tolérance et déverrouiller certains blocages, de part et d’autre de la société, en « ouvrant nos portes. Il y a des tas de choses à faire, à écrire plutôt que de caricaturer le prophète. Il n’y a pas que cette stratégie-là dans la vie. Il ne faut pas qu’on nous amène sur un terrain dangereux ! »
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