Descendant d’esclaves né à Cuba, Severiano de Heredia a connu un destin en tout point exceptionnel. Sa vie fut romanesque, épique, prestigieuse et pleine de succès.
Pourtant, aussitôt enterré, cet homme noir a été rangé dans les oubliettes de l’histoire.
La preuve : plus personne ou presque ne se souvient que Severiano de Heredia a été ministre en France et, même, maire de Paris ! Retour sur la vie d’un homme qui a servi la France… mais que la France a préféré renier en raison de la couleur de sa peau.
Severiano de Heredia, né à La Havane à Cuba le 8 novembre 1836 était le fils de Henri de Heredia et Beatrice de Cardenas, tous deux gens de couleur libres ; il eut comme parrain don Ignacio Heredia y Campuzano (1794-1848) ; il est baptisé en tant que « mulâtre, né libre ».
Ignacio Heredia y Campuzano, son parrain, avait épousé une française Madeleine Godefroy dont il n’eut pas, semble-t-il, de descendance ; il serait d’après certaines sources le père naturel de Severiano (qui serait alors le cousin germain direct de José María Heredia (1803-1839), le célèbre poète cubain, et le cousin issu de germain de José-Maria de Heredia, le poète français auteur des Trophées).
Ignacio Heredia y Campuzano assuma en tout cas l’éducation de son fils adoptif l’envoyant en France à l’âge de 10 ans. Severiano fit de très brillantes études au lycée Louis-le-Grand où il reçut en 1855 le grand prix d’honneur du lycée.
Il composa plusieurs nouvelles et essais poétiques. Son parrain Ignacio Heredia fit de lui son héritier le mettant à l’abri du besoin.
Ils eurent comme neveu et fils adoptif Charles Lapicque (1898-1988) qui après des études scientifiques devint un peintre connu.
Il demanda la nationalité française « pour montrer qu’il reconnaissait ce qu’il devait à la France en ces temps difficiles et pour lui être utile ». Il obtient sa naturalisation par un décret du 28 septembre 1870.
Carrière politique
Il devint membre du conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes (17e arrondissement de Paris) à partir d’avril 1873, président du conseil municipal de Paris en 1879, puis fut élu en août 1881 à la Chambre des députés (premier mandat sous l’étiquette de l’Union républicaine, second mandat sous celle de la Gauche radicale).
Il devint ministre des Travaux publics du 30 mai 1887 au 11 décembre 1887 dans le premier gouvernement de Maurice Rouvier.
Il lutta entre autres pour réduire la journée de travail en usine à dix heures pour les enfants de moins de douze ans, se prononça contre le général Boulanger et intervint dans le vote des lois sur le réseau métropolitain de Paris.
L’exposition coloniale de 1886 constitua, selon certains historiens, le début du déclin de sa carrière. Il perdit l’élection législative de 1889 et celle de 1893 face au candidat boulangiste Charles Le Senne. Il se retira de la scène politique pour se consacrer à l’histoire de la littérature.
Il s’orienta vers l’action politique en tant que républicain de tendance radicale. Il est en outre un franc-maçon : initié en 1866 à la loge « L’Étoile polaire » du Grand Orient de France, il en fut ensuite le vénérable.
Severiano de Heredia mourut le 12 février 1901 en son domicile parisien de la rue de Courcelles.
Il est enterré au cimetière des Batignolles à Paris dans une concession à vie à la division 8, ligne 1, numéro 39.
Hommages
Un vœu, adopté à l’unanimité, est déposé par notre compatriote Lamine Ndaw, élu socialiste à la mairie de Paris du 17e arrondissement, afin que sa mémoire soit préservée.
Le 10 septembre 2013, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, propose d’associer son nom à une voie du 17e arrondissement. La rue Severiano-de-Heredia se trouve dans le quartier des Batignolles.
Le 5 octobre 2015, Anne Hidalgo, successeur de Severiano de Heredia au poste de maire de Paris, a enfin baptisé une rue du nom de ce cet afro-cubain naturalisé français en 1870.