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« On n’arrive pas à valoriser la présence des étrangers ici »

france senegal

Témoignage de Gilles, 26 ans, Marseille. Dans son casque : Fela Kuti, «Colonial Mentality». Langue étrangère : le wolof.

«Gamin, mes parents sont partis s’installer au Sénégal. J’allais pas rester tout seul à 10 ans, donc j’ai suivi mes parents au Sénégal.

Quand je suis rentré à Toulouse pour la fac, j’étais comme un étranger en France. Je me suis dit : je veux pas rester dans ce pays qui met tout le monde dans des cases. Je me suis pris la tête avec mon oncle à une réunion de famille. Il me dit : « Le problème de la France, c’est que vous les jeunes, vous n’êtes plus fiers de votre pays. » Je lui dis : « OK, tu veux que je sois fier de quoi ? J’ai 26 ans, je reviens ici, c’est moi qui suis responsable de la misère de ce pays ? » Lui, il arrive avec sa légitimité, sa retraite, sa baraque, mais à aucun moment il ne s’intéresse à mon quotidien.

En tant que Blanc né dans ce pays, j’ai jamais eu d’examen à passer pour savoir si j’étais fier, si j’étais intégré. On ferme les frontières en mon nom : mon ami d’enfance ne pourra jamais me rendre visite. J’ai honte de rentrer au Sénégal et de lui dire ce que j’ai vécu depuis sept ans. Ça me rend fou de me dire que je ne peux pas l’inviter, lui qui m’a accueilli toute mon enfance.

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On n’arrive pas à valoriser la présence des étrangers ici. Pour mes parents aussi, c’est pas facile de s’intégrer, même en tant que blancs, Français. Ils ont 65 ans, ils ont dû faire des faux pour se loger, ma mère a demandé à son frère d’être caution. Ils ont déchanté. Ils veulent rester actifs, mais mon père est entouré de gens de son âge à la retraite qui se disent : « Je suis là pour profiter, j’ai assez bossé. » Avec la crise, ils sont dans le repli, la peur. Quand tu es vieux, que tu es replié chez toi et que ta vision de la vie politique elle passe par la télé, le poids de ton vote est démesuré.

Chercher un CDI aujourd’hui, c’est chercher le dahu ou le yéti au Pôle Emploi ! Un crédit à la banque, c’est impossible, aller vivre chez ses parents, c’est une galère. J’ai peur de vieillir, d’être fermé d’esprit, d’envoyer de la résignation à des gens qui ont envie d’enthousiasme. J’ai pas envie de devenir un vieux, autoritaire et légitime. Quand est-ce qu’on se bat pour un réel truc collectif ? Comment nous, les jeunes, on peut combattre le discours fait sur nous, faire qu’on arrête de parler à notre place ?»

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Source : Libé

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